Excursion à Claouey

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Le « Courrier-du-Cap »

Celui qui est resté gravé dans les mémoires, ce navire à vapeur de liaison entre Arcachon et le Cap Ferret à partir de 1902, à l’initiative de Léon Lesca, gérant de la société Courrier du Cap, associé à 5 autres personnes. Cet ancien yacht de plaisance peut embarquer 150 passagers et il achemine toutes les marchandises et les matériaux nécessaires à la vie sur la côte noroît, à une époque où aucune route carrossable ne la relie encore au monde civilisé.

Le « Courrier du Cap » assure plusieurs liaisons quotidiennes, depuis l’embarcadère d’Eyrac vers le cap Ferret. Il navigue pendant plus d’un demi-siècle et, avec sa haute cabine de pilotage, comme décorée de deux énormes bouées de sauvetage et sa plage arrière couverte d’une tente blanche, son originale silhouette, tout comme sa sirène qui appelle les retardataires occupés, l’hiver, à boire le vin chaud au « Café de la Plage », chez M. Lagruë, tout cela reste encore dans beaucoup de mémoires.

Le « Courrier du Cap » est réquisitionné pendant la première guerre mondiale de 1914 à 1919 pour participer à la campagne contre l’empire ottoman dans les Dardanelles. De retour à Arcachon le 9 mars 1919 il reprend son service jusqu’en 1943. Le destin du “Courrier du Cap” prend fin en 1947 date à laquelle il est démoli.

Après la mort de Léon Lesca, son yacht personnel, l’”Oasis” (le “Courrier du Cap II”) est utilisé pour doubler les liaisons avec Arcachon avant d’être réquisitionné en 1939.

Lors de la Séance du 18 avril 1917 du Conseil général de la Gironde, M. Dignac se fait l’écho du Syndicat des habitants du Cap-Ferret pour poser à M. le Préfet une question au sujet de la situation déplorable qui est faite à cette partie de son canton.

L’administration de la Marine a réquisitionné le vapeur Le Courrier-du-Cap, qui assurait régulièrement le service entre Arcachon et le Cap-Ferret, et, à l’heure actuelle, les riverains de cette partie du bassin sont privés de tout moyen de communication ; les services administratifs même sont suspendus.

Seul, grâce à des moyens de fortune, le service des postes a été maintenu, mais les malheureux habitants de cette partie de la commune de La Teste n’ont d’autre moyen de communication avec leur chef-lieu que de contourner entièrement le bassin, en empruntant la route d’Arès, Facture, etc.

Les populations ont d’abord protesté contre la réquisition du Courrier-du-Cap, faisant remarquer avec juste raison que ce vapeur, qu’on proposait d’affecter au service du pilotage, est dans un état tel qu’il est tout à fait impropre à cette destination. On ne les a pas écoutées ; mais l’expérience a justifié les prévisions exprimées par elles ; le vapeur réquisitionné pour les pilotes a été refusé par eux.

Le Courrier-du-Cap a été ramené à son port d’attache, mais non point rendu à son affectation, ancienne ; il est en ce moment dans un chantier de réparations.

Le transport des voyageurs entre Arcachon et le Cap-Ferret se fait en ce moment par un petit vapeur, l’Oasis, lequel peut prendre une vingtaine de passagers ; mais il est sur le point d’interrompre son service faute de charbon.

Au nom des populations intéressées, M. Dignac prie M. le Préfet d’intervenir auprès de l’administration compétente pour que le Courrier du Cap soit rendu à sa destination ancienne ; subsidiairement, il demande que, pour assurer provisoirement un service régulier, il soit mis à la disposition du petit vapeur Oasis la quantité de charbon qui lui est nécessaire, soit environ quinze tonnes par mois.

Quand l’honorable M. Dignac a, une première fois, entretenu M. le Préfet de cette question dans mon cabinet, il lui a donné l’assurance qu’il allait aussitôt intervenir auprès de l’administration de la Marine pour faire lever la réquisition du vapeur en question. Il n’a pas encore reçu la réponse de la Marine ; si elle se fait trop attendre, il ne manquera pas d’insister à nouveau pour que satisfaction soit donnée à la population du Cap-Ferret.

Il lui est plus facile de répondre à l’honorable conseiller général du canton de La Teste, en ce qui concerne sa demande subsidiaire d’Octroi de quinze tonnes mensuelles de charbon pour permettre au vapeur Oasis d’assurer le service provisoire des voyageurs, car il a une action plus directe sur le Comité départemental de répartition du charbon.

Il voit plus de difficultés pour faire lever la réquisition du Courrier-du-Cap.

Sur ce point, M. Dignac a déjà la réponse de l’Administration, hélas négative !, qui lui a été transmise téléphoniquement.

Dès que M. le Préfet aura lui-même confirmation de cette réponse négative, il interviendra énergiquement auprès du ministre de la Marine, s’il est nécessaire.

M. Dignac croit savoir que l’Administration se propose d’affecter le Courrier-du-Cap à la surveillance des pêcheurs sardiniers ; M. Dignac demande néanmoins à M. le Préfet d’insister en haut lieu pour que satisfaction soit donnée aux populations dont il se fait l’écho ; et il enregistre avec reconnaissance la promesse de M. le Préfet en ce qui concerne la fourniture de charbon au vapeur Oasis pour assurer provisoirement le service.

En 1925, Bertrand Roux, inscrit à Arcachon, n° 5056, patron du vapeur Courrier-du-Cap, et Jean Dousse, mécanicien pratique, inscrit à Arcachon, no 1183, chef mécanicien du même vapeur.

Fin décembre 1935, le « Courrier-du-Cap », qui a été enlevé par la mer, s’échoue sur la plage du Grand Piquey.

Le centre d’attraction d’Arcachon est le débarcadère. Le “Courrier du Cap” vient y accoster tous les jours et fait seul la liaison entre Arcachon et le Cap-Ferret. Qui ne se souvient du coup de sifflet du courrier tous les matins, à 10 heures ? Il règle les montres des Arcachonnais.

Lui aussi a disparu, et, en 1947, l’Union des Bateliers d’Arcachon (UBA) voit le jour pour assurer les liaisons maritimes à travers la baie : c’est une flottille de quarante bateaux qui font alors la liaison ; il est vrai qu’il y a davantage de touristes et d’habitants sur les deux rives.

 

Rapports et délibérations – Gironde, Conseil général du 1er janvier 1917

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k57334336/f426.image.r=%EF%BF%BD%20Courrier%20du%20Cap%20%EF%BF%BD?rk=85837;2

Le J. O. du 12 octobre 1925

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6439835r/f10.image.r=%EF%BF%BD%20Courrier%20du%20Cap%20%EF%BF%BD?rk=42918;4#

Le Populaire : journal-revue hebdomadaire de propagande socialiste et internationaliste [“puis” socialiste-internationaliste] du 31 décembre 1935

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k8221593/f1.image.r=%22grand%20piquey%22?rk=193134;0

Ami, la matinée est belle ; pas un nuage ; le ciel et le bassin sont du bleu le plus pur ; une brise légère ride à peine la surface des eaux ; le beau temps nous invite à faire une excursion ; il est dix heures ; embarquons nous sur le Courrier du Cap.

En route : les hôtels du Boulevard-promenade défilent devant nos yeux, puis les chalets du Boulevard de la Plage, l’église Notre-dame avec son élégant clocher, les somptueuses villas du Boulevard de l’Océan, tout cela dominé par la chaîne des dunes vertes parsemées de belles habitations. Plus loin, on voit le parc Pereire, la plage des Abatilles, le Moulleau, Pyla-s/-mer, la haute dune du Sabloney se prolongeant, masse étincelante de blancheur, jusqu’à la Pointe du Sud.

Le bateau vire à droite pour gagner l’autre rive. Il atteint bientôt le débarcadère du Cap ferret. Presque tous les passagers descendent, notamment M. Fernand Faure, l’éminent sénateur dont la conversation intéressante nous fit paraître encore plus courts les instants de cette courte traversée. Nous restons à bord, presque seuls. Le navire remonte maintenant sur le haut du bassin, longeant la côte entre celle-ci et l’Île-aux-Oiseaux. Cette côte est infiniment pittoresque. Une série de coquets petits villages s’y adossent à la dune forestière. Abrités des vents du nord, exposés au soleil de midi, trempant leurs pieds dans les ondes transparentes, ils jouissent d’une situation exceptionnellement favorable. Voici la chapelle de Notre-Dame des dunes, de style mauresque, la villa Algérienne, de même architecture, le village de l’Herbe, composé de cabanes de parqueurs, Le Canon, ainsi nommé parce qu’on y conserva longtemps un vieux canon, Piraillan, enfin le Grand-Piquey, dernière station du bateau. Le Courrier du Cap contourne l’Île-aux-Oiseaux et rentre à Arcachon.

Nous sommes descendus au Grand-Piquey avec l’intention de nous rendre pédestrement à Claouey. L’inconnu commence. Combien faut-il de temps pour aller à Claouey ? Les uns disent trente minutes, les autres une heure. Il est vrai que cela dépend de la rapidité de la marche et de la route suivie. Il y en a deux. Le plus court c’est la route venant de Lège et se terminant ici, limite de cette commune et de celle de La Teste. La nouvelle Société du cap Ferret se propose de la continuer jusqu’à Bélisaire, ce qui serait vraiment très utile.

Abandonnons aux automobilistes et aux bicyclistes cette route monotone et poussiéreuse. Suivons tantôt la plage, tantôt les sentiers de la forêt d’où nous jouirons de perspectives variées. Il est onze heures et demie. Allons, sans nous presser, déjeuner à Claouey. Nous rencontrons d’abord la Pointe des chevaux, ainsi nommés parce qu’on y parquait jadis les chevaux destinés à être conduits à la nage dans l’Île-aux-Oiseaux, dont elle est le point le plus rapproché, par des marins en pinasse qui les ramenaient de la même façon après quelques semaines de pâturage. Un peu plus loin, on trouve le petit Piquey, puis les Jacquets, modestes villages de parqueurs. Tout le long de la côte s’étend le domaine des parqueurs ; la plage est jonchée de coquilles d’huîtres ; des tas de tuiles blanches destinées à recevoir le naissain s’y amoncellent ; les clôtures des parcs émergent au-dessus de l’eau ; on n’y cultive plus que l’huître portugaise ; robuste et envahissante, de croissance rapide, source de richesse pour les concessionnaires, elle a tué l’huître plate.

Après une heure de marche, nous parvenons à une longue digue s’allongeant entre le bassin et un grand réservoir à poissons. Arrêtons-nous ici pour prendre un instant de repos. L’endroit est délicieusement ombragé. Assis dans l’herbe, tournant le dos au bassin, nous contemplons le lac où des quantités de poissons frétillent dans une eau rougeâtre. L’ami de Ricaudy, toujours précautionneux, a porté dans son sac un flacon de porto que nous dégustons en fumant une cigarette.

Encore un effort et nous arrivons à Claouey. Il est 13 heures. Nous avons mis une heure et demie pour faire le chemin, sans nous presser. On se met à table, avec bon appétit, dans l’unique hôtel du village, sous une galerie d’où l’on voit le bassin à travers les arbustes ;

le restaurant “Chez Olivier” est tenu par Olivier et Marie Dulaurens (l’établissement deviendra le restaurant « La Caravelle » puis l’actuel Club de voile de Claouey.)

En prenant le café, nous songeons au retour. Un marin nous offre de nous ramener à Arcachon dans sa pinasse à moteur moyennant cinquante francs. Nous acceptons, n’ayant pas l’embarras du choix. Le départ est fixé à 17 heures. La marée l’exige. Plus tard la barque serait échouée dans la vase.

Nous avons le temps de visiter Claouey. Ce n’est pas long. Quelques chalets coiffés de tuiles rouges dressent leur tête au milieu des pins, semblables à des coquelicots dans un pré. Nous remarquons une source sulfureuse jaillissant du sol, comme celle des Abatilles, mais ne possédant sans doute pas les mêmes vertus. Etendus sur un monticule, à l’ombre légère des pins, nous admirons le panorama du bassin jusqu’au moment où sonne l’heure du départ.

Nous embarquons dans le petit port. La pinasse file en zigzags pour suivre les chenaux. Après avoir doublé la pointe orientale de l’Île-aux-Oiseaux où, pareille à une gigantesque araignée, s’élève sur pilotis la maison du garde, nous voguons parallèlement au côté du triangle allant d’Arès à Audenge. Puis nous mettons le cap sur Arcachon où nous arrivons à 18 heures très satisfaits d’une excursion que je recommande à mes lecteurs.

Albert Chiché, ancien député de Bordeaux

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Raphaël

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