LA VIE QUOTIDIENNE ARCACHONNAISE
IL Y A PRESQUE CENT ANS, EN 1926
VUE PAR L’AVENIR D’ARCACHON
DU MOIS DE JUILLET (*)
* ALBERT CHICHÉ EN EXPÉDITION *
+ À Claouey ….
– « La côte est infiniment pittoresque. Une série de petits villages s’adossent à la dune forestière. Ils jouissent d’une situation exceptionnellement favorable. Voici la chapelle N.D. des Dunes, la villa algérienne, puis le village de l’Herbe, composé de cabanes de parqueurs. (…) Nous débarquons au Grand-Piquey. L’inconnu commence. Combien de temps pour aller à Claouey ? Nous suivons tantôt la plage, tantôt des sentiers de la forêt d’où nous jouissons de perspectives variées. D’abord « La Pointe aux chevaux », la plus proche de l’île aux Oiseaux, puis le Petit-Piquey et les Jacquets, modestes villages de parqueurs ; la plage est jonchée de coquilles d’huîtres ; des tas de tuiles blanches à naissain s’y amoncellent ; les clôtures des parcs émergent au-dessus de l’eau ; on n’y cultive plus que l’huître portugaise de croissance rapide, source de richesse qui a tué l’huître plate.
Après une heure de marche et après avoir longé un grand réservoir à poissons, nous arrivons à Claouey. Juste à temps pour se mettre à table dans l’unique hôtel du village, sous une galerie d’où l’on voit le Bassin à travers des arbustes. La visite du village est rapide. Quelques chalets coiffés de tuiles rouges se dressent au milieu des pins. Nous remarquons une source sulfureuse jaillissant du sol. Puis, étendus sur un monticule, à l’ombre légère des pins nous admirons la panorama du Bassin. (…) Voilà une excursion que je recommande à nos lecteurs. »
+ Puis à Arès …
– « En longeant le Bassin, passé le canal de Lège, le paysage change complètement. C’est une campagne ombragée, riante, verte, fertile, coupée de canaux et de réservoirs à poissons. (…) Bientôt, nous arrivons au superbe parc de Mme Wallerstein offrant à nos yeux charmés une magnifique forêt de chênes. Nous arrivons à l’église d’Arès coiffée d’une clocher en pain de sucre. Après avoir déjeuné à l’hôtel Menvielle, nous visitons la ville dont les rues sont larges et propres. Puis nous arrivons au port éloigné de quelques centaines de mètres. Des barques gisent dans la vase ; le bassin apparaît dans le lointain ; une demi-douzaine de vieillards, assis sur un banc, se chauffent au soleil ; nous nous mêlons à leur conversation ; ils disent que tout allait mieux qu’aujourd’hui et que la vie était moins chère.
Comme le dernier train part à 16 heures, nous courons vers la gare qui est très loin. Arrêt à Facture, changement de train. Arrêt à Lamothe, changement de train. Arrivée à Arcachon à 20 heures. Salut, noble reine de la Côte d’argent.
+ Et de Sanguinet à Cazaux…
– « Après une heure dans l’automobile de M. Longau, nous arrivons à Sanguinet dont l’église édifiée en 1850 possède un poilu de marbre étendu sur un lit de marbre blanc. Du haut des 30 m. du clocher on découvre l’imposant panorama sur le lac de Cazaux, des prairies et les dunes du littoral, notamment celle du Sabloney.
Nous gagnons ensuite le canal de Navarosse dont l’eau limpide montre des anguilles et divers poissons qui y nagent. Sur les rives du lac des troupeaux de vaches errent ou se reposent, couchées sur le sable. Nous sommes ravis de contempler cette nature riante et sauvage.
Après un excellent déjeuner à l’hôtel Triscos, nous décidons de gagner Cazaux, tantôt en longeant les bords du lac, tantôt à travers les sentiers de la forêt. Quelle admirable perspective que celle de cette nappe d’eau bleue encadrée de dunes lointaine sur lesquelles une voile blanche dessinait une silhouette !
Puis il nous faut traverser le camp d’aviation. Là, nous voyons auprès des nombreux hangars, un gigantesque avion, un Goliath, dont on essayait les moteurs.
Puisse le récit de cette excursion inspirer nos lecteurs qui, loin des routes poussiéreuses, découvriront une nature presque vierge, dans une forêt luxuriante où l’on n’entend que le chant des cigales et le cri des rares oiseaux qui peuplent ces solitudes.
* AU CONSEIL MUNICIPAL *
+ Après deux incidents de séances dus à des remarques sur certaines taxes municipales, au cours desquelles M. Bon a présenté sa démission puis n’a pas insisté. Puis la question du sanatorium revient sur le tapis. M. le maire lit une lettre de l’Assistance publique dans laquelle elle déclare sans fondement les griefs s’opposant à sa venue, conclut en demandant la désignation d’un notaire pour passer l’acte. Mais M. Noël estimant que cette lettre n’est qu’un épisode habituel en pareil cas, on passe à la suite de l’Ordre du jour.
Il appelle un débat sur la durée du bail du casino mauresque, les adjudicataires ayant demandé un bail de 7 ans au lieu des cinq prévus. Le Dr Brun exige alors que l’on ne discute pas avec eux tant qu’on n’aura pas entendu d’autres candidats peut-être moins exigeants. Le Conseil ne l’estimant pas ainsi, il quitte la salle suivi de M. Damoy-Picon. Il est alors décidé que l’on demandera aux adjudicataires leur adhésion aux cinq ans et, à défaut, on cherchera d’autres amateurs.
Enfin on passe à l’examen des budgets et du compte de gestion qui s’établit à un excédent de recettes de 788 625 fr.29. M. Bon conclut – « Nous sommes riches ! » Mais ce n’est qu’une apparence : cet excédent est mangé d’avance.
* LES DÉCOUVERTES DU Dr PEYNEAU* (Extraits)
+ Son ouvrage « Découvertes archéologiques dans le Pays de Buch » est particulièrement important. Il vient de trouver les traces de Boïos, l’antique capitale du pays de Buch, à un mètre sous les marais de Lamothe. Il a retrouvé ses villas, sa basilique, ses tombeaux. Là où passait l’une des branches de la voie romaine de Bordeaux à Dax. L’itinéraire d’Antonin, livret des postes de l’Empire (-211-217) énumère les distances qui séparaient les étapes de cette route entre elles. Les chiffres correspondent avec la découverte du Dr Peyneau.
Après avoir fouillé les « pujauts », des tumulus, il a établi par la similitude des rites funéraires, la contemporanéité des armes et objets retrouvés dans leurs sépultures, qu’ils venaient de la Bohème, étaient des Celtes. Ils s’établirent dans le Buch en chassant les Ligures vers – 600. Plus tard, ils durent se mélanger successivement par droit de conquête avec les Gaulois qui étaient des Belges, puis avec les Romains. Enfin, vers 600 après J.-C. leur pays fut ruiné par les Vandales. Boïos disparut, La Teste naquit. Entre ces deux événements, une grande lacune…
* LE 14 JUILLET *
+ La fête nationale s’est déroulée sous un ciel gris. Dès 9 h. ½ les gymnastes nous montrent leur force, leur grâce et leur souplesse. Vers 11 h., toute la foule se précipite au bout de la jetée pour voir les épreuves d’aviron et de natation. Les yoles de mer apparaissent et après un rush formidable l’équipage Espagnet, Lagnau, Garsault et Duvacher l’emporte. Les nageurs s’alignent sur 100 m. et sur 400 m. C’est Cadier – un as – qui gagne les deux courses.
L’après-midi, la représentation gratuite du Casino, le bal gratuit aussi à l’Olympia et le concert public ont fait florès.
Le soir, place Thiers, retraite aux flambeaux, brillantes illuminations, bal des plus joyeux et, au bout de la jetée, feu d’artifice. Quelle belle journée !
* UN GRAVE PROBLÈME D’EAU *
+ Les Abatilles, surtout dans l’allée des Tilleuls, sont privées d’eau de la ville. De nombreux et retentissants procès pointent à l’horizon. Des locataires refusent de payer les loyers, quelques uns menacent de retourner à Paris au frais des propriétaires. Ceux-ci veulent se retourner contre la ville qui, elle-même, rendra responsable la compagnies des eaux. Ce manque d’eau serait dû à l’autorisation donnée par notre maire à la société de Pyla-sur-Mer d’établir des canalisations sur ses terrains. Désormais, M. Bon a décrété un arrêt de la distribution de l’eau à Pyla de 7 h du soir à 7 h du matin.
* UN CENTENAIRE GUÉRISSEUR *
+ La municipalité de Gujan-Mestras va célébrer le centenaire du père Alexis dit le Rouge. Il exerçait son métier de guérisseur par les simples à Arcachon d’où les médecins le firent partir. Mais il continue à guérir les malades accourus de partout avec ses tisanes et sa merveilleuse pommade préparée maintenant par sa femme âgée de 98 ans.
* CASINO DE LA PLAGE *
+ On ne peut séjourner à Arcachon sans fréquenter le Casino de la Plage avec son luxueux théâtre, ses salons de jeux et de danse, son somptueux hall et sa superbe terrasse dominant le Bassin. Il nous offre un beau programme pour l’été. Les tournées Baret viendront tous les mardis donner les meilleures comédies. Les samedis et dimanches la tournée Max nous fera entendre les plus jolies opérettes. Beaucoup de vedettes viendront.
On montrera à l’écran les grands films à succès accompagnés d‘attractions sur scène : clowns, acrobates, danseurs ou illusionnistes.
Dancing, Boule et Baccarat fonctionneront nuit et jour à partir de 15 h.
Enfin, de nouveaux dispositifs d’éclairage ont été installés qui vont donner au château Deganne l’aspect d’un palais des mille et une nuits.
* V.I.P. ET MONDANITÈS *
+ M. le comte de Saint-Sernin vient d’acquérir l’écurie de M. Maupomé qui compte onze magnifiques chevaux et a une réputation méritée et une clientèle des plus aristocratiques.
+ Nous apprenons le mariage de elle Yvonne Duclos, de Mios avec M. Louis Couach, fils du grand constructeur arcachonnais.
+ Arcachon devient une terre princière. Le prince Murat passe l’été dans notre ville.
+ M. Achille Fould vent de louer une villa à Moulleau qu’il a payée 40 000 francs pour trois mois. Le duc Decazes achète de nombreux terrains au Moulleau.
+ À partir du 10 de ce mois, la Société Thermale des Abatilles donnera tous les jours dans son parc deux concerts symphoniques, l’un de 9 h. ½ à 11 heures, l’autre de 17 h. à 19 h.
+ Les régates commencent le 8 août. Nous allons revoir les casquettes de nos amiraux bordelais, les yachts luxueux, les pavois étincelants. Nous aurons aussi des échos des disputes nautiques et des scandales mondains.
* INFORMATIONS *
+ Dimanche dernier aux vêpres de l’église N.D. il y eut une grandiose manifestation religieuse pour célébrer l’anniversaire de sœur Thérèse de l’Enfant Jésus qui aurait eu 52 ans. L’église était bondée.
+ M. Veyrier-Montagnères vient de réaliser le vœu que son épouse avait formulé sur son lit de mort de voir assurer le sort de notre dispensaire en le remettant à la Croix Rouge avec une rente immédiate.
+ Les livreurs et commerçants arcachonnais qui tous les jours apportent des marchandises au bateau du Cap-Ferret, protestent contre la négligence apportée dans l’achèvement de la jetée d’Eyrac, une couche de cailloux empêchant depuis deux mois le passage des véhicules sur la jetée.
+ Devant la disparition des bains du boulevard de la Plage, la direction du Casino a résolu d’en construire pour bains chauds et goémon sur sa terrasse.
+Le kiosque de la source des Abatilles qu’on admire en ce moment à la foire de Bordeaux sera implanté sur la place Carnot.
+ Dimanche dernier, un groupe du Syndicat chrétien de la bourse du commerce de Bordeaux est venu en pèlerinage à N.D. d’ Arcachon. On parle d’un pèlerinage landais pour le 25 mars, avec les bergers huchés sur leurs échasses tandis qu’un pardon avec les Bretons et les Bretonnes nombreux dans l’Aiguillon le rejoindront.
+ La délégation marocaine à la foire de Bordeaux a tenu à visiter la nouvelle station thermale des Abatilles. On pense ainsi que notre eau connaîtra un important débouché au Maroc. On espère pour le 4 août la visite du Sultan du Maroc.
+ Le championnat d’épée qui s’est tenu dans les jardins du Casino Mauresque a connu un succès toujours croissant. Le 25 juillet prochain, dans ces mêmes jardins, un grand festival organisé par la municipalité aura lieu au profit du relèvement du franc
+ Une excursion par autocar est prévue le mardi 6 juillet pour Mimizan et le vendredi juillet pour Andernos, Arès et Piquey.
+ La saison d’été est commencée. Depuis la pointe de l’Aiguillon jusqu’à la place Carnot, depuis les Abatilles jusqu’à Pyla-sur-Mer, les tentes sont dressées, les enfants s’ébattent, des maillots de bain de toutes les couleurs réjouissent le regard et les gracieuses hirondelles de mer dont nous saluons le retour évoluent sur nos plages.
+ La commission d’hygiène a examiné les modifications à apporter du point de vue propreté aux abords de la gare qui sont d’une saleté dangereuses pour la santé.
+ À l’Union cycliste arcachonnaise le prix Gérard qui s’est couru sur un parcours de 80 kilomètres, Dubroca remporté le Challenge.
+ La source des Abatilles met en circulation un service d’autocar depuis la gare qui desservira l’établissement thermal toutes les heures.
Elle organise aujourd’hui une grande fête sportive avec courses de lenteur et de vitesse, tir à la cible, match de tennis. Le dancing fleuri est ouvert.
+ L’affichage des cours de la bourse à la banque maritime donne à l’avenue Gambetta une forte agitation. Et parfois même des disputes qui attirent les policiers.
* ET PENDANT CE TEMPS DES GROS TITRES DE « L’INTRANGISANT » * (*)
+ Le Reichstag menacé de dissolution
+ La guerre d’usure continue entre mineurs et propriétaires de mines (1/7)
+ Qui l’emportera en Allemagne des républicains ou des nationalistes ? (2/7)
+ Des mesures contre le pain plus cher (4/7)
+ M. Caillaux. Pour appliquer le plan d’assainissement il demanderait les pleins pouvoirs (5/7)
+ Abd-el-Krim sera exilé à Madagascar (6/7)
+ Le débat financier est ouvert
+ Le Tour de France à l’assaut des cols pyrénéens (7/7)
+ Nos dettes. M. Caillaux va signer à Londres l’accord définitif (8/7)
+ La Chambre a voté la confiance (10/7)
+ Vingt mille anciens combattants défilent à Paris pour réclamer l’augmentation de leur retraite (12/7)
+ Le sultan du Maroc est à Paris.
+ L’exposition coloniale aura lieu au bois de Vincennes (13/7)
+ Accord de Londres. Notre dette réduite de 60 % (14/7)
+ Dans les Champs-Elysées tout poudré d’or la foule acclame nos troupes (15/7)
+ La mosquée de Paris est inaugurée (16/7)
+ Le capitaine Girier bat le record de vol avec 4 700 kilomètres (17/7)
+ Venant de Dijon les « Tour de France » arriveront demain au Parc des Princes (18/7)
+ Le ministère Caillaux-Briand renversé. M. Herriot appelé (19/7)
+ M. Herriot accepte de former un nouveau gouvernement
+ Il offre le ministère ds finances à M. Louis Barthou qui a décliné l’offre (2O/7)
+ Les radicaux socialistes divisés sur l’avenir du gouvernement de M. Herriot (21/7)
+ Vers un cabinet d’union nationale ce soir
+ Les agents ne veulent pas de tenue d’été
+ Le conseil municipal de Paris vote des taxes nouvelles (23/7)
+ M. Poincaré a formé un ministère d’union nationale
+ Vague de chaleur. 44° à New-York (24/7)
+ Le ministère déposera mardi ses projets financiers
+ La livre sous 200. La confiance renaît. (25/7)
+ Le contribuable français est le plus imposé
+ Au stade de Colombes Rose anglaise contre Coq gaulois (26/7)
+ Le projet financier inscrit 5 milliards de nouveaux impôts directs
+ Restrictions en Belgique. La farine de blé et le charbon réglementés. Cafés et restaurants ferment à 1 h. Une taxe sur les étrangers est prévue
+ États-Unis. Un énorme dirigeable de guerre en construction (27/7)
+ La confiance renaît. Les percepteurs n’ont jamais reçu autant de paiements anticipés
+ M. Eno, le père du sens unique, propose les refuges de stationnement et les signaux. (29/7)
+ Les projets financiers votés en commission
+ La guerre religieuse s’aggrave à Mexico. Le peuple est dressé contre son
gouvernement (30/7)
+ La Russie mobilise à frontière polonaise. Elle craint de perdre la Lituanie.
+ Les Anglais achètent notre blé sur pied grâce au change favorable pour eux
+ Le prix du pain baisse
+ Soixante-trois marcheurs au départ de Paris-Strasbourg (31/7)
Jean Dubroca
(*) Sources Galica/BNF