Les pêcheries du Porge

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Dans l’antiquité, les fleuves côtiers médocains se jetaient directement dans l’océan par des estuaires qui seront ensuite fermés par le cordon dunaire, obligeant leur écoulement soit vers la Gironde, au nord, soit vers le Bassin d’Arcachon, au sud.

Un acte sur parchemin et revêtu du « seing manuel » du notaire rédacteur du contrat, fait état de l’accord intervenu le 22 mars 1273 entre le chapitre et noble Pierre de Bordeaux, seigneur de Castelnau, par lequel Pierre payera au chapitre pour les moulins de l’estey de Campagne douze deniers d’exporle, deux escartes de froment et trois escartes de mil qui devront etre apportees jusque devant la barbacane du chateau de Lege.

Au nord-ouest de l’église de Lège, au lieudit Campagne, de faibles restes des moulins à eau et, tout à côté, se trouvent les restes d’un moulin à vent dont la base est désignée par : truc redoun, tertre rond. Ce nom de lieu Campagne, désigné aussi au terrier de 1575, existe encore. L’estey sur lequel le moulin se trouvait établi était un bras des eaux de Lacanau tombant à Arcachon le long des dunes.

Grâce à M. Labrunette, instituteur de Lège en 1920, on situe ces anciennes usines d’une manière précise. L’emplacement des moulins de Campagne est à 2.000 mètres environ de la mairie de Lège, dans la direction nord-nord-ouest ;

il se trouve au nord-est du Pu de Lège, à l’est du Crohot de Lescourre et au nord-est de la dune de Lescourre. Le monticule dit Puy de Lège, changeant de nom, est ainsi devenu la dune de Lescourre. Rien d’autre n’est changé depuis 650 ans sur la ligne séparative des dunes et de la lande.

Il ressort ainsi de l’acte notarié de 1273 que le fleuve côtier de Lacanau était détruit à la grève maritime antérieurement à cette époque, car des eaux de simples marécages n’auraient pas pu actionner des moulins ; en même temps, le moulin à eau de Campagne reste, à la bordure des dunes, un repère aussi précieux que la vieille église du Porge.

Les cartes anciennes présentent les étangs d’Hourtin et de Lacanau comme une seule étendue d’eau,

l’étang doux du médoc, long de cinq lieues, sans communication avec l’océan autre qu’un courant, appelé rivière des étangs et autrefois la Leige ou « le fond de Lège » sur d’anciennes cartes, passant sur les terroirs du Porge et de Lège et débouchant dans le Bassin d’Arcachon, comme aujourd’hui quelque part dans la paroisse d’Arès. Les pêcheries sont des lieux de pêche, souvent aux écluses, qui provoquent la furie des communes situées en amont. Accusés de barrer le canal, les Porgeais font l’objet d’expéditions punitives venues de Lacanau et même de Vendays.

Le long du territoire du Porge et vers Lège, Bernard Saint-Jours note un ruisseau par où s’écoulent les eaux des étangs dans la mer d’Arcachon, et le long de la ligne immuable et de contact des dunes et de la lande, se trouvent les deux plus puissants témoins des temps historiques marquant la fixité de la chaîne dunaire : aux pêcheries du Porge, deux actes notariés du 1er mai 1560 et du 31 janvier 1618 portent confrontation, le premier à l’église vieille, le second aux masures de l’église vieille. Cette ancienne chapelle des pêcheurs et des chasseurs du Porge se trouve sur un endroit plat entre les dures et les eaux de jonction des étangs, où la terre est meuble et tapissée de fougère, par conséquent très ancienne.

Il n’y eut donc ni avance ni recul de l’un des éléments sables ou eaux, fait qui se lit nettement à la carte de Claude Masse (1707). Avec plus de force encore, les dunes primitives boisées, qui, sur diverses étendues, à la bordure de la lande, ont à la fois vu naître et contenu la ligne de jonction des eaux, montrent depuis des milliers d’années que cette ligne n’a jamais été plus à l’ouest qu’aujourd’hui. Ces multiples témoignages de stabilité restent indiscutables.

Claude Masse, dans son Mémoire du 5e carré de Médoc, La Rochelle, 1708 écrit : « Les étangs à l’ouest du Porge étaient jadis plus vastes, et les dunes, qui avancent continuellement, les comblent insensiblement, comme les marais et ruisseaux qui viennent des landes et de Lacanau. L’hiver, les eaux refoulées inondent le pays.»

Le Porge, pays de pêche, comme on le sait par ses baillettes, ajoute l’obstacle de ses nasses et barrages à la défectuosité de la nature. Il n’existe pas d’action malfaisante directe du fait de l’étang, et la question doit paraître définitivement jugée par l’enquête de 1733 et la réponse du curé local de 1778.

 « L’ancienne église de cette paroisse (Le Porge) a été abandonnée depuis le commencement du XVIe siècle. Depuis cette époque, elle est entièrement couverte par les sables. »

Ainsi parle, toujours d’après la tradition, l’abbé Baurein ; ainsi parle-t-on encore aujourd’hui avec insistance comme s’il s’agissait d’un fait positif.  On ne saurait mieux répondre ici à cet égard qu’en faisant intervenir Léo Drouyn, qui est le Viollet-le-Duc de Bordeaux : « Le clocher [du Porge], qui me fait l’effet d’appartenir à la fin du XVe siècle, est construit en avant d’une ancienne façade qui m’a paru remonter au XIVe siècle et peut-être plus haut… Les bas-côtés [de la nef] sont du XVIIe siècle, sauf peut-être la dernière travée orientale de celui du nord, qui est séparée de la nef principale par une arcade dont les moulures me paraissent appartenir à la fin du XIVe siècle. »

Puisque l’église actuelle du Porge remonte au moins au XIVe siècle, ce que les textes de l’archevêché démontrent, elle n’a pas été construite dans le but d’en remplacer une autre qui devait être abandonnée dans les dunes deux siècles plus tard. Les modifications qu’elle a reçues en 1662 sont de l’entrepreneur Cassen, suivant une inscription qu’il a laissée sur les murs de l’église.

Il ne saurait toutefois y avoir aucun doute, une chapelle ou une autre église, celle qui est mentionnée plus haut par Baurein, a existé à 5 kilomètres au nord-ouest de l’église actuelle. Elle se trouve tout près et entre les dunes et le chenal bordé de marais dits étangs, par où s’écoulent sans régularité vers Arcachon les eaux du lac de Lacanau.

Une baillette du 31 janvier 1618, qui renouvelle deux baillettes du 28 juin 1517, elles-mêmes précédées d’autres actes pareils, affiève « tout l’étang avec les landes, sables, terres le joignant au lieu appelé anciennement à l’étang de Saussats autrement à Passillon, confrontant du levant aux vacants communs des habitants du Porge, du couchant aux sables de la mer, du nord auxdits sables et aux masures de l’Église vieille, et du midi à l’autre étang de Passillon ».

En premier lieu, l’expression « masures » de l’acte notarial implique l’idée d’une ruine en plein air et non recouverte de sables. Ensuite, ce qui est fort important, la carte de Claude Masse marque en 1707 cette église en un endroit plat, entre les dunes et

ce qu’elle désigne par « Marais ou étang du Porges », aujourd’hui étang de Joncru.

Ces deux indications authentiques sur la « Vieille église » sont complétées et corroborées par un acte notarial plus ancien, du 1er mai 1560 relatif à « tout icelluy lac d’eau, estang et pesche, siz et sytué aud. lieu appelé à l’estang de Villeneufve, parroisse dud. Saint-Seurin du Porge, confrontant par ung cousté vers le nort au pas de la Gironde et par l’autre cousté vers midy à l’église vielhe, par 1’ung bout vers la mer aux sables et par l’autre l’estang, eau et lande ».

La « Vieille église » est donc entre la lagune de Villeveuve (aujourd’hui étang de Lède Basse) et la lagune de Saussats (aujourd’hui étang de Joncru), qui communiquent entre elles et ne font qu’une nappe d’eau. La tradition s’est entièrement faussée à cet égard, et le nom de Gleizevieille est porté à tort aujourd’hui par une dune située à plus de 700 mètres au sud du vieil édifice, qui était en sol plat, ainsi que par une maison forestière plus au sud encore ; au lieu de marquer un point, Gleizevieille représente actuellement toute une zone. Cela tient à la disparition de la masure vue par Masse.

Cette vieille église du Porge nous vaut un repère de premier ordre. Lors de la formation du cordon dunaire le long de la façade atlantique, les eaux douces privées d’écoulement normal à la mer se sont arrêtées à la bordure orientale des dunes, sous forme d’étangs là où aboutissent des ruisseaux assez abondants venant de l’intérieur, et sous forme de marais ailleurs. Les marais, c’est indiscutable, ne peuvent pas descendre vers l’ouest, leur poids étant trop faible pour mordre dans les dunes, et ils ne peuvent, sans être refoulés par celles-ci, remonter la faible pente de la lande vers l’est. On voit très bien au Porge qu’ils n’ont ni descendu ni remonté ; ils ne sortent pas de l’alignement plus ou moins régulier des autres marais, lesquels, dès lors, ne se sont pas déplacés non plus.

Par conséquent, la « Vieille église » du Porge, qui est à toucher les dunes du côté occidental, à toucher les marais du côté oriental, témoigne depuis mille ans au moins, par le seul fait signalé de sa présence, qu’il ne s’est produit ni empiétements de sables agités, ni déplacement de marais, deux choses liées, qui ne peuvent se produire l’une sans l’autre.

La « Vieille église » du Porge était-elle une chapelle (oratoire) ou une église paroissiale ? That’s the question[1]

En 1778, le sieur de l’Horte, négociant, présente un projet de canal d’Arcachon à Bordeaux, pour mettre le bassin d’Arcachon en état de recevoir la flotte, créer un port à La Teste, et creuser un canal à travers les sables : une première fois rejeté sur les observations de l’ingénieur de Villiers comme étant impraticable, il est admis à l’étude par Necker, sur la déclaration que fait son auteur de prendre à ses propres frais les dépenses d’un plan de nivellement, sondage des terrains et devis estimatif qui serait exécuté par le baron de Villiers, ingénieur militaire, sous les yeux de commissaires du Roi nommés à cet effet. —

Rapport de Brémontier du 1er mai 1778 à la requête du curé de Lacanau, au nom des intérêts de sa paroisse relativement aux effets que peuvent produire les digues construites par les habitans du Porge pour l’établissement de leurs pescheries, sur les terres qui bordent les étangs de La Canau, St Helene, Carcans et Hourtin.

Les étangs de La Canau et d’Hourtin sont séparés par les pescheries de Talaris, et par un marais de 3000 toises environ de longueur sur 4 a 500 toises de largeur. La longueur de ces étangs ou marais depuis la 1ère pescherie du Porge jusqu’au vilage de Cartignan est de 16000 toises. La surface des eaux sur cette longueur est de niveau ou peut etre considérée comme telle. Un coup de vent du Nord ou du Midi fait refluer assez indiferemment ces eaux d’un etang dans l’autre quoy que leur cours naturel soit cependant determiné du coté du Midi, et cet effet n’arrive que parce que elles sont retenues par les digues des pescheries du Porge qu’elles sont forcées de surmonter pour se rendre dans le chenal de Leige et dans le bassin d’Arcachon.

La distance depuis l’extremité au sud de l’étang de La Canau ou la 1ere pescherie du Porge jusqu’au Bassin d’Arcachon est d’environ 10000 toises. Ce qui fait une longueur totale depuis le commencement de l’etang d’Hourtin jusqu’au Bassin d’Arcachon de 26 000 toises.

Plusieurs personnes m’ont assuré que lors des grandes pluyes accompagnées de forts coups de vent de la pointe du Sud, les eaux de ces etangs refluoient du coté du Nord par les marais de La Brasquelle et Vendais contigus au Bassin d’Hourtin, et se rendoient dans la Garronne par le gua et les chenaux de St Viviens. Mais on ne peut compter sur le débouché parce que le progrès des dunes du coté des Buradels vilage près les bois de La Brasquette, interrompront tot ou tard cette communication. Sur les remarques qui ont été faites et d’après la hauteur ou les eaux se sont élevées, lors qu’elles ont pris cette direction on peut juger que le point le plus élevé entre le Bassin d’arcachon et la garronne en suivant les étangs, se trouve dans les marais de La Brasquette et que le fond de ces marais est a peu pres 6 pieds plus élevé que le fond de ceux du Porge entre la 1ere et la 2de pescherie de cette passe du coté de l’etang de La Canau.

Les etangs d’Hourtin et de La Canau recoivent les eaux d’environ 16 lieues supelles de la pointe occidentale du Médoc. Tout le terrein qui bordent les étangs est presque de niveau et la pente qui va en montant vers les terres est presque insensible.

En sorte qu’un pied de hauteur d’eau de plus ou de moins dans les dits étangs innonde ou decouvre plusieurs milliers de journaux de terrein depuis Le Porge jusqu’au village de Cartignan.

Les habitants du Porge ont établi dans leur marais 27 pescheries sur une longueur d’a peu pres 4500 toises.

Chaque pescherie est composée d’une digue qui traverse ce marais dans toute sa largeur. La 1ere de ces digues a 450 toises de longueur celle du milieu 390 toises et la dernière du coté de Leige 200 toises. Le dessus de ces differentes digues est a six pouces au dessus de la surface des eaux ; leur hauteur est a raison de la hauteur des dites eaux et varie suivant les inegalités du fond qui se trouve dans les parties les plus basses, a 5 ou 6 toises au dessous de ladite surface.

On pratique dans les digues des bayes ou passages de 3 et quatre pieds de largeur dont le seuil est entrenu à 6, 8, 10 et, 12 pouces au dessous de la surface des eaux en sorte que le dessus de ce seuil se trouve dans les bas fonds et dans les parties les plus propres pour leur ecoulement à 4 ou 5 pieds au dessus du terrein naturel. On a soin de menager a chacun de ces passages une chute d’eau perpendiculaire de 2 pouces et demi. La 1ere de ces digues renferme 24 de ces ouvertures celle du milieu 28 et la derniere 15 seulement. Lors que les eaux augmentent ou diminuent, on augmente ou on diminue le nombre de ces passages afin d’entretenir autant qu’il est possible le niveau des eaux à la même hauteur j’ai trouvé 10 de ces passages fermées dans la 1ere de ces digues et autant propostionnellement dans chacune des autres, ce qui porte un préjudice considerable aux possessions riveraines. La plus grande partie des terres labourables, des bois et des maisons, des vilages de Pey du Camin, Cartignan, St Helene, Cap de Ville et de Talaris sont abandonnées et continuellement inondée, par l’effet de ces digues. D’après des remarques relativement a l’etat actuel des eaux et a celuy ou elles etoient precedemment et avant leur construction, on estime qu’elles peuvent retenir les eaux a un pied au dessus de ce quelles seroient si les passages etoient ouverts et leur cours libre. La pente au dessous pescheries est très considerable on en peut juger facilement par la rapidité avec la quelle les eaux se rendent dans le Bassin d’Arcachon par les canaux de Leige. Leur pente est egalement considerable dans toute l’etendue du marais du porge de 4500 toises de longueur ainsi qu’il a été dit cy dessus, puisque les 27 digues qui y sont etablies à 2 pouces ½ de chute perpendiculaire pour chacune donneront une pente de 5 pieds 7 pouces six lignes sur cette longueur. Il est evident qu’en faisant percer toutes ces digues sur une largeur convenable dans les parties du dit marais qui se trouvent les profondes, on procureroit l’ecoulement des eaux superflues meme sans rien changer à l’état actuel du fond de ce marais. On propose en conséquence d’ouvrir au travers de ces pescheries un canal de 48 toises de largeur il ne s’agit pour cela que de netoyer le fond du marais et de percer les digues sur cette largeur, d’en arracher et d’en enlever les mathes formées par les roseaux et arbustes aquatiques sans faire de fouille de terres. On estime la depense a 3 livres par toise courante et pour les 4500 toises cy dessus, 13500 livres.

Rapport de Valframbert, à la demande du curé du Porge, au nom de ceux de son canton, sur la situation créée aux villages de Lacanau et d’Hourtin « où l’on a vu, en 1778, des malheureux mourant dans leurs maisons sur des lits couverts de trois pouces « d’eau », par le refoulement des eaux résultant des innombrables digues et pêcheries établies dans l’étang du Porge, qui interceptent la descente des marais supérieurs dans leur déversoir naturel, le bassin d’Arcachon : on ménagerait tous les intérêts par un canal de communication entre les étangs, lequel n’exigerait qu’une excavation de dix mille toises cubes de sable. »

Parmi divers contrats, soit de vente soit d’échange, soit de lots de partage au nombre de trente, remis au secrétariat de la municipalité de Castelnau par les propriétaires de pêcheries, on trouve un seul titre primitif consenti le 5 mai 1782 par le Seigneur en faveur d’Antoine d’Ayres portant autorisation de construire une pêcherie sur le grand étang.

En 1783, le sieur Duplessis adresse à Dupré Saint-Maur l’esquisse du nouveau canal d’Arcachon projeté.

Le 10 février 1788, les habitants de Lacanau nomment un syndic à l’effet de poursuivre les propriétaires des pêcheries du Porge « savant » les tribunaux pour obtenir la destruction des dites pêcheries.

Une délibération de l’administration municipale du canton de Saint Laurent du 5 ventôse An VII, résulte que la majeure partie des habitants des landes exigent la destruction des pêcheries du Porge et de Lège.

L’agent, et de l’adjoint municipal de la commune de Lacanau canton de Castelnau, exposent[2] au nom de leurs concitoyens, que les habitants de la commune du Porge ont établi des pêcheries qui traversent entièrement le dit étang par le moyen de digues batardeaux construites en mattes de terre de manière qu’elles arrêtent le cours des eaux qui ont leur pente vers le Bassin d’Arcachon, les font refluer sur une immense quantité de terrain riverain de l’étang, inondent récoltes, submergent leurs pacages, y laissent un limon qui empoisonne leur bétail, infecte l’air et y occasionne des maladies fréquentes. En conséquence ils demandent l’exécution de l’arrêt du Directoire Exécutif concernant le libre cours des eaux.

Pour l’ingénieur en chef, le 1er frimaire An VIII, les plaintes portées par les habitants des communes situées le long du grand étang sont fondées, attendu que toutes les possessions qui bordent le grand étang sont successivement sous les eaux, soit par leur refoulement occasionné par les dunes, soit par l’effet des barrages construits par quelques habitants du Porge pour la pêche des poissons.

Lettre du maire du Porge au Préfet

Monsieur le Préfet,

Les habitants de la commune du Porge ont l’honneur de vous soumettre quelques observations sur un objet qui les intéresse au plus haut degré. Les eaux provenant du versant occidental des landes arrêtées par les dunes de sable forment dans les communes de Carcans, Lacanau, Lège etc… une suite d’étangs qui se déchargent les uns dans les autres, dans la direction du nord au sud écoulent leurs eaux dans le Bassin d’Arcachon.

La pêche de  ces étangs est de temps immémorial l’une des principales industries de ces populations. Les habitants de la commune de Lacanau ont récemment prétendu, que les travaux exécutés dans les étangs du Porge, pour faciliter la pêche avaient gêné l’écoulement des eaux de leurs propres étangs, et occasionné un débordement qui couvrirait une partie des terrains de leur commune.

Ils ont adressé leurs plaintes à ce sujet à l’autorité administrative. Les soussignés ont appris que vous les menaciez d’envoyer des  ingénieurs et des ouvriers pour détruire les travaux pratiqués dans leurs étangs. C’est pour prévenir ce malheur qui ruinerait leurs moyens d’existence que les habitants du Porge s’adressent à vous monsieur le Préfet.

Et d’abord les soussignés pensent que la mesure dont on les menace excéderait les bornes de la compétence administrative. Quelques mots sur ce point.

Les étangs sont une propriété privée, divisée entre les habitants, comme tout autre immeuble, et dont chaque lot possédés de temps immémorial et se transmet de père en fils par voie de succession ou s’aliène au profit d’autres habitants par voie de vente et de change. Les limites de chaque lot sont aussi bien définies sur les étangs qu’elles le seraient sur un héritage ordinaire. La pêche se pratique ainsi :

Des canaux de 12 pieds de largeur environ ont été creusé dans le lit même des étangs, les terres en provenant jetées sur les côtés  des canaux forment des digues qui sillonnent toute la surface de l ‘étang, à l’extrémité de chacun de ces canaux qui forment le lot de chacun des habitants, sont placés des filets retenus par des pieux et dans lesquels le poisson se trouve pris en passant d’un canal dans l’autre. Il résulte de ces données que les étangs ont tous le caractère d’une propriété privée et de plus qu’ils ne sont pas un cours d’eau. Or les travaux fait sur une rivière non navigable ne sont pas de la compétence administrative. Nous présentons une décision qui s’applique parfaitement à l’espèce, celle du décret du 12 avril 1812 que par l’avis de notre conseil d’état, la pêche des rivières non navigables appartient aux propriétaires riverains.

Ainsi en supposant que les étangs fussent une propriété communale, comme ils sont innavigables, ils échappent à la juridiction administrative et à plus forte raison s’ils constituent une propriété privée. Les habitants de Lacanau auraient une action à faire devant les tribunaux civils en destruction des ouvrages dont ils se plaignent, et en dommages et intérêts. Voilà tout leur droit.

Au surplus et en fait les griefs des habitants de Lacanau ne sont pas fondés. Ils prétendent que les digues bordant les nombreux canaux qui sillonnent les étangs, arrêtent l’écoulement des eaux. D’abord les digues existent aujourd’hui, telles qu’elles ont existé de tout temps ; ce n’est donc pas un fait récent. Ensuite elles sont toutes disposées dans la direction du nord au sud, c’est à dire dans la direction que suivent les eaux pour s’écouler vers le Bassin d’Arcachon.

Cependant il est exact de dire qu’à l’extrémité sud des étangs il y a quelques digues transversales, dans la direction du levant au couchant, mais elles sont ouvertes par de nombreuses coupures pour laisser échapper l’eau et la preuve qu’elles n’en arrêtent pas l’écoulement, c’est que le niveau des eaux n’est pas plus élevé en dedans des digues du coté nord qu’en dehors côté sud.

La cause des dommages dont se plaignent les habitants de Lacanau est visible à tous les yeux. Les dunes avancent rapidement vers l’intérieur des terres, à mesures qu’elles marchent elles déplacent l’eau des étangs, et la refoulent sur les terres voisines. Une circonstance malheureuse vient aggraver le désastre. Ainsi, tandis que les étangs du Porge ont une pente de 15 pieds jusqu’au Bassin d’Arcachon, les étangs de Lacanau rencontrent une surface presque entièrement plate pour écouler les eaux jusqu’aux étangs du Porge.

De là résulte la stagnation d’une grande masse d’eau, dont le lit comblé par le sable des dunes se déplace au grand détriment des propriétés riveraines. Ainsi les digues et canaux qui ont existé à toute époque sur les étangs du Porge ne sont pas la cause des débordements qui se sont manifestés dans les dernier temps. Au surplus les étangs de Lacanau sont canalisés comme ceux du Porge, de même ceux de Carcans, de Lège etc…

Comment nos voisins pourraient-ils nous interdire de faire ce qu’ils font eux même ? Nos droits sont aussi anciennement acquis que ceux dont ils jouissent.

Dans ces circonstances les soussignés espèrent monsieur le Préfet que vous ne prendrez aucune mesure qui puissent préjudicier à leurs droits, et porter atteinte à leur propriété. Dans tous les cas la destruction de leurs pêcheries ne pourrait avoir lieu qu’après une décision rendue après expertise, et sur un débat où toutes les parties pourront faire valoir leurs droits.

Le chenal de Lège reçoit les eaux de tous ces étangs (du Médoc) et les porte au bassin d’Arcachon. Ce chenal, très important pour l’assainissement du pays, a été récuré, sur un trajet de 75 000 mètres – l’intervalle qui existe entre le bassin d’Arcachon et le lit de la Gironde -, sous l’administration et par les soins de M. le baron d’Haussez, préfet de la Gironde en 1824-1828.

En 1837, l’étang de Lacanau reçoit partie du trop-plein de l’étang d’Hourtin, et communique lui-même, par plusieurs rigoles de fuite, avec les petits étangs dont il nous reste à parler. Sous le nom étangs du Porge nous comprenons une chaîne de petits étangs situés au sud de Lacanau, le long du territoire du Porge, entre une bordure de marais et le pied des dunes. Voici leur nom local et leur contenance cadastrée :

Chancot               14 h. 25 20.

L’Islette                16 40 50.

Leyde-Bosse        56 76 40.

Joncru                  41 31 90.

Langarde              117 68 60.

Cla-de-Lislette     54 03 60.

Ils communiquent entre eux et avec les étangs supérieurs. Le chenal de Leige reçoit les eaux de tous ces étangs et les porte au bassin d’Arcachon. Ce chenal, très important pour l’assainissement du pays, a été bien récuré, sur un trajet de 75 000 mètres, sous l’administration et par les soins de M. le baron d’Haussez.

Pendant des années les porgeais, Maire en tête, défendirent les pêcheries, mais les 24 et 26 janvier 1840 une grosse expédition comprenant plusieurs centaines d’hommes saccage l’ensemble des pêcheries du Porge. À la suite de quoi, le Maire du Porge s’adresse au préfet :

Le Porge le 29 janvier 1840

Monsieur le Préfet,

Je viens vous écrire un compte douloureux de la destruction des pêcheries du Porge. Lorsque les hommes intéressés et passionnés sont chargés de l’exécution d’une mesure, le résultat est déplorable. C’est ce qui vient de se passer ici.

Le Maire de Lacanau et le Maire de Carcans, possesseurs d’étangs dans leurs communes ont demandé et obtenu la destruction de ceux du Porge, ils l’ont faite exécuter avec acharnement. Le conducteur des Ponts et Chaussés qui les accompagnait, employé très secondaire de son administration, s’est laissé facilement circonvenir. Il n’avait pas leur intérêt et cependant il a partagé leur haine.

Les 25 et 26 du courant, trois ou quatre cents hommes conduits par le sieur Dufour Maire de Carcans, le sieur Birot adjoint au maire de Lacanau et le sieur Donikwki employé des Ponts et Chaussées, poussant des cris de victoire, proférant des injures et des provocations, sont arrivés dans l’étang du Porge et y ont détruit toutes les pêcheries. Ils s’étaient attachés à défaire plutôt les lignes où se prenait le poisson qu’à détruire les grandes berges qui offrent le plus d’obstacles à l’écoulement des eaux.

Cette fureur de destruction, qui guidait, que guidait un motif d’intérêt personnel se montre surtout dans les deux faits suivants.

Le sieur Sauts de cette commune possède une pêcherie au lieu de Lesquirot. Elle était disposée de manière à ne pas gêner l’écoulement des eaux, c’était de notoriété publique. D’ailleurs elle était dans Lacanau. Eh bien le sieur Dufour en présence du conducteur des Ponts et Chaussées la faite détruire complètement.

Le sieur Dignau possède une pêcherie dans l’étang du Porge, au lieu de la passe de Guillem ; le 24 janvier le conducteur reconnait qu’elle était dans les dispositions prescrites et devait être respectée. Le 26 janvier le sieur Birot, adjoint de Lacanau envoyé par le Maire la fit renverser de fond en comble. Dans ces œuvres de destruction tout a été violence, tout a été injustice.

On a employé trois à quatre cents hommes pendant 2 jours que l’on a eu soin d’échauffer et de stimuler dans les cabarets et tout ce qu’ils ont fait, aurait pu être exécuté par vingt hommes paisibles et de sang-froid. Ainsi plus de vingt familles qui dans la saison rigoureuse vivaient de la pêche se trouvent sans pain.

Voilà les trophées glorieux de cette espèce d’armée qui est venue fondre avec violence sur la commune du Porge ayant en tête deux fonctionnaires publics. Aucune opposition n’a été faite par les propriétaires des pêcheries, pas plus cette fois que lorsque le conducteur des Ponts et Chaussées y est venu au commencement du mois.

Il a pris des observations, prévu une résistance formelle. Il fallait bien d’ailleurs que l’on alléguât une résistance pour mieux assurer un résultat depuis si longtemps motivé.

Je déplore monsieur le Préfet, que vous ne connaissiez pas ce point du département confié à votre administration. Vous n’auriez pas utilisé la mesure qui a été si brutalement exécutée. On a fait valoir auprès de vous, des motifs d’intérêt public, on vous représenté les communes de Lacanau, Carcans et Hourtin inondées par les eaux qui retenaient les pêcheries des pêcheurs du Porge. Maintenant qu’elles sont détruites, que les eaux doivent mieux s’écouler, je vous prie d’envoyer un ingénieur pour constater si les eaux ne sont pas aussi élevées qu’auparavant. Je suis certain que l’on ne connaîtra aucun changement. Ainsi vous jugerez de l’utilité de la dévastation opérée.

Les Maires de Carcans et de Lacanau menacent encore les individus dont ils ont ravagé les propriétés, de leur faire payer les journées de cette luxuriante quantité d’ouvriers qui leur servait d’escorte et à qui ils ont promis de larges récompenses.

Je réclame de votre justice de vouloir bien examiner de nouveau cette affaire et ses tristes résultats avant d’ordonnancer le rôle qui vous sera présenté.

 Si les grands canaux de dégorgement n’ont pas été récurés, c’est que ce récurement n’a pas été ordonné. Ces canaux sont dans le domaine public, les habitants du Porge auraient volontiers concouru à ce récurement. Ils ne pouvaient le faire seuls. Quant à la question de propriété, il ne faut pas être périconsulte pour la décider. Les pêcheries du Porge sont des propriétés privées, ce droit de propriété résulte de titres géminés. Elles sont cadastrées, chaque propriétaire en paye l’impôt. Si les établissements faits dans ces pêcheries pour tendre les filets nuisent à des tiers c’est devant les tribunaux que la contestation devrait être portée. C’est la marche rationnelle. C’est le droit commun. On a préféré invoquer une mesure administrative parce qu’elle est plus expéditive et en effet l’événement a prouvé que si elle n’est pas la plus juste, elle est la plus prompte et la plus désastreuse lorsque l’exécution en est confié aux personnes intéressées et à des employés subalternes.

Les maires des communes de Carcans, Lacanau et leurs administrés possèdent des pêcheries dont ils vont maintenant vendre le poisson plus cher et les habitants de Porge ne pourront vendre le leur. Ainsi un privilège serait consacré, mais tout privilèges est odieux de nos jours, il est proscrit par la charte.

Si maintenant vous n’ordonnez pas quelques mesures réparatrices, à quelle autorité les habitants du Porge auront ils recours ? Feront ils retentir la presse de leurs justes plaintes, c’est un moyen que nos institutions consacrent mais auquel on n’a recours que lorsque l’autorité est hostile. Ce n’est pas un magistrat aussi éclairé que vous, monsieur le Préfet, qui repousserait une demande juste qui respecterait une réparation méritée.

Compte-tenu, enfin, de l’arrêté du Directoire exécutif du 19 ventôse An VI contenant des mesures pour assurer le libre cours des rivières et canaux navigables et flottables, l’administration centrale du département de la Gironde considérant qu’il résulte du rapport de l’ingénieur en chef que les pêcheries établies par les habitants du Porge sur l’étang situé sur ladite commune, sont une des causes de tous les maux dont se plaignent les pétitionnaires.

Considérant que l’intérêt de l’agriculture, la salubrité de l’air exigent impérieusement leur destruction.

Considérant que les titres présentés par les jouissants de ces pêcheries ne peuvent être considérés comme titres de propriété réelle, qu’ils auraient dû présenter le titre primitif pour pouvoir juger s’ils ne sont pas des concessions féodales abolies, que si même ils pourraient être considérés comme titre de propriété, la manière dont les pêcheries devaient être établies n’y est pas précisée, qu’il est à présumer que les habitants des communes du Porge et de Lège ne pouvaient les construire que de manière dont sont établies celles de Lacanau, Hourtin et Carcans.

Considérant que les habitants du Porge pourront retirer à peu de chose près le même produit des pêcheries, sans porter aucun tort aux propriétés riveraines du grand étang en établissant leurs pêcheries sur les bords de l’étang ainsi que le font les propriétaires des autres communes.

Arrête, ouï le commissaire du Gouvernement […]

Le préfet finit par interdire les pêcheries. Il en reste quelques noms d’écluses : celle du Pas-du-Bouc où l’on pêchait des « bouquets », de grosses crevettes. L’histoire montre la formidable capacité d’adaptation des habitants du Porge. Dans un endroit plutôt ingrat, ces bergers montés sur échasses sont devenus selon les circonstances pêcheurs et résiniers.

Afin de répondre aux souhaits de l’Administration qui désire assécher les marais du littoral médocain qui rendent cette région la plus insalubre de France, le 10 août 1848, MM. Clerc et Teissier créent la « Société de dessèchement des marais du littoral de la Gironde, de l’étang d’Hourtin à l’étang de Langouarde ». De cet étang les eaux se sont depuis très longtemps créé un passage en bordure des dunes jusqu’au Bassin.

De même que pour l’épopée forestière, on oublie trop souvent le nom de l’ingénieur agronome Chambrelent : à partir de 1850, il entreprend le drainage de deux cent cinquante hectares marécageux à Cestas, dans le domaine de Saint Alban. Un quadrillage de fossés emporte l’eau vers une petite rivière proche. Le sol, assaini, peut recevoir des pins.  Dès 1854, de tels travaux, qui ont convaincu l’Empereur déjà intéressé par l’avenir des Landes, le Sahara français, sont entrepris à grande échelle et un canal, creusé surtout par des forçats, coulant de Carcans au Bassin d’Arcachon, permet de drainer toute la plaine du Médoc. 

Les marais du littoral du département de la Gironde forment une immense zone marécageuse qui s’étend sur une longueur d’environ 80 kilomètres, depuis l’étang de Langouarde, au sud, jusqu’à la Gironde, au nord, et ne comprend pas moins de 12 000 hectares. Le dessèchement de ces marais fait l’objet de deux concessions distinctes, comprenant les marais du littoral du versant d’Arcachon et les marais du littoral du versant de la Gironde ; la superficie des terrains compris dans le périmètre du dessèchement, est de 7 500 hectares.

Le 23 juillet 1859 le décret impérial stipulant la concession du dessèchement des marais du littoral du versant d’Arcachon est voté et attribué à Messieurs Clerc et Tessier conformément au projet approuvé par décision ministérielle du 25 août 1858.

Le premier coup de pioche est donné le 16 avril 1860 : raccorder l’étang de Langouarde, au Porge, au sud de l’étang de Lacanau. Pour parcourir les neuf kilomètres qui séparent ces deux étangs et permettre aux eaux de s’écouler au fur et à mesure vers le bassin d’Arcachon, les travaux sont réalisés du sud vers le nord. Ce premier tronçon est ensuite raccordé au courant de Lège pour permettre la jonction avec le bassin d’Arcachon.

En 1867, le canal est ouvert dans toute l’étendue comprise entre l’étang de Langouarde et l’étang de Lacanau, sur une longueur d’environ 12 kilomètres, et, sur cette longueur, il y a environ 5 kilomètres complètement terminés ;

le nouveau canal fait 22 mètres de large, 3 mètres de profondeur et abrite le dernier barrage avant le Bassin. On n’a plus qu’à achever l’approfondissement de cette première partie jusqu’à l’étang de Lacanau. Le dessèchement des marais du littoral, ces immenses cuvettes fermées dans lesquelles viennent s’agglomérer toutes les eaux que peut déverser le plateau supérieur des landes, est une des grandes opérations que le Conseil général a entreprises sous l’administration de M. de Mentque et que nous allons achever au grand profit de la salubrité du Bas-Médoc et du plateau tout entier des landes, compris entre la Gironde et le bassin d’Arcachon. Beaucoup d’entre nous – du Conseil général de la Gironde – ont déjà visité ces ateliers que dirige, avec tant de savoir et de dévouement, M. l’ingénieur Chambrelent, à qui un rapport du Préfet et le Conseil général lui-même rendent justice au sujet des travaux généraux de l’assainissement des landes. Sous son active impulsion, MM. Clerc, Tessier et Cie, conduisent activement leurs travaux ; déjà, comme l’indique le rapport du Préfet, les eaux sont abaissées d’un mètre environ, mettent déjà à la disposition des troupeaux et de la culture, la moitié au moins des 7 500 hectares qu’il s’agit de conquérir dans le travail du versant d’Arcachon. Votre rapporteur a parcouru ces plaines asséchées ; il est descendu plusieurs kilomètres par la rigole de M. d’Haussy, que les rapports des nouveaux canaux convertissent momentanément en torrent ; il a entendu les Maires, les Conseillers municipaux et les cultivateurs autrefois les plus hostiles, bénir les travaux qui leur apportent la santé – ces marais où proliféraient les moustiques, propageaient la malaria – et la fortune ; leur reconnaissance est acquise à l’Empereur, le grand transformateur des landes ; puis au Conseil général, à l’Administration et aux ingénieurs du département qui la secondent si bien.

Mais le contact du bien est heureusement aussi contagieux que l’est trop souvent celui du mal, et les populations riveraines des étangs réclament, avec raison, toutes les conséquences du grand dessèchement : la route agricole leur est due par la loi, et ils la demandent de suite, afin que la culture, l’élève du bétail et le commerce des produits suivent promptement la conquête définitive du sol. (Séance du Conseil général de la Gironde du 3 septembre 1867)

La deuxième tranche – juin 1866 à octobre 1871 – consiste à relier le lac de Lacanau à celui Carcans-Hourtin en travaillant toujours du sud au nord pour l’écoulement des eaux ; les travaux se poursuivent avec toute l’activité qu’on peut y déployer dans la situation difficile et exceptionnelle où ils se trouvent placés.

Coût de l’opération : 760 000 francs. 15% des travaux ont été subventionnés par l’État, le département, les communes ; 85% ont été avancés par Messieurs Clerc, propriétaire du château Pape Clément, et Tessier, entrepreneur girondin. En contrepartie, les propriétaires terriens bénéficiaires doivent, une fois le canal fini, donner la moitié de la plus-value réalisée grâce à ces travaux. S’ils ne paient pas, les terrains reviendront aux investisseurs.

L’étang de Lacanau reçoit le trop-plein de l’étang de Hourtin, et communique lui-même avec le bassin d’Arcachon par un canal traversant les étangs du Porge : sous ce nom, nous comprenons plusieurs petits étangs situés au sud de l’étang de Lacanau, sur le territoire des communes de Lacanau et du Porge et au pied des dunes dont les étangs de Batejin, de Bateurtot, de la Gram, de l’Église Vieille, de Langouarde et de l’Ilet (dits petits Étangs du Porge), qui couvrent environ 300 hectares ; leur superficie, après les travaux de desséchement sont en hectares : Batejin 20 hectares, Batourtot     24, Lède-Basse 52, Lagrane ou Yoncru 30, Langouarde 10.

Les affluents du canal des étangs qui conduit les eaux de l’étang de Lacanau dans le bassin d’Arcachon :

La Lège arrose Lège, 4,320 m.

La Gourpilleyre arrose le Porge, 11,490 m ; 24 m. d’altitude.

La Craste-Neuve arrose le sud du Porge, 8,470, & le nord du Porge, 6,580.

La Nerle arrose le Porge, 1,640 m.

L’Ombreyre arrose le Porge, 1,980 m.

Le Burdieu arrose le Porge, 1,720 m.

La Grande Craste arrose Lacanau, le Porge et le Temple, 16,200 m ; 35 m. d’altitude à sa source, et 12 m. à son embouchure.

Le Dreyt, R. G., arrose le Porge, 3,800 m.

Le ruisseau de Courtieu, R. D., arrose le Porge et Saumos, 5,800 m.

Le Crastieu arrose le Porge, 3,400 m.

 

D’Arcachon à Hourtins

Par une belle journée du mois de septembre, six de nos compatriotes arcachonnais, amateurs d’excursions nautiques: MM. Cabrol, Couach, Louis et Jules Michelet, Auguste Bert et le marin de M. Cabrol, embarquent à bord de la pinasse à pétrole Oxy. La veille ils ont eu soin d’embarquer des vivres pour plusieurs jours, du vin, des rouleaux, des palans, des outils, des fusils et même des cartes. On entreprend un petit voyage en pays inconnu. »

La traversée du Bassin d’Arcachon, dans sa plus grande largeur, est effectuée en 50 minutes, et voici nos voyageurs, qui ont laissé Arès sur main droite, arrivés à l’embouchure de la Lège.

La Lège est tout au nord du Bassin d’Arcachon, une petite rivière ou cours d’eau amenant au Bassin les eaux des crastes d’une notable portion des landes girondines, et celles des étangs de Hourtins et de Lacanau, qui lui arrivent par l’intermédiaire de canaux qui, en abaissant les eaux de ces étangs, ont conquis 7.000 hectares à l’agriculture.

L’embouchure de cette Lège a ceci de particulier, que relativement large, elle s’est formée de plateaux d’alios qui rendent la hauteur d’eau normale si peu élevée, que les bateaux même à fond plat ne peuvent surflotter, avant que le flot de mer ne fasse sentir jusqu’au premier barrage.

À 5 heures 50 du matin, nos navigateurs arrivent juste au moment de la pleine mer. Un quart d’heure plus tard ils se trouvent au pied du barrage qui alimente les réservoirs à poissons de M. Wallerstein. Ce barrage a une hauteur d’environ 3 mètres, ce qui oblige à débarquer tout le matériel de la pinasse pour l’alléger et lui faire franchir sur rouleau une distance de 40 mètres environ sur l’herbe. Cette manœuvre amène la pinasse dans la partie supérieure de la Lège.

Rien de plus curieux que le cours de cette petite rivière.

Elle est tellement sinueuse que malgré le ralentissement de la vitesse, l’avant de la pinasse va parfois s’enfoncer dans un coude très brusque de la rive, avant qu’on ait le temps de virer.

Large de 1 mètre 50 à 5 mètres, avec une profondeur variant de 0 m 10 à 1 mètre, la Lège ne permet donc que la navigation en bateau plat. En certains endroits émergent des blocs d’alios qui obstruent en partie la rivière et créent des courants de foudre, ce qui oblige à descendre dans l’eau pour faire franchir à l’embarcation l’endroit difficile.

À travers toutes ces sinuosités on arrive avec une lenteur forcée, tantôt poussant de fond, tantôt marchant au moteur, dans les environs du Porge, où existent cinq petits barrages appelés en patois « Pesques », et qui ont pour but de former un remous où les pêcheurs du pays tendent leurs filets. Ces petits barrages ont 10 à 15 centimètres de hauteur et sont franchis assez facilement en se mettant les pieds à l’eau.

Aussitôt après ces obstacles, on rencontre le grand barrage du Moulin du Pas du Bouc qui a 4 mètres de haut et dont la chute d’eau est importante. Il faut mettre pied à terre et faire encore appel aux rouleaux. Il est midi et on prend un déjeuner bien mérité.

À 2 heures, en route. À partir de ce moment, plus d’obstacles. Au bout d’un kilomètre on quitte la Lège pour le canal. Celui-ci a 8 mètres de large, 1 mètre de profondeur, et il est kilométré sur les rives ; maintenant plus de barrages, mais nouvelle difficulté : l’eau ne manque pas, mais la végétation aquatique est si luxuriante qu’il faut stopper continuellement pour, avec un couteau, couper les herbes qui forment boule autour de l’hélice. Cet embarras de navigation provient de ce que ce canal est abandonné depuis bien des années. Pour éviter cette entrave continuelle des herbes, l’équipage a l’heureuse idée de profiter de ce que l’hélice est à crémaillère (à immersion variable). On la remonte à fleur d’eau, de telle sorte que la moitié seulement de la circonférence plonge dans l’eau. On peut alors avancer lentement mais sans fatigue.

Laissant sur main gauche les étangs de Lagouarde, de Joncru, de Lède-Basse, de Batourlet et de Batéjin, nos explorateurs continuent à suivre le canal qui présente une ligne brisée dont chaque fragment est absolument droit sur une longueur de 3 à 5 kilomètres. De temps en temps on stoppe pour tirer quelque canard, lièvre ou tourterelle, qui non habitués à être chassés dans ce désert, ne se donnent même pas la peine de s’enfuir et se laissent approcher presque à volonté.

À 6 heures, les navigateurs entrent dans l’étang de Lacanau.

Ayant franchi les limites du Pays de Buch, nous laissons là nos intrépides explorateurs…

Ils avaient fière allure le préfet et son Éminence dimanche après-midi.

Claude Courau dans son habit de préfet, frac et haut de forme, « une sacrée promotion » riait-il, et Jean-Claude Nicot, dans sa robe violette de Cardinal. C’est eux qui ont rejoué le rôle des personnalités qui ont inauguré le canal des étangs, il y a 150 ans.

Le plus délicat a été d’embarquer, non pas sur une barge comme leurs prédécesseurs, mais sur les canoës rouges que Sports-loisirs-Le Porge a mis à leur disposition pour descendre le canal du pont du Guilhem jusqu’à Langouarde. Une flottille de six canoës les accompagnait pour plus de sécurité. À l’arrivée de cette première étape, les Tchancayres du Porge les attendaient comme l’avait fait la population de l’époque. Claude Courau a lu le discours du préfet de Bouville qui justifiait le creusement de ce canal d’assèchement qui allait redonner vie au Médoc. La disparition des marécages mettra fin au paludisme, libérera les terres où seront plantés les pins.

Le discours se terminait par un « Vive l’Empereur » retentissant. On était sous Napoléon III. Ravi, le public pouvait suivre le parcours du canal jusqu’à Lège et Arès où il se jette dans le bassin d’Arcachon.

 

Carte du 5e quarré de la générale de Médoc de partie de Guienne et de Xaintonge. Cette carte particulière contient la suite de la grande coste de Médoc et partie du pays de Buch ou le Captalat, elle joint à l’est au 12e quarré de la générale ; il n’y a de remarquable en celle cy que les paroisses du Porges et de Leyge, une partie de l’estang de La Canau et le commencement de la mer d’Arcachon, le ruisseau par ou s’escoulent les eaux des estangs, et des landes du costé du sud dans le havre ou bassin d’Arcachon. Cette carte represente l’estat où le pays estoit, en 1707, levée et dessinée par Masse, en 1708

https://1886.u-bordeaux-montaigne.fr/items/show/71956

https://www.wikizero.com/fr/L%C3%A8ge-Cap-Ferret

Le Littoral gascon, Bernard Saint-Jours, (1844-1938), 1921

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97684839/f107.image.r=%22pecheries%20du%20porge%22?rk=42918;4#

&

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97684839/f137.image.r=peche#

https://www.shaapb.fr/1922-2/#more-1922

Bulletin de géographie historique et descriptive, 1903

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5868845d/f366.image.r=pescheries%22Le%20Porge%22?rk=729617;2#Inventaire sommaire des archives départementales antérieures à 1790. Gironde. Archives civiles. Série C, tome II (nos 3133 à 4249) rédigé par MM. Alexandre Gouget et Jean-Auguste Brutails en 1893

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9357351/f164.image.r=nolib%C3%A9%20boucher%20arcachon?rk=150215;2

Le Canal des étangs du Médoc, Claude Courau, 2007, paru au éditions Lulu c’est-à-dire Amazon !

Statistique du département de la Gironde…. Tome 1 / par F. Jouannet, 1837

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9768302h/f75.item.r=porge%20pescheries#

Recueil des actes de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Bordeaux, 1855

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k33953c/f889.image.r=porge%20pescheries%20%C3%A9tang%20bat%C3%A9jin?rk=236052;4#

https://exponum.fr/le-canal-des-etangs/phasesdeconstruction.html

Rapports et délibérations / Gironde, Conseil général, 1863

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56206766/f368.item.r=pescheries%20Langouarde#

http://www.capitale-biodiversite.fr/sites/default/files/rapport_de_visite_le_porge.pdf

Statistique générale, topographique, scientifique, administrative, industrielle, commerciale, agricole, historique, archéologique et biographique du département de la Gironde. Tome 1 / par Édouard Feret, 1878

https://gallica.bnf.fr/services/engine/search/sru?operation=searchRetrieve&version=1.2&collapsing=disabled&query=%28gallica%20all%20%22Batejin%20%09%09%0920%20hect.%20%20Batourtot%22%29%20and%20dc.relation%20all%20%22cb30428298h%22&rk=21459;2

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k96583858/f192.image.r=pescheries%22Le%20Porge%22?rk=493564;4#

L’Avenir d’Arcachon du 13 mars 1903

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54314771/f1.image.r=batejin?rk=42918;4#

« Le canal des étangs inauguré comme il y a 150 ans », Maryse Mano, Sud Ouest du 24 septembre 2014

https://www.sudouest.fr/2014/09/24/le-canal-des-etangs-inaugure-comme-il-y-a-150-ans-1681508-2948.php

Voir

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9613680k/f21.item.r=masseCarte%20du%205e%20quarr%C3%A9%20de%20la%20g%C3%A9n%C3%A9rale%20de%20M%C3%A9docm%C3%A9doc#

[1] – Réponse donnée par le Capitaine Saint-Jours, « Lège, le Porge et les fables du littoral gascon », bulletin de la Société de géographie commerciale (Bordeaux), 3 & 17 septembre 1906.

 https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57280L13b/f285.item.r=%22le%20porge%22passillon

[2] – Extrait du registre des délibérations de l’administration centrale du département de la Gironde, séance du 28 ventose an 8 de la République.

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Raphaël

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