Petite causerie vespérale relative à l’espadrille.
Mes contempteurs pousseront des cris d’orfraie, des « encore ! », car il est vrai que j’ai déjà commis quelques causeries sur ce même sujet, mais je ne m’en lasse pas. D’ailleurs, je ne m’enlace pas plus que je ne lace mes espadrilles car celles-ci sont dépourvues de lacet — contrairement aux catalanes qui en ont des longs remontant sous le genoux.
C’est en effet la saison de ma commande annuelle d’espadrilles auprès d’une de ces vieilles maisons mauléonnaise qui se sont faites une spécialité de la fabrication de ces sandales aussi également estivales que précaires. Car il faut bien le dire, les fourbes Basques ont inventé, il y a bien longtemps, la « fast fashion » en proposant de nous chausser de toile cousue sur une semelle de corde enduite de caoutchouc. Or la chose ne dure qu’une saison… et encore.
Le lecteur HTBoïate et néanmoins numérique sait évidemment que le poussin prêt à sortir de l’œuf possède sur son petit bec une pièce cornée et très dure qu’on appelle « diamant » lui permettant de crever la coquille… Et bien l’ongle du gros orteil c’est pareil ! Le « gros pouce du pied » (comme disait mon fils lorsqu’il n’était qu’un tout petit enfant) se fraie obstinément un chemin vers la lumière et transperce la toile de l’espadrille. On tolère cette intrusion, si l’on est comme moi de bonne composition, mais lorsque la couture latérale, pourtant faite main et ne comptant pas moins de 30 fils, vous lâche lamentablement il faut bien se résigner à rebuter les sandales. Dans ma commune il s’agira de les jeter dans la poubelle jaune, destinée aux matériaux recyclables, suivant en cela les recommandations des « Verts » (mais sans y mélanger le verre), que l’on doit positionner sur l’emplacement peint en rouge sur la chaussée — les responsables des ordures ménagères sont très joueurs.
Bref, bien qu’elles ne soient pas « usées jusqu’à la corde » et loin de là, mes espadrilles ont une nouvelle fois « trahi la confiance que j’avais mis à l’intérieur d’elles » en même temps que mes petons. Méfiez-vous les espadrilles, je finirais par vous préférer les sabots landais dont mon gros orteil ne sera pas près de percer l’extrémité.
Thierry PERREAUD