Galips et jeunes filles bien galipotées

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Petite causerie vespérale destinée prioritairement aux nouveaux lecteurs aussi HTBoïates que numériques, où il sera question de galips et de jeunes filles bien galipotées.

20 000 membres c’est tout de même quelque chose. Nous étions environ la moitié de ce nombre lorsque, il y a deux ans, j’avais publié cette causerie. Ça vaut le coup de la recycler.

Les HTBoïates un peu chenus se rappellent qu’ils récoltaient des galips à l’âge où l’on fait des galipettes (sans que cela ait le moindre rapport) destinés à faire prendre rapidement le feu dans les âtres du Pays de Buch, qui n’en manquaient pas (de bûches). Afin d’éclairer la lanterne des jeunes générations ou des estrangèrs qui l’ignoreraient, « un galip est un terme gascon, désignant un fin copeau de l’aubier du pin maritime arraché au tronc par le gemmeur, à l’aide de son hapchot, lors de l’entretien de la care. »

Les membres de notre groupe lisant parfois mes publications savent bien que je n’écris pas pour le plaisir de recopier Wikipédia, aussi attendent-ils certainement — avec la même impatience que la dame Inuit dont le mari est d’équipe de nuit à la fabrique d’esquimaux du coin — comment on en arrive aux jeunes filles citées en titre de ma causerie. Pour le comprendre, il faut passer tout d’abord par un mot à l’origine gasconne identique à celle du galip, le galipot, qui est un enduit de résine de pin destiné à protéger les espars (par exemple les mâts) notamment pendant l’hiver. Le verbe galipoter en découle et signifie donc enduire de galipot, opération qui, outre son rôle de protection du bois, possède la propriété de rendre ce matériau très doux au toucher.

Ce même verbe est également utilisé au sens figuré (rendre doux, aimable), ainsi à propos d’un serveur de restaurant peu amène on supposera qu’un petit pourboire le galipotera (le rendra plus affable), tandis qu’une jeune fille particulièrement charmante et avenante sera considérée comme bien galipotée.

La persistance ou l’effacement, du sens figuré d’un verbe décrivant une pratique caduque (ou dérivé d’un mot désignant une chose disparue), reste un mystère. Ainsi, on continue à être rétamé (fatigué ou ivre), alors que cela fait bien longtemps que l’on a cessé de rétamer (étamer de nouveau) les fonds des casseroles fatiguées. De même, pour rester dans la métaphore métallurgique, on persiste à dézinguer bien que plus personne ne désigne un avion par le terme de zinc (dézinguer consistant, dans l’argot militaire, à envoyer au sol un zinc ennemi), tout comme on s’obstine encore à payer « en espèces sonnantes et trébuchantes » malgré la disparition de l’usage du trébuchet (petite balance) depuis une assez belle lurette ou, par raccourci, « en espèces » — ce qui est pour le moins bizarre. On s’entête même à passer un coup de fil alors que le fil du téléphone s’est pourtant dématérialisé.

Hélas, il faut bien reconnaitre que le verbe galipoter a connu un sort funeste et n’a pas survécu à la disparition des galips et du galipot.

Une fois de plus, le Dictionnaire de la mer de Jean Merrien m’a aidé à instruire en « distraisant ».

Thierry PERREAUD

 

Aimé

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