Démonter une légende, celle de l’origine du nom de la Grande Dune

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Petite causerie vespérale à caractère toponymique dans laquelle il sera question de démonter une légende, celle de l’origine du nom de la grande dune de La Teste-de-Buch.
 
La semaine thématique HTBoïate consacrée aux dunes, au littoral et aux îles nous a donné, entre autres choses, notre content de photographies et cartes postales de la Dune de Pilat ou du Pilat, voire de Pyla. À cette occasion les fondamentaux ont été rappelés : l’origine du toponyme « pilat » et le fait qu’il faille différencier le nom de la dune, Pilat, de celui de la société que Daniel Meller créa afin d’y édifier le lotissement de Pyla-sur-Mer.
Eh bien, ces vérités-là sont loin d’être exactes.
Pilat, un tas gascon ?
On lit un peu partout que pilat signifierait “tas” en Gascon, ce qui aurait donné son nom à la dune… La bonne blague ! Lorsque vous voyez la dune, vous évoque-t-elle un simple tas de sable ? Évidemment non. D’ailleurs le Gascon ignore le mot « pilat », tout au plus reconnait-il le « pilòt » qui possède effectivement ce sens. Mais lorsqu’on évoque une dune ici, on parle d’un « truc ».
Bref, l’explication communément admise pour l’origine de ce nom est conséquemment une galéjade, une invention, ou, pour le dire plus simplement, ce qu’on désigne par le terme d’attrape-nigaud.
La raison de cette coquecigrue vient du fait, qu’à l’origine, le nom de Pilat, ou plus exactement de « Pile « , ne désignait pas une dune, mais un lieu-dit fort ancien situé en face du « banc de La Pile » (c’est celui-ci le fameux “tas”).
La première carte « réaliste » du Bassin d’Arcachon datant de 1590 mentionne ce banc ainsi que, sur la côte, le lieu-dit « La Veille Pile ». Pourquoi ce qualificatif de vieille ? On peut supposer que cette pile-là était l’ancien banc de sable qui s’était déplacé au fil du temps du nord au sud — tout comme le banc d’Arguin ne tardera probablement pas à disparaitre en rejoignant le littoral un peu au sud de la plage de la dune du Pilat actuelle — en même temps qu’apparaissait un nouveau banc (une nouvelle « pile », aujourd’hui ce serait éventuellement le banc du Chien).
Cette métamorphose des passes forma ce qu’on appela le « Bassin du Pila », puis « du Pilat », une lagune fidèlement représentée par Claude Masse sur sa carte de 1708. On retrouve encore mention de ce bassin sur la carte de Belleyme (1787-1791) avant qu’il ne se comble vers 1810. Ce fut donc probablement l’arrivée sur le rivage de cette pile, devenue « pila » qui donna son nom à ce lieu présentant par ailleurs une grande diversité de paysages — la carte du Ministère des Travaux Publics de 1845 mentionne même les « Plaines du Pilat » ; mais elle montre également les dunes (il y en avait évidemment plusieurs) du Pilat culminant alors jusqu’à 50 mètres.
Les Gaillouneys, une dune qui changea de nom avant de le perdre.
Cette dune-là (ou plutôt cette accumulation successive de dunes) était appelée de manière bien plus explicite qu’aujourd’hui « Les Sablonneys » jusqu’au début du siècle dernier, lorsque Daniel Meller créa le lotissement de Pyla-sur-Mer en 1917. Pour donner ce nom, le jeune Meller prétendit s’être à la fois inspiré du lieu sur lequel il se proposait d’édifier son entreprise, mais aussi du Grec (mais non pas de la dune proche puisque personne ne l’appelait ainsi).
L’importante publicité faite autour du nom de la jeune station balnéaire fut probablement à l’origine de l’abandon de la vieille appellation. Pyla était à la mode, mais aussi par proximité Pilat, et c’est ainsi que la dune changea progressivement de nom. Après tout la dune était bien située au Pilat et il ne serait pas non plus faux de l’appeler la dune de La Teste. Notons cependant qu’en 1934 on retrouve encore le toponyme Sabloney sur la carte de Rebsomen.
Résumons-nous : Qu’importe qu’on l’appelle dune de Pilat, du Pilat, voire du Pyla puisque dans tous les cas ce n’est pas son nom, mais sa localisation.
En revanche, on prive ainsi les autres dunes du Pilat de toute existence — Qui se souvient par exemple de la dune de La Grave ? — en même temps que l’on ôte à la plus grande dune sa propre identité.
On devra la consoler de cette injuste aporie en lui grimpant dessus et en l’assurant alors que « depis » là, on voit tout de même vachement loin.
Thierry PERREAUD

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Aimé

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