Que savez-vous des sangsues d’Audenge ?
À la fin du siècle dernier, on exploitait encore, dans les marais de la région d’Audenge, les fameuses sangsues dont nos grands-parents faisaient un grand usage pour se faire « tirer du sang ». Le travail de collecte des bêtes était réservé aux plus pauvres qui, peu à peu, y laissaient leur santé. Ce sont eux qui servaient d’appât en plongeant leurs jambes nues dans les eaux glacées et glauques des marais, jusqu’à ce que les mollusques viennent s’y accrocher. C’est en creusant une mare à sangsues dans un bas-fond nommé Martet qu’il fut collecté un certain nombre de monnaies en or que l’on authentifia par la suite comme datant du Bas Empire. Il s’agit, compte tenu des descriptions faites, d’une parcelle seulement d’un trésor éventré. Cette mare se situait sur l’actuelle parcelle dite Les Martets[1].
Les laboratoires Desbarax qui, si je me souviens, donnaient sur la place de l’église, église qui était le fief de mon grand-oncle Paul Daurel.
Habitant Pauillac, ma mère, pharmacienne, allait au boulot (une fois par mois… ou par trimestre, je ne sais plus) en prenant, via Lesparre, le train du « Chemin de fer économique ».
À quoi René Magnon ajoute : « je ne sais pas grand chose de l’élevage des sangsues, sinon que les élevages et le moulin étaient à 1 ou 2 km de la villa dans la forêt. Nous y allions l’après-midi quand la marée était basse au port et à la plage. Nous nous amusions à faire des barrages dans le ruisseau et ramenions des sangsues accrochées à nos pieds ou jambes… Mon beau-frère Kléber Ballion, ami d’un descendant aurait pu mieux vous entretenir de cette question, mais il est décédé ».
Eveline Metivier d’Audenge complète : « À Audenge, sur le site où se trouvaient les élevages de sangsues, il y a le lotissement « les jardins de Cardolle ». Je l’ai un peu connu bien après l’époque sangsue, et avant le lotissement : Il y avait des tas de cèpes et des pieds de mouton… que du bonheur ! Le nom des rues y est assez évocateur : rue des sangs,
place Aristide Dagréou – un éleveur de sangsues qui a une descendance que je connais sur Audenge – rue André Meunier dit Murène – personne n’a pu m’expliquer et je me suis fait ma petite idée, la murène à une ouverture de gueule phénoménale ! -. Sinon mon plus proche voisin s’appelle Michel Ballion fils de Kléber, et Mme Kléber Ballion
serait également à même de répondre à vos questions je pense ».
Je prête aussi à Françoise Branger d’avoir ajouté : « Vous avez aussi comme fils de Kléber, Jacques ostréiculteur à Audenge, Raymond Terrassement à Audenge, et plusieurs filles dont je ne connais pas précisément le nom marital mais très actives sur le plan associatif local Audenge/Biganos…. Et il y a toujours un élevage de sangsues médicinales à Audenge… »
Françoise Cottin a retrouvé dans ses classeurs « des cartes postales représentant les réservoirs à sangsues des établissements Dagréou, hirudiniculteur à Audenge.
La facture de la Maison A. Dagréou, à entête Les Sans Rivales, en date du 24 août 1924, est adressée à Brunies à Pons. L’éleveur lui facture 50 sangsues de la catégorie belle moyennes pour 16,50 francs et lui garantit une mortalité à six mois.
Voilà ce que nous écrivions, il y a sept ans dans « Le Bassin d’Arcachon au temps des pinasses de l’huître et de la résine » : « Près d’Audenge se trouvent d’autres réservoirs qui paraissent aujourd’hui très insolites, des réservoirs à sangsues. Très abondantes dans les marécages des Landes, les sangsues sont employées depuis fort longtemps pour des saignées locales. Chaque maison possède un bocal à sangsues, rempli au trois quarts d’une eau verdâtre, afin de prémunir ses habitants contre les « coups de sang ». Toutes les pharmacies vendent des sangsues et les réservoirs d’Audenge exportent leur production dans toute la France ».
Nous en possédons une autre, très comparable, des réservoirs Bouchaud
Les commandes devaient être adressées à Monsieur A. Bouchaud, sangsues en gros, 9 Avenue de la Côte d’Argent à Bordeaux. Le pharmacien qui demandait une expédition de sangsues ne devait surtout pas oublier de spécifier s’il voulait ses charmantes petites bêtes avec ou sans tourbe ! »
Et pour terminer avec ce sujet « sangsue », René Magnon nous « remercie d’avoir réagi au sujet de l’élevage de sangsues à Audenge. Michel Ballion, Jacques, Raymond et leurs sœurs sont mes neveux et nièces, fils de Kléber et Christiane Magnon-Ballion ma sœur aînée qui habite toujours à la Courbe. Je suis toujours en relation avec eux. Je connais vos très intéressants écrits et m’en suis inspiré pour écrire l’histoire de ma famille “en résidence secondaire” à Audenge entre 1937 et 1958. Je connais également les deux cartes postales. Le pont qui faisait un petit barrage est celui que nous traversions mes frères, mes cousins et moi-même, puis par la suite mes neveux et nièces au bout de la traversée de la forêt en venant de la Courbe. Je pourrais être le petit-garçon avec le béret sur le parapet. Le grand-père nous envoyait également à la pharmacie d’Audenge pour acheter sa boîte de sangsues.
Au centre hospitalier intercommunal de Tarbes Vic en Bigorre, dans les années 1980, un chirurgien en ophtalmo (aujourd’hui décédé) traitait encore certains de ses patients avec les sangsues. »
La sangsue est utilisée depuis la plus haute Antiquité à des fins thérapeutiques. Au cours de l’histoire, la sangsue connaît en France des périodes de faveur, en particulier au XIXe siècle mais aussi des phases d’abandon voire de dénigrement. Depuis quelques années, la sangsue connaît un renouveau avec son utilisation en chirurgie plastique et traumatologique et un retour à son usage en médecine traditionnelle.
Les traces les plus anciennes d’utilisation de la sangsue semblent remonter à la plus Haute Antiquité, au moins à 1600-1300 avant J.C. En effet, dans un tombeau de Thèbes (Egypte) de la XVIIIe dynastie, une fresque murale représentant une pose de sangsue a été mise en évidence.
L’usage des sangsues est également décrit par des écrivains grecs et latins de l’Antiquité (Plaute, Cicéron, Horace) sous le nom de bdella, sanguisuga ou hirudo.
La pratique des saignées est introduite par Hypocrate (460-370 avant J.C.), ce dernier croyant en une règle de l’harmonie entre les 4 fluides corporels : le sang, les glaires, la bile jaune et la bile noire. Selon lui, tout déséquilibre entre ces « humeurs » induit la maladie. La croyance populaire veut alors qu’ôter du sang du patient corrigerait le déséquilibre humoral et rétablirait une bonne santé.
En Grèce, Nicandre de Colophon (185-138 avant J.C), qui l’évoque dans son poème médical Alexipharmaca, et à Rome, Themison de Laodicée (123-43 avant J.C) semblent avoir été les premiers à préconiser l’emploi des sangsues en thérapeutique. Pline l’Ancien (23 à 79 après J.C.) leur donne le nom de sanguisuga (qui suce le sang) conseille leur usage dans le traitement des phlébites et des hémorroïdes (Linné (1707-1778) les dénomme hirudo).
Alexandre de Tralles (525-605 après J.C.) traite la perte de l’ouïe avec des sangsues associées à d’autres « nouveaux » traitements tels que le jus de cafards.
Au Moyen Âge, les barbiers chirurgiens armés d’un aide, d’un bassin à sangsues et d’une provision de linges saisissent brusquement le bras du patient pour faire sortir les veines et pratiquent la saignée. Les bandes de linge tachées de sang sont enroulées, dans le vent, autour des perches servant d’enseignes aux barbiers et préfigurent les mâts rayés rouge et blanc signalant autrefois les salons de coiffure. Les premiers mats étaient surmontés d’un bassin à sangsues qui avec le temps a été transformé en une boule surmontant le mat.
À la fin du Moyen Âge, les médecins traitent de nombreuses maladies par des applications de sangsues. Vers le milieu du XVIe siècle, Conrad Gessner, de Zurich, fait une description détaillée de la sangsue médicinale et prône son utilisation. Mais dans le même temps, l’ensemble des facultés de médecine en Europe ignore son usage. Au XVIIe siècle, la saignée est pratiquée avec des lancettes, l’intervention de la sangsue reste marginale. À cette époque, pourtant, Jérôme Negrisoli publie un ouvrage sur l’application des sangsues en gynécologie.
Au XVIIIe siècle, les sangsues sont remises à l’honneur en particulier dans le traitement des phlébites et des hémorroïdes. À la Révolution, faute de chirurgiens, elles sont utilisées pour réaliser les saignées.
Au XIXe siècle, différentes monographies sont publiées. En 1809, Vitet, auteur du Traité de la sangsue déclare : « les avantages de la sangsue sur l’homme sont si grands qu’il importe à tout médecin de les connaître ». La sangsue est de nouveau perçue comme un outil thérapeutique unique. Ainsi, au début du XIXe siècle, John Friedrich Dieffenbach (1792-1847) souvent appelé le « père de la chirurgie plastique » utilise pour la première fois les sangsues avec succès pour la rhinoplastie et autres reconstructions. En effet, les sangsues s’avèrent utiles dans les reconstructions tissulaires après amputation ou lors de greffe, mais c’est en chirurgie maxillo-faciale et microchirurgie des extrémités qu’elles sont très prisées. L’efficacité de leur action dépend de la précocité de leur application. Les sangsues pour peu qu’elles soient placées à l’endroit le plus judicieux d’une cicatrice vont permettre aux micro vaisseaux de se ressouder, aux petits capillaires de se revasculariser et vont ainsi restaurer le retour veineux. Elles font merveille pour recoudre une oreille, ou un doigt sectionné, reconstruire un sein ou suturer une plaie, pour peu que le malade accepte la succion de cet animal qu’il peut considérer comme répugnant. L’influence de Broussais (1772-1838), médecin en chef de l’Hôpital du Val de Grâce et chirurgien dans la Grande Armée est décisive pour la sangsue et pour son commerce. Selon la devise de Broussais « Toute maladie étant une hyperstimulation, une inflammation le plus souvent de l’estomac, il faut la combattre par des mesures anti-inflammatoires, c’est-à-dire, l’application de sangsues de préférence sur l’abdomen et par une diète stricte ». À partir de 1822, Broussais publie les annales de la médecine, mensuel édité pendant 12 ans et qui permet de répandre sa doctrine à toute l’Europe. Broussais passe pour être le meilleur spécialiste du sang, alors qu’il est parfois qualifié par ses adversaires de « vampire de la médecine ». Il estime que toutes les maladies proviennent d’un excès de fabrication de sang et requiert l’application de sangsues. Il ne voit les patients qu’après qu’ils aient préalablement subi ce traitement. Les sangsues deviennent dès lors la thérapeutique par excellence, elles inspirent même la mode féminine, les robes se parant de broderies figurant ces « demoiselles noires » ; on parle alors de « robe à la Broussais ». À Mirecourt, les femmes vont se mettre jusqu’aux genoux dans une mare pleine de sangsues pour « se faire tirer le mauvais sang ».
La France devient la plus grande consommatrice de sangsues. L’usage médical de la sangsue médicinale (Hirudo medicinalis) se développe. Les sangsues deviennent également très populaires en Europe et en Russie pour traiter des affections aussi diverses que la tuberculose, l’épilepsie ou les rhumatismes.
Lors des premières années d’utilisation des sangsues, la pêche répondant à la demande, les pêcheurs ne prélèvent que les animaux nécessaires et de taille standard. Avec la hausse des prix, la pêche devient anarchique. On donne pour exemple de cette exploitation intensive : le plus grand étang de Capestang (Gironde) qui, au début, fournissait 15 000 sangsues par jour, n’en produisait que 4 000 par an, 15 ans plus tard !
La quantité d’annélides utilisée entre les années 1830 et 1840, est d’environ 60 millions par an. Dans le même temps, la Russie consomme annuellement 30 millions de sangsues pour traiter des affections aussi diverses que la tuberculose, l’épilepsie ou les rhumatismes.
L’usage massif entraîne progressivement le dépeuplement des marais français. Dans un premier temps, la France doit recourir aux pays voisins, eux aussi rapidement épuisés, puis doit chercher le précieux ver en Hongrie, en Pologne, en Grèce ou encore en Turquie. Afin d’augmenter leurs profits, certaines entreprises commencent, dès 1827, à exporter des sangsues provenant soit de l’importation soit de l’hirudiniculture. Favorisé par l’amélioration du transport, le commerce de la sangsue prend une dimension mondiale. Les exportations, cependant très inférieures aux importations, se font majoritairement vers l’Espagne, la Belgique, les DOM TOM, l’Angleterre, la Suisse, les États-Unis, le Brésil et la Confédération Germanique. Les États-Unis sont de gros clients pour l’Europe car ils ne parviennent pas à produire les sangsues européennes et élèvent une espèce, Hirudo decora, qui ne procure pas une incision suffisamment grande et profonde.
En 1835, l’État américain offre même une prime de 500 dollars à quiconque réussirait à élever la sangsue européenne.
En 1839, face aux problèmes de production, la Société d’encouragement pour l’industrie s’occupe de développer les recherches à ce sujet et propose « un prix de 2500 francs pour celui qui trouverait le moyen de peupler de sangsues les marais et les étangs soit à eaux stagnantes, soit à eau courante, un prix de 1500 francs pour celui qui ferait connaître des moyens économiques de dégorger les sangsues ayant servi une fois, des médailles pour les personnes qui introduiraient et multiplieraient des variétés nouvelles de sangsues et pour celles qui feraient connaître quelles sont les sangsues les plus rustiques dans nos climats »
Une quarantaine de concurrents travaille sur ce sujet sans résoudre une seule des questions posées et la Société d’encouragement n’est pas informée de la réussite de fermiers de Gironde, les Béchade : dès 1835, ces fermiers résolvent le problème majeur de l’hirudiniculture, l’alimentation des sangsues qui permet la conservation, la reproduction et la croissance rapide de ces vers. Ces fermiers s’aperçoivent par un heureux concours de circonstances, que les sangsues apparaissent lorsque les chevaux malades sont promenés dans les marais, d’où, l’idée de nourrir les annélides avec ces animaux. On recouvrait leurs jambes de pantalons de toile avant de les faire pénétrer dans le marais. Les pantalons se remplissaient d’eau et de sangsues qui épuisaient les chevaux qui mouraient par exsanguination.
En 1846 le ministre de l’agriculture et du commerce adresse une circulaire aux préfets pour attirer leur attention sur la pénurie de sangsues qui sévit dans certains départements en raison d’une pêche trop intensive.
L’école de Pharmacie de Paris considère alors que cette disette n’existerait pas si l’on avait adopté pour la pêche aux sangsues les mêmes dispositions que pour la pêche ou pour la chasse .
L’école de Pharmacie demande que la pêche des sangsues soit interdite dans la saison où elles se reproduisent et recommande de ne prélever que les exemplaires les plus gros en laisser les plus petites pour assurer la reproduction.
L’exploitation des Béchade prend de l’extension et leur succès attire de nombreux imitateurs. L’hirudiniculture en Gironde en 1854 s’étend sur 5 000 hectares dont une grande partie est réservée au pacage des chevaux. Malheureusement, ce commerce lucratif favorise le développement de multiples fraudes, sangsues gorgées de sang pour accroître leur poids, vente de sangsues impropres à l’usage ou de qualité moindre.
L’union Pharmaceutique de 1860, journal professionnel de l’époque, rappelle aux pharmaciens le procédé d’essai des sangsues : « pour s’assurer que la proportion de quinze pour cent (en sang) du poids de l’animal n’est pas dépassé, les personnes chargées de l’inspection prendront, au hasard, quelques sangsues de chaque provenance et de chaque sorte dans les boutiques et magasins dont elles feront la visite. Ces sangsues, après avoir été essuyées avec du papier joseph ou un linge usé, seront pesées, puis immergées pendant deux minutes dans une dissolution saline tiède ; on fera sortir ensuite tout le sang qu’elles contiennent en les pressant longitudinalement suivant la méthode ordinaire ; elles sont pesées de nouveau, et la différence des pesées donnera la proportion de sang qu’elles n’avaient pas encore digéré. »
Dans un article de la Revue des deux mondes en 1863, le géographe Élisée Reclus évoque justement un éleveur d’Audenge, qui chaque année, nourrit ses 800 000 annélides (la sangsue est un ver annélide discophore) avec « plus de deux cents vaches et plusieurs dizaines d’ânons ». On trouve alors des sangsues dans toutes les pharmacies folâtrant dans des aquariums en forme de soupière que l’on ne trouve plus aujourd’hui que chez des antiquaires.
Les moyens de conservation étaient fort variés, ainsi en 1865, monsieur Lahache, pharmacien à Bruyères (Vosges), préconise de placer une éponge dans le bocal à sangsues. Cette éponge est censée reproduire les conditions d’un marais artificiel imputrescible, protégeant les sangsues de la lumière trop vive et des écarts de température. Il observe que cette éponge engendre quelques difficultés pour retirer les sangsues et que les chlorures utilisés pour blanchir les éponges sont néfastes à la survie des sangsues. Aussi monsieur Lahache recherche une substance exempte de ces inconvénients et préconise alors l’usage de carragaheem (nom donné à de petites algues appelées aussi mousse perlée ou mousse d’Irlande). De plus, ajoute monsieur Lahache : « les frondes du carragahem produisent un très bel effet dans le vase, on croirait une végétation naturelle ».
En 1865, Oscar Comettant dans « le Roi de la création et ses sujets » écrit que 4 types de mort sont réservées au plus utile des animaux domestiques, le cheval, pour le récompenser de ses travaux : la main de l’équarrisseur, le scalpel du vétérinaire, la corne des taureaux ou les sangsues qui « le dévorent vif en plusieurs fois et à plusieurs jours d’intervalle ». Il décrit ainsi en détails les trois repas que fournissent aux sangsues ces pauvres chevaux : « pour le premier repas, le cheval entre dans le marais jusqu’à moitié du ventre. Les sangsues affamées se jettent sur leur proie et des milliers d’aiguillons font trembler l’animal, qu’épuise bientôt la perte de son sang. Lorsqu’il est prêt à s’évanouir, on le retire du marais à coups de bâton …et on tâche de réparer ses forces et de lui renouveler le sang pour le second repas. Il mange à discrétion, ce qui depuis longtemps ne lui était pas arrivé. Au bout de quelques jours de ce régime réconfortant, les petites plaies sans nombre se sont entièrement cicatrisées, et il est jugé propre à une seconde resucée.
Cette fois, il entre dans le marais jusqu’à la naissance de l’échine. Les annélides, toujours affamées, plantent leur lance dans les endroits de l’animal qui n’ont pas encore été mordus et s’en donnent à cœur joie jusqu’à ce que le cheval, ayant trahi des signes de défaillance, on songe à le retirer du marais…copieusement nourri, mis au vert, soigné presque avec tendresse, le malheureux cheval fait de nouveau sang qui sera le dernier versé …
Pour le troisième repas, le cheval entre tout entier dans le marais, n’ayant hors de l’eau que la tête pour respirer…
Enfin et après la plus épouvantable agonie, le cheval exhale le dernier souffle avec la perte de sa dernière goutte de sang et son cadavre ne sera pas même enfoui. On en rencontre fréquemment de ces cadavres aux abords des marais, infectant l’air, couverts de mouches, déchiquetés par les corbeaux. »
Quand on avait fini de faire souffrir les vieux chevaux il fallait mettre l’homme à contribution pour une « récolte » bien particulière. Pour pêcher ces sangsues, il suffisait d’avancer dans les marais munis de bottes recouvertes de toile afin que les sangsues ne perçoivent pas l’odeur des produits nécessaires à l’entretien du cuir. Les pêcheurs agitaient l’eau à l’aide d’un bâton, les sangsues montaient à la surface et se fixaient à la toile de jute, le pêcheur les attrapait rapidement entre deux doigts, évitant soigneusement qu’elles ne se fixent sur leurs mains. Si cela se produisait, ils jetaient sur elles une poignée de sel qui les faisait immédiatement lâcher prise. La récolte moyenne journalière était de 2500 sangsues par personne.
Le Conseil d’Hygiène publique et de salubrité de la Gironde a la double préoccupation de ne pas compromettre la salubrité publique et de protéger une industrie pouvant rendre de nombreux services. Des problèmes sanitaires, liés à la remise en eaux de zones marécageuses et à l’exploitation de chevaux malades, apparaissent dans les zones d’élevage. Dans le même temps, l’utilisation abusive des sangsues provoquant des convalescences interminables, des hémorragies et des infections cutanées conduit au discrédit de la doctrine de Broussais et par conséquent des sangsues elles-mêmes. Après les années 1850, l’élevage de la sangsue est abandonné par le plus grand nombre ; la production dépassant largement la demande et la concurrence des pays tels que la Hongrie et la Turquie, les prix s’effondrent considérablement. Après la grande épidémie de choléra de 1832 et l’avènement de l’asepsie avec Pasteur, les médecins rejettent l’usage de la sangsue considérée alors comme vecteur de germes. La sangsue entame son déclin.
En 1884, Haycraft découvre que la salive de la sangsue contient un anticoagulant qu’il nomme hirudine. Il remarque qu’un extrait de têtes de sangsues empêche la coagulation du sang. Il avait injecté à des chiens et à des lapins la substance aqueuse obtenue par filtration d’un mélange constitué à partir des têtes de sangsues macérées dans l’alcool puis séchées et broyées dans une solution de chlorure de sodium. Il constate que l’effet anticoagulant dure plusieurs heures et que la substance responsable de cet effet est éliminée dans l’urine. Il ne fait que confirmer ce qu’un professeur russe, Diakonov, écrivit en 1809 « le manque de coagulation sanguine et la dissolution des corpuscules rouges dans l’intestin de la sangsue atteste de la présence d’un agent dissolvant ».
La composante la plus importante dans l’activité des sangsues est l’hirudine qui est un inhibiteur spécifique de la thrombine et qui empêche la formation des caillots. Cette activité est renforcée par d’autres substances à activité anti-agrégante plaquettaire qui ont été isolées récemment dans la salive des sangsues. En plus de l’hirudine la sangsue secrète de la hyaluronidase qui permet à l’anticoagulant de se propager à travers la morsure. Elle secrète aussi des antihistaminiques qui contribuent à prolonger la saignée. Pour parfaire son action, la salive de la sangsue contient aussi un anesthésique local qui lève la douleur et des anti-inflammatoires qui favorisent la vasodilatation et améliorent l’écoulement sanguin.
Dès 1845, M. Béchade avait lancé à Bordeaux une activité d’élevage (marais naturels de Blanquefort) et de vente de sangsues (137, rue Ste-Catherine). M. Béchade, de petit cultivateur qu’il était, est devenu millionnaire en transformant de maigres marais, où il ne récoltait que de mauvais joncs, à peine de quoi payer ses 300 francs de loyer, en de magnifiques barrails, qu’il loue aujourd’hui à son même propriétaire, M. Pichon, au prix de 28 000 francs[1]!
[1] – La pisciculture et la production des sangsues, Auguste Jourdier,… ; avec une introduction par M. Coste, 1856
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57243290/f155.item.r=%22audenge%22sangsue#
De nombreuses autres sociétés de négoce de sangsues avaient été créées un demi-siècle plus tôt car cette activité était florissante. Contrairement à ses concurrents dont l’activité est essentiellement le négoce, Béchade comprend très vite la nécessité d’un élevage et profite du bétail. En 1864, il trouve en son gendre M. Debest, un successeur de qualité. La maison devient Debest-Béchade. En 1901, par succession de sa femme E. Béchade, l’exploitation est reprise par Ricard Debest . La maison devient Ricard-Debest-Béchade et les bassins d’élevage sont installés à Audenge. Les affaires, prospères, soutenues par le développement des transports, permet d’expédier toujours plus loin.
En 1907, l’exploitation Ricard-Debest-Béchade est reprise par M. Desbarax.
En 1928, Lucien-Herman-Marie Desbarax, négociant, né le 26 novembre 1876 à Louvain (Belgique), demeurant à Audenge est naturalisé Français et son épouse Marie-Thérèse-Yvonne Barrau, née le 15 février 1890 à Audenge (morte en 1981), y demeurant, est réintégrée dans qualité de Française qu’elle avait perdue par mariage[1].
Lucien Desbarax décède le 24 mars 1942 à Audenge.
[1] – Journal officiel de la République française du 30 décembre 1928 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6535736t/f68.image.r=%22desbarax%22audenge?rk=85837;2#
La pénurie du bétail et de la main d’œuvre pendant la Première Guerre mondiale renforce la chute de la production française et l’abandon de l’hirudiniculture. L’assèchement des marais et l’utilisation des pesticides et herbicides ont raison de la survie des sangsues très sensibles à la qualité de l’eau.
En 1938, les sangsues disparaissent du Codex français et par conséquent des officines en France mais également dans les pays voisins. Elles font pourtant néanmoins encore partie de la pratique médicale ; en 1949, un article les recommande pour les congestions viscérales, les péricardites, les myélites, l’œdème laryngé, l’angine de poitrine, l’hémiplégie, les autres états congestifs et inflammatoires (céphalées, vertiges, otites, entorses et luxations, les contusions…)
En 1945, Jacques Desbarax succède à son père ;
la raison commerciale Ricard-Debest-Béchade est conservée jusqu’en 1960 date à laquelle elle devient RICARIMPEX (adresse télégraphique de l’époque).
Les nouveaux concepts émergents de la médecine entachent leur réputation tant auprès des thérapeutes qu’auprès des patients et cet animal est éliminé quasi-totalement de la thérapeutique avec l’apparition des nouvelles molécules de l’industrie pharmaceutique.
Pourtant, le dictionnaire des spécialités pharmaceutiques Vidal de 1960 mentionne encore en une pleine page les indications thérapeutiques des sangsues médicinales commercialisées par les établissements R.D.B situés à Audenge en Gironde.
Dans les années 60, les chirurgiens slovènes les utilisent dans la chirurgie tissulaire.
Entre 1939 et 1975, un très grand nombre de négociants de sangsues cessent leur activité.
La sécurité sociale cesse de rembourser leur utilisation en 1972.
Mais dans le même temps, la sangsue retrouve les faveurs de la médecine, et plus précisément celles de la chirurgie. En effet, elle est introduite dans les services de chirurgie plastique et traumatologique des hôpitaux et cliniques.
En 1975, les Professeurs Baudet, un as de la microchirurgie, et Michelet du CHU de Bordeaux commence à greffer des doigts et des oreilles coupés avec des sangsues. Ces dernières drainant le sang (ce qu’on savait depuis longtemps), mais aussi injectant des enzymes (ce que l’on savait mal) favorisant la reprise des petits capillaires. Leur application nécessite d’infinies précautions. La peau du patient doit être nettoyée avec une solution saline héparinée chaude pour engendrer une vasodilatation à l’exclusion de tout autre produit. L’endroit choisi pour la pose de la sangsue sera recouvert d’une gaze humidifiée et dans laquelle on aura fait un trou d’un centimètre environ.
On place ensuite cette gaze en contact étroit avec la peau tout en veillant à ce que le trou soit au regard du site d’application de la sangsue.
Les mains revêtues de gants plastiques on pourra alors saisir la sangsue avec précaution en dirigeant la tête de la sangsue vers le trou ménagé dans la gaze.
Il convient de veiller particulièrement à ce que la sangsue ne puisse migrer en dehors du site d’application.
Elle est depuis essentiellement utilisée vivante en chirurgie plastique et reconstructive pour les reprises de greffes et en traumatologie.
En 1986, le génie génétique vient au secours des chercheurs et l’industrie pharmaceutique se met à produire des hirudines recombinantes qui peuvent être des alternatives à l’héparine et qui peuvent aussi trouver une utilisation in vitro dans les tubes de prélèvement sanguin.
Certains scientifiques estiment même que les différences existant entre héparine et hirudine peuvent faire de l’hirudine un meilleur agent antithrombique.
En 1993, RICARIMPEX est reprise par Brigitte Latrille sous exploitation agricole individuelle. Depuis 1993, les ventes en pharmacies pour des particuliers ont disparu. Les hôpitaux et cliniques continuent l’utilisation régulière en microchirurgie.
La maîtrise des langues slaves que Brigitte Latrille a en poche lui facilite le contact avec les Russes qui, eux, n’ont jamais abandonné l’élevage de la sangsue médicinale ni son usage. En Russie, elle trouve dans le professeur Guennadi Nikolov (professeur de biochimie et académicien) – qui chaque année vend 1,4 million de sangsues dans la région de Moscou – un précieux associé tandis que son père Jacques Lqatrille trouve en lui quelqu’un avec qui partager des recherches sur la bestiole. Ils ont déjà déposé plusieurs brevets en commun. À Lille, le professeur Salzet, une sommité dans le domaine de la neurophysiologie, s’intéresse lui aussi de près aux sangsues. Ensemble, ils ont créé une Fédération internationale pour la protection et la promotion de la sangsue médicinale. « On en revient aux choses naturelles, aux asticots pour traiter les plaies, on en revient à la nature contre la chimie où les découvertes sont désormais rares et obtenues à des prix exorbitants », commente Jacques Latrille.
RICARIMPEX développe considérablement ses ventes à l’export, notamment aux États Unis où son distributeur est passé de 25 000 unités par an en 92 à 82 000 unités actuellement. Les contacts avec les autres éleveurs de sangsue à travers le monde sont fréquents en particulier avec le Pays de Galle, l’Allemagne et la Russie de Poutine.
En 2001, transformée en Société par Actions Simplifiée, RICARIMPEX met en place un laboratoire d’élevage pour intensifier et maîtriser sa production.
En 2002, RICARIMPEX obtient l’accréditation AFAQ pour la norme ISO 9001 version 2000, suivie en mai 2004 par une reconnaissance de la puissante institution de la Food and Drug Administration (FDA). Le siège social de l’entreprise est basé à Eysines.
La société possède 2 sites naturels d’élevage, Audenge et Pouydesseaux.
Les bassins historiques de l’entreprise sont basés à Audenge. Ils occupent une surface d’environ 6 000 m² comprenant une quinzaine de bassins de taille et de profondeur variables, les plus grands mesurant 12 m de long sur 6 à 8 m de large avec une profondeur de quelques cm à environ 1m. Les bassins sont alimentés en eau de rivière.
Les bassins sont de fidèles reproductions de bassins naturels, avec un fond tourbeux et d’abondantes plantes aquatiques. La présence du fond tourbeux permet aux sangsues de s’enfouir lorsqu’il fait trop chaud ou trop froid. La présence de plantes aquatiques sert à l’oxygénation de l’eau et à la protection des sangsues qui aiment s’y cacher. Les grandes feuilles des nénuphars, sur lesquels les sangsues aiment se poser, servent de protection contre le soleil trop fort l’été. Les îlots de terre plantés d’herbes aquatiques, situés au centre de certains bassins, sont destinés à favoriser la dépose des cocons. Les bassins et les alentours sont entretenus régulièrement pour maîtriser l’envahissement de la végétation et favoriser l’exploitation des sites.
Tout comme la structure des bassins, la qualité de l’eau est un facteur important de l’élevage. Un pH proche de la neutralité, une bonne qualité bactériologique, une eau dépourvue d’engrais chimiques, un renouvellement d’eau régulier et un niveau d’eau constant en particulier au moment de la reproduction semblent les conditions indispensables au milieu de vie des annélides. En effet, les sangsues déposent leurs cocons en milieu humide mais au ras de l’eau, si le niveau augmente, les cocons risqueraient d’être noyés. C’est pourquoi chaque bassin est muni d’un système permettant de maîtriser l’alimentation en eau. RICARIMPEX effectue un contrôle régulier de la qualité de l’eau des bassins par un laboratoire indépendant.
Les bassins naturels sont soumis aux conditions climatiques ; les sangsues suivent ainsi les modifications de luminosité et de température du milieu. Dans le milieu naturel, la période de la reproduction varie selon le climat mais elle démarre généralement au début du printemps et peut aller jusqu’à l’entrée de l’hiver.
Pour leur alimentation en milieu naturel, les sangsues se contentent de la faune naturellement présentes dans les bassins (Amphibiens, ponte d’Amphibiens, larves d’insectes). Le biotope naturel permet ainsi aux sangsues de trouver l’alimentation nécessaire à leur croissance. Pour des raisons sanitaires (décomposition de cadavres, prolifération de prédateurs) et pour des raisons de maîtrise totale de l’alimentation des annélides, aucun apport de nourriture supplémentaire n’est effectué à ce stade de la production.
Elles sont nourries en laboratoire avec du sang de canard, chauffé à 37° et contenu dans des préservatifs ou des gants de latex sur lesquels elles viennent s’agglutiner. Depuis l’épisode de la vache folle le sang de canard a en effet remplacé celui du bœuf. Elles font un repas qui dure environ 40 minutes et voient leur poids multiplié par 7. Elles doivent ensuite jeûner plusieurs mois pour être capables de faire un nouveau repas. Ces sangsues destinées à être appliquées sur le patient pèsent chacune moins de 1 gramme et sont facturées 5 euros pièce.
Autrefois, la pêche pouvait se pratiquer en rentrant dans les bassins à sangsues, les jambes découvertes, servant ainsi d’appât. Des cadavres d’animaux pouvaient également faire l’affaire. Les sangsues lâchaient prise par application de sel. Pour des raisons sanitaires évidentes, les méthodes de pêche ont bien évolué.
La récolte se fait au moyen d’épuisettes à maille assez fine et dont le filet est tendu. Les sangsues pêchées sont ensuite triées en fonction de leur taille au laboratoire d’Eysines. Les sangsues, trop petites pour être vendues, sont nourries au laboratoire jusqu’à ce qu’elles atteignent une taille commercialisable. Les sangsues sont nourries exclusivement avec du sang de volaille provenant d’une entreprise certifiée. Le nombre de repas nécessaire à l’obtention de la taille commercialisable est très variable en fonction des individus. Une fois la taille atteinte, les sangsues sont maintenues pendant un minimum de 3 mois en phase de jeûne. A ce stade, les sangsues sont transférées en unité de stockage et sont prêtes à être expédiées. Les sangsues dites « Belle Moyenne », 1g à 1,8g environ sont placées en unité de stockage et sont destinées à la vente. Les sangsues dites « Grosse Moyenne », sont pour une partie d’entre elles placées en unité de stockage pour la vente mais la majeure partie d’entre elles est placée en reproduction.
La sangsue est de nouveau au cœur de l’actualité car elle effectue un retour remarqué dans les cabinets des médecins généralistes pour le traitement de différentes affections : phlébites, arthrose, intoxications sanguines…. Le problème est que la sangsue a du mal à se faire une place dans le lobbying de l’industrie pharmaceutique et du médicament. À ce propos, en décembre 2004, un député lorrain J-L. Masson interpelle le ministre de la santé sur le fait que les sangsues, préconisées depuis quelques années pour divers soins, ne sont plus remboursées. Le ministre répond que les sangsues étant des « êtres vivants », elles ne sauraient être considérées comme des « produits » et ne sont par conséquent pas remboursables, sauf à envisager le remboursement d’un acte thérapeutique lié à leur application.
L’industrie pharmaceutique et les laboratoires scientifiques se penchent depuis quelques années sur les formidables pouvoirs des sangsues. Compte tenu de ses qualités en médecine générale, de son rôle inégalable en chirurgie, des propriétés de sa salive et de son système nerveux, la sangsue est un animal bien précieux au milieu des techniques de pointe de la médecine moderne[2].
Le reste de la production de la société sert à la recherche ainsi qu’à une société de cosmétologie (Biorica) qui utilise les propriétés de la salive des sangsues et qui exporte crèmes et sérums dans le monde entier. Ce sont les vertus vasodilatatrices, anti-radicalaires et hydratantes qui sont mises à profit dans des crèmes pour le visage et pour le corps destinées à traiter les rougeurs, les jambes lourdes, les démangeaisons, les rides, les taches cutanées etc. Certaines femmes répugneraient à appliquer une crème renfermant un extrait de sangsue, aussi, le laboratoire préfère-t-il indiquer sur ses emballages le nom latin du petit animal. L’extraction de la salive se fait manuellement par pression de chaque sangsue au-dessus d’un récipient. Il faut obtenir la salive d’une centaine de sangsues pour recueillir 1 milligramme d’extrait purifié. Ce mode opératoire délicat explique le prix élevé de ces produits cosmétiques.
La société Ricarimpex a aujourd’hui l’ambitieux projet de revêtir d’extraits de sangsues les « stents », ces cylindres grillagés microscopiques que l’on introduit dans les artères des patients atteints de sténose artérielle pour éviter l’oblitération du circuit sanguin[3].
Samedi 18 avril 2015, la maire Nathalie Le Yondre et des élus recevaient Germaine Dagréou, à Audenge. Petite-fille de gendarme, fille du chef de gare de Royan, sa famille arrive à Audenge pendant la première guerre mondiale. Germaine Dagréou naît le 18 avril 1915 à Audenge où elle se marie en 1936 avec Jean Dagréou, fils d’Aristide Dagréou, hirudiniculteur. Cette même année, elle suivit son mari, instituteur, en Tunisie où ils resteront 30 ans et où elle fut monitrice d’enseignement. De cette union sont nés deux enfants, Philippe et Françoise. Djerba, Monastir, Lamta, Akouda, après une carrière bien remplie saluée par les palmes académiques, les époux Dagréou reviennent à Audenge, en 1966, pour une retraite active qui conduisit Jean Dagréou à s’engager en qualité de conseiller municipal
socialiste à Audenge. Elle a aujourd’hui quatre petites-filles et sept arrière-petits-enfants. Lors de la cérémonie, seuls ses deux enfants et leurs conjoints étaient présents car ses petits-enfants résident en Turquie, à Hong Kong, au Pakistan… mais tous seront présents en juillet pour fêter cet événement. Pour marquer cette journée, la maire lui a remis la médaille de la Ville, le livre de la commune ainsi que des chocolats et un bouquet de fleurs. (Source https://www.sudouest.fr/gironde/audenge/cent-ans-d-existence-7857709.php et file:///C:/Users/rapha/Downloads/Bulletin-Municipal-20.pdf)
Un curé de Tours annonce en 1774 dans les papiers publics qu’il a inventé un baromètre. Celui-ci consiste en un carafon rempli aux deux tiers d’eau dans lequel il abandonne des sangsues. Ses théories s’appuient sur la sensibilité de l’annélide aux pressions atmosphériques : par beau temps : les sangsues restent sans mouvement au fond du vase. En cas de grands vents et d’orage : les sangsues s’agitent. Lors de pluie : les sangsues remontent dans le vase.
Conrad Gessner, de Zurich, emploie les sangsues pour teindre les cheveux : « On prend une partie de sangsue sur deux parties de vinaigre ou de vin rouge, on fait macérer pendant 40 jours, on filtre et on teint les cheveux. Pendant cette opération, on doit cependant remplir la bouche d’huile jusqu’au moment où tout est sec, sinon on s’expose à de violents maux de dents. »
Vers 1550, les femmes galantes utilisaient les sangsues pour se créer une fausse virginité. Brantomme rapporte que « pour paraître vierges et pucelles comme devant, les filles qui se sont fait mettre déjà la paille sous le ventre ; j’ai ouy dire à un empirique qu’il faut avoir des sangsues et les mettre à la nature et s’en faire par là tirer le sang, si bien que le galant mary, qui vient le soir des noces les assaillir, leur crève ces ampoules d’où le sang en sort et lui et elle s’ensanglantent, qui est une grande joie à l’un et à l’autre et par ainsi l’honneur de la citadelle est sauf »
Rondelet écrit en 1554 que « cuite dans de la vieille huile, elle est excellente pour le mal d’oreille. Cuite dans de l’huile d’amande douce, elle est bonne pour les hémorroïdes. Dans le vin, elle apaise les maladies des nerfs et les convulsions » Certains attribuent aux sangsues des effets dépilatoires : mélangées avec du vinaigre et chauffées, elles seraient efficaces pour empêcher la repousse du cheveu (Pline, histoire naturelle XXXII). Étrangement, Aldrovandi (1633) recommande une préparation de sangsues marinées au vinaigre dans le traitement de l’alopécie (calvitie).
Une recette ancestrale est l’huile de sangsue réalisée à partir de sangsues nourries avec de l’huile de coco (minyak kelapa hijau) jusqu’à satiété. Les sangsues sont alors laissées au calme le temps pour elles de digérer complètement l’huile. Ce procédé est répété plusieurs fois et les animaux sont alors ouverts. La cavité intestinale est alors pleine d’une huile qui est extraite et qui constitue l’huile de sangsue.
Une autre méthode consiste à sevrer les meilleurs vers pendant une période d’un mois. Cette méthode efficace leur permet de dégager toutes les impuretés présentes dans leurs corps et de les stériliser pour les utiliser par la suite. Une fois, la période de stérilisation arrivée à terme, les sangsues sont coupées et lavées soigneusement. Ensuite, elles sont mélangées au cœur d’un cocktail d’épices pendant une autre période mensuelle dans des récipients hermétiques. Au cours de ce laps de temps, les principes actifs résultant de ce mélange se développent et révèlent leur pouvoir aphrodisiaque. Néanmoins, le processus n’est pas pour autant terminé. Une fois la macération arrivée à terme, la solution obtenue est cuite dans de l’huile de coco ; lorsque la cuisson et la stérilisation arrive à terme, l’huile de sangsue brute est filtrée puis versée au cœur des contenants dans lesquels elle sera vendue.
Cette huile miraculeuse est destinée aux hommes qui souhaitent redonner du volume à leur pénis et le rendre plus vaillant pendant leur rapport sexuel ; elle le fait grâce à sa haute teneur en oxyde nitrique (NO) et hirudine (l’hirudine, est reconnue comme une source protéinique très riche en acides aminés qui permettent d’augmenter la vascularisation des membres du corps) qui augmente le flux sanguin dans le système reproducteur. L’oxyde nitrique peut fonctionner comme une herbe de Viagra.
Au cœur de la sphère intime existe désormais une multitude de remèdes de la nature pour stimuler le désir ou augmenter les performances sexuelles. Parmi toutes les méthodes ancestrales déjà présentes sur le marché des aphrodisiaques naturels, l’huile de sangsue malaisienne fait une percée fulgurante.
À ce jour, aucunes données scientifiques permettent expressément de mesurer la cohérence des résultats escomptés sur la libido et l’activité sexuelle. Néanmoins, l’empirisme démontre que ce produit a un succès encourageant sans causer d’effets néfastes sur la santé.
Après une douche, appliquer l’huile de sangsue sur toute la longueur de votre pénis ; attendez que l’huile soit absorbée, n’hésitez pas à masser cela pendant plusieurs minutes.
L’utilisation régulière de ce produit peut également améliorer la capacité d’éjaculation et la santé sexuelle. Il suffit d’appliquer l’huile de sangsue deux fois par jour (le matin et le soir) pendant 12 semaines et les effets dépasseront toutes vos attentes !
Elle est également destinée aux femmes qui souhaitent augmenter la taille de leurs poitrines et retrouver le désir sexuel idéal pour des relations épanouis… L’oxyde nitrique et l’hirudine sensibilisent la zone clitoridienne en contractant cette partie érogène : pour un maximum d’avantages, l’huile de sangsue doit être appliquée sur le vagin et le clitoris.
En 1871, à Gimont dans le Gers, éclate une sévère épidémie de variole, emportant les habitants les uns après les autres, en quelques heures de tragiques souffrance. C’est alors que le docteur Bayonne tente de poser sur un de ses malades, en proie à la fièvre et au délire, deux sangsues, à la partie inférieure des gouttières rétro malléolaires : « l’émission sanguine dura toute la nuit. Le sommeil devint vite calme et profond et fut suivi vers 7 heures, le lendemain matin, d’un réveil lucide, sans céphalée ni courbature. Les papules se montrèrent seulement à fleur de peau et disparurent assez vite, sans vésicules ni suppuration. La sœur du malade, atteinte quelques jours après, fut traitée de la même façon avec des résultats identiques. À partir de ce moment, et grâce, paraît-il à ce traitement, bien des malades purent être sauvés et l’épidémie finit par s’éteindre »
Tout aussi étonnant se révèle ce récit d’un médecin d’Aix-les-Bains, le Dr Gaillard, amené en 1937, à examiner un empoisonné par les amanites phalloïdes : « je l’ai eu au bout de 36 heures, c’est vous dire si son état était grave : pouls filant, faciès pâle, couvert de sueur, les lèvres et les oreilles violacées ; peu ou presque pas de douleurs abdominales, de la fixité dans le regard et une lividité effarante. Pas d’urine et la région rénale douloureuse au toucher. On lui appliqua donc 6 sangsues sur chacun des reins, au niveau du trigone lombal, encore appelé « triangle de Jean-Louis Petit ». Détail intéressant, les sangsues vont toutes mourir dans la demi-heure qui suit leur pose. Pourtant, malgré le peu de sang qu’elles eurent le temps de retirer, le traitement réussit, sans avoir à s’accompagner de transfusion sanguine. « Personnellement, écrit le Dr Gaillard, je crois que l’application précoce des sangsues sur la région rénale, dans les intoxications de ce genre, doit être très précieuse, en retardant le blocage du rein et en lui permettant l’élimination des toxines ».
[1] – tresors.keops.net/fichedep.asp?DEP=33
[2] – https://sangsue-medicinale.com/les-sangsues/historique/
[3] – Sources : « Adjudication de marais à sangsues (Lège 1854) », Bulletins SHA N° 30 – 4ème trimestre 1981
shaapb.free.fr/articles.php?lng=fr&pg=101 – p. 37-38 Colette Keller-Didier, 18 novembre 2005.
Je cherche en Ariège un pharmacien qui vend des sangsues je trouverai alors, celui qui les posent.
Opéré d’un cancer de la glande salivaire, il me reste une joue amorphe, avec un nerf facial qui a du mal à s’en remettre. Peut être que la sangsue pourrait m’aider.? MERCI