Bassin d’Arcachon – 22 septembre 1924 – Sauvetage
Le 22 septembre 1924, vers 7 heures du matin, le sloop Gisses croise à l’intérieur des passes du bassin d’Arcachon. Au large souffle avec véhémence, une bourrasque épouvantable. Elle est tellement épouvantable que, le patron Darrelatour va donner l’ordre de rentrer, quand un de ses hommes lui signale :
« Épaves à bâbord ! »
Qui dit épaves, dit naufrage. Justement, trois embarcations sont sorties au petit jour et on n’en aperçoit aucune à la surface de la mer démontée. Un malheur serait-il arrivé à l’une des trois ?
Le patron commande : « Droit sur la passe ! »
C’est-à-dire droit sur la tempête, droit sur la mort. Il n’a pas fait deux cents mètres qu’un cri de détresse, plus fort que le mugissement de la rafale. Un être humain apparaît dans un remous. Il est désespérément accroché à une épave et hurle : « A moi ! Au secours ! »
On lui jette une bouée. Il s’y cramponne. On le ramène à bord du sloop. Il appartient à la Claire-Victoria, un des trois bateaux qui sont sortis le matin. Son embarcation a chaviré dans la tempête avec les dix hommes qui la montaient.
S’ils sont là, il faut les trouver et les sauver. Alors commence une lutte acharnée du petit sloop contre les grandes vagues. Pendant une heure, il fouille les flots déchaînés. Il interroge les bouillonnements d’écume. Par trois fois, il aperçoit des hommes se débattant dans la tempête, criant au secours. Par trois fois, il recueille ces malheureux, ayant chacun déjà sur leur visage la griffe de la mort. L’un d’eux, patron de la Claire-Victoria, est même à demi asphyxié et a perdu connaissance.
Ce n’est que quand tout espoir de retrouver encore des survivants est perdu, que le patron Darrelatour donne l’ordre de rentrer au port. Sans lui, sans ses hommes, ce n’est pas six vies humaines que la mer eût englouties, c’est dix.
Mais Darrelatour n’en est pas à son coup d’essai. En 1913, il a déjà arraché au gouffre six hommes ; en 1915, sept ; en 1924, trois. C’est un récidiviste du sauvetage.
