Patente

  Imprimer cet article Imprimer cet article

Arcachon, le 3 mars 1896,

Monsieur le Rédacteur,

On me signale, un peu tard, le rejet par le Conseil municipal d’Arcachon,  en séance du 8 février 1896, d’une pétition que quelques commerçants sédentaires de cette ville avaient, en septembre dernier, adressée à M. le Maire, demandant que la vente des fourrages, bois et charbons, par des marchands ambulants étrangers à la localité ou par des producteurs des communes voisines qui ne paient, à Arcachon ou ailleurs, ni patente, ni impôts d’aucune sorte – Ô les veinards – , soit réglementée, c’est-à-dire qu’un lieu public et vaste soit réservé à ces vendeurs, — on proposait l’avenue Nelly-Deganne — afin que, la liberté commerciale étant respectée à leur égard, les intérêts très précieux des commerçants sédentaires, patentés et alors exhorbitamment (sic) surchargés d’impôts et sollicités de pots-de-vin, fussent garantis.

Exerçant un des commerces sédentaires visés dans la pétition, je trouvai très légitimes les revendications qui leur étaient formulées, et quand elle me fut soumise, je la signai.

Sollicité d’accompagner ceux qui en avaient pris l’initiative, je le fis volontiers.

Je crois me souvenir que cette pétition était écrite dans une langue assez claire et les motifs invoqués étaient de ceux que tout le monde comprend.

Cependant si les conclusions textuelles de la commission, conclusions qui ont motivé le rejet par le Conseil, sont celles qui sont insérées dans la première colonne de votre honorable journal, en date du 16 février 1896, j’ai le regret de déclarer, moi qui n’ai pas d’attaches politiques à Arcachon, qui n’y ai que des intérêts purement matériels et qui, et par conséquent, n’espère rien que d’officiel et de juste de ceux qui administrent cette ville, que la commission n’a rien compris, vous m’entendez rien, à ce qui lui était demandé, et qu’elle a tout l’air de ne pas comprendre davantage ce que sont les intérêts des petits vendeurs, ni ceux des consommateurs les moins fortunés, qu’elle mélange en une macédoine malheureuse, et qu’elle pense devoir être lésés par une telle mesure.

En premier lieu, il n’y a à Arcachon ni gros, ni petits vendeurs, attendu que l’importance de cette ville ne se prête pas à l’établissement de grands magasins, minotaures dévorant les petits : il n’y a que des commerçants car il n’y a place que pour des commerçants, exerçant eux-mêmes ou avec l’aide d’un petit personnel.

En second lieu, les consommateurs les moins fortunés ne pourraient être lésés par une telle mesure, attendu qu’ils seraient libres d’aller à l’avenue Nelly-Deganne, faire auprès des producteurs landais qui n’offrent aucune garantie de stabilité, leurs achats de fourrages, de bois ou de charbons, comme cela se fait à Bordeaux sur les quais, au marché aux fourrages, bois, tuiles, pierres, etc., achats enfin, que les vendeurs n’auraient pas été solliciter de porte en porte contrairement à la lettre et à l’esprit de l’arrêté municipal, —  qui n’a pas été pris, du reste, par la municipalité actuelle, — qui interdit aux commerçants d’Arcachon les sollicitations chez les nouveaux arrivants dans cette ville, arrêté arbitraire, je m’empresse de le dire, pris en fraude des droits les plus stricts du commerce, violant absolument et absurdement la liberté commerciale et laissant le champ libre aux rancunes de ceux qui ont mission de l’appliquer.

En admettant cependant que cet arrêté ait une valeur, la logique exigeait que ce qui est défendu aux seules gens payant la note élevée des impôts dans Arcachon, le fut aussi à ceux qui, avec leurs attelages défectueux, encombrent et défoncent les voies de cette ville et ne l’en défraient pas.

Ce sont bien les intérêts des petits vendeurs et des vendeurs en général qui sont ainsi lésés, de tous ceux qui paient une patente à Arcachon, qui y vivent, y paient des loyers, y entretiennent des employés, y dépensent, en un mot (comme en cent), tandis que ceux des gens de La Teste, Sanguinet, Lugos, Salles, Belin, et ailleurs pour ne citer que ceux-là, sont amoureusement, religieusement protégés par cette manière de voir, alors que ces gens de campagne, commerçants improvisés, ne font que des dépenses insignifiantes à Arcachon.

J’ai l’honneur de vous demander l’insertion de cette lettre. Il est bon que ce soient des administrés qui osent dire leur fait à leurs édiles, quand ceux-ci entendent aussi mal les intérêts qu’ils ont à sauvegarder. Il est bon aussi que tous les administrés d’Arcachon, sachent comment on administre chez eux et c’est pourquoi je me permets de protester en ce qui me concerne et concerne mes confrères en commerce.

Une commission financière d’une ville comme celle-ci, dont la situation financière autorise une côte de 180 % centimes additionnels, n’est pas fondée à répondre aussi cavalièrement aux justes demandes de ceux qui lui fournissent les moyens financiers d’aboutir. On y met la forme, et il y a la manière, pour ménager les intérêts précieux des uns et le bien-être et la satisfaction bien entendus des autres.

Veuillez agréer, etc.

Ch. Duffart

 

Remarque : en 1896, Charles Duffart a publié « Le bassin d’Arcachon : géographie rétrospective du bassin, projets et essais d’amélioration des passes depuis un siècle, état actuel »

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5489456q.r=%22g%C3%A9ographie%20r%C3%A9trospective%20du%20bassin%22?rk=21459;2

 

L’Avenir d’Arcachon du 8 mars 1896

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54301464/f1.item.r=lugos.zoom

Ce champ est nécessaire.

Raphaël

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *