De droite et de gauche avec discernement et circonspection (2)

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Petite causerie vespérale bien latéralisée faisant suite à la précédente qui partait à droite et à gauche.
J’entretenais dernièrement le lecteur aussi numérique qu’HTBoïate de l’immense supériorité de la discrimination maritime “bâbord-tribord” sur la terrestre “gauche-droite”, à savoir que bâbord se trouve du coté gauche d’un navire lorsqu’on regarde vers l’avant, qu’il se retrouve à droite si on se retourne (mais on s’en fout un peu) et que le raisonnement inverse s’applique pour tribord. Bref les côtés bâbord et tribord ne changent pas quel que soit la position de l’observateur. Ce sont là des notions fiables et rassurantes sur lesquelles on peut compter, choses particulièrement utiles dans un environnement potentiellement dangereux.
Ainsi, si un équipier, se tournant vers le barreur, l’avertissait de la présence de brisants « à gauche », l’homme de barre ne saurait pas si le danger est à sa gauche ou à celle de l’équipier qui lui fait face et donc à sa propre droite ; il lui demanderait alors la précision que je viens d’exposer et le temps nécessaire à l’autre d’expliciter la chose suffirait à précipiter le bateau sur le traitre banc de sable qui se situe juste avant d’arriver à Arguin lorsqu’on vient de la passe nord. Alors que si l’équipier avait simplement indiqué un haut-fond à bâbord, nous aurions évité conséquemment un échouement (et non un échouage) dans la passe au descendant, un secouage sévère au montant (de nuit, il aurait été hasardeux de repartir), du vomi partout et un équipage hagard au petit matin.
Cependant la connaissance des termes bâbord et tribord ne suffit pas toujours pour assurer la sécurité du bateau. Par exemple, vous avez confié la barre à un éléphant, à qui vous avez prodigué vos enseignements, celui-ci (ou celle-ci) voit une balise en face du bateau et cherche à savoir de quel côté passer :
– Balise avec un triangle vert droit devant !
– Et…
– Pour qui sont ces tricots verts et ces bas si rouges ?
– Et donc…
– Tricots verts ?
– Exactement. Et donc ?
– … ?
– Tu la laisses à tribord.
– D’accord.
– Sauf que là on ne rentre pas mais on sort du port et donc c’est l’inverse.
– … ?
– Donc tu la laisse à bâbord.
– Bâbord c’est bien à gauche ?
– Oui.
– Donc je passe à gauche.
– Non ! Tu la laisses à bâbord.
– Mais tu m’as dit que bâbord c’était à gauche ?
– Oui, tu la laisses à bâbord, donc tu passes à son tribord.
– A son tribord dans quel sens ? C’est quoi l’étrave d’une balise ?
– Tu passes à droite !
– Trop tard !
– Boum !
Et c’est ainsi que bâbord et tribord restent définitivement les mamelles de la marine, même s’il y coûta une brogne à l’étrave de votre fier navire.
Thierry PERREAUD
 

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