Petite causerie vespérale en forme de numéro de Cash investigation.
Après avoir, pas plus tard qu’hier, tordu le cou à une légende locale, la soi-disant invention du chaulage des tuiles par le maçon arcachonnais Michelet (reprenant les techniques mises au point par le Docteur rhétais Eugène Kemmerer), l’auteur se propose d’estourbir un autre canard : la croquignolette prétendue propagation accidentelle des huîtres « portugaises » dans le Bassin d’Arcachon par le navire Le Morlaisien.
Avant Victor Coste et les premiers parcs à huîtres de1859, l’ostréiculture n’existait pas dans le Bassin d’Arcachon. Les huîtres n’étaient pas « cultivées », mais simplement récoltées par draguage (par les hommes) ou ramassage manuel (par les femmes et enfants). Certes, il y eut une première expérience ostréicole à la fin du XVIIIe siècle à Audenge sous l’égide du marquis de Civrac, celui-ci y voyant une activité complémentaire à celle des salines qu’il venait de faire aménager. Hélas la culture des huîtres ne survécut pas à la ruine de l’entreprenant marquis. Du reste l’espoir de produire des huîtres vertes s’avéra infructueux malgré l’embauche de personnel marennais.
Comme en toutes activités humaines insuffisamment ou pas réglementées telles que chasses, pêches (et traditions), l’excès des prélèvements effectués par les autochtones faillit faire disparaitre la ressource, en l’occurrence les huîtres plates dites gravettes (Ostrea Edulis).
Afin d’éviter cette issue fatale, la pêche des huîtres fut interdite par la puissance publique à plusieurs reprises : interdiction totale entre 1750 et 1753 ; puis seulement autorisée entre les mois de décembre et d’avril ; nouvelle interdiction totale entre 1756 et 1758 ; enfin à partir de 1840, interdiction d’août à décembre — la surveillance effectuée alors par les services de la préfecture s’avéra superflue, l’arrêté d’interdiction était arrivé trop tard : les bancs étaient quasiment épuisés.
Afin d’éviter cette issue fatale, la pêche des huîtres fut interdite par la puissance publique à plusieurs reprises : interdiction totale entre 1750 et 1753 ; puis seulement autorisée entre les mois de décembre et d’avril ; nouvelle interdiction totale entre 1756 et 1758 ; enfin à partir de 1840, interdiction d’août à décembre — la surveillance effectuée alors par les services de la préfecture s’avéra superflue, l’arrêté d’interdiction était arrivé trop tard : les bancs étaient quasiment épuisés.
On voit par là que lorsque Victor Coste créa les premiers « parcs impériaux » dans le Bassin d’Arcachon en 1859, « nous n’avions pas le cul sorti des ronces », puisque si nous disposions désormais de parcs, nous manquions d’huîtres. Il fallait en faire venir.
Fort heureusement, dès 1857 les Arcachonnais (ainsi que les autres ostréiculteurs nationaux) avaient reçu l’autorisation d’importer l’huître creuse portugaise, qui est par ailleurs une espèce totalement différente des huîtres plates autochtones (les savants l’appellent Gryphoea angulata). C’est ainsi que le démarrage de notre activité ostréicole locale eut pour conséquence la dévastation des huîtriers du Tage par les marchants français d’alors — les populations de cette région portugaise s’émurent à tel point de ce qu’elles considéraient comme un pillage que l’État portugais dut d’ailleurs légiférer afin de limiter les prélèvements des bateaux français. On estime qu’environ 12 millions d’huîtres furent pêchées dans le Tage et exportées vers la France entre 1866 et1868 (date de la convention entre Portugal et France en limitant la pêche).
Voilà réellement comment les huîtres portugaises parvinrent dans le Bassin d’Arcachon. La chose n’est nullement due au largage d’une cargaison d’huîtres présumées avariées par le caboteur à vapeur Le Morlaisien en 1868, comme on peut le lire un peu partout — des journaux par ailleurs recommandables (même Sud-Ouest) relayèrent cette galéjade. Même si ce largage fut bien effectué et qu’il donna naissance à un banc d’huîtres sauvages portugaises devant l’estuaire de la Gironde, on voit mal comment il aurait suffi à rendre prédominante Gryphoea angulata, presque 150 kilomètres plus au sud et, de plus, à l’intérieur des terres. Enfin, on peut ajouter qu’à cette époque les Arcachonnais importaient des huîtres portugaises depuis déjà une dizaine d’années et aussi préciser que la cargaison huîtrière du navire Le Morlaisien était destinée… au Bassin d’Arcachon.
C’est ainsi, les amis, que notre groupe HTBA décrypte l’actualité brulante d’il y a presque deux siècles, permettant ainsi à ses membres de briller en société en se moquant d’une légende aussi unanimement propagée que crue par les naïfs. L’HTBoïate, personnage averti des choses de ce territoire, ne mange pas de ce pain-là et, telle une Élise Lucet qui aurait migré vers le Pays de Buch, dénonce les billevesées et les coquecigrues (qui sont d’ailleurs nombreuses ici).
Thierry PERREAUD
Quoi ? les Fake news étaient déja répandues à cette époque.
Une prise de position HTBOaites ( c’est dire l’antériorité historique de HTBA qui remonte aux BOIATES vers le V eme siècle) courageuse mais un peu dans le Style TF1. Tu expliques que l’échouage du Morlaisien n ‘est pas LA SEULE cause de l’arrivée des portugaises mais qu’il y contribue dans la cadre de l’importation « organisée » des huitres du Tage…