Croquis du Bassin – Prés salés de La Teste-de-Buch – Cinq chroniques

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1 – L’État entre en guerre

– Eh, Bonjour, ami promeneur ! Nous voici donc sur les chemins qui se trémoussent parmi les arbres, arbrisseaux  et cotonniers de la vaste terre marine qui forme les prés salés ouest de La Teste. Et quand on marche sur ces sentiers aquatiques, on dévale les pentes d’une étonnante histoire ancestrale. Étonnante et lourde de sens car  marquée par le long combat que l’État français, qu’il soit royal ou républicain, a inexorablement mené pour s’assurer le contrôle des côtes maritimes de ses frontières. Écoutez plutôt ce passionnant récit tiré de divers écrits et notamment ceux de Jacques Ragot et de Maître Franck Bouscau publiés par la Société historique d’Arcachon.

Il faut savoir qu’en 1681, Colbert tape un grand coup de poing qui pulvérise les registres féodaux  et tous les textes qu’ils contiennent en matière de prétentions des seigneurs sur le contrôle des rivages français. Et Colbert y va carrément : “Sera réputé bord de mer et rivage de la mer tout ce qu’elle couvre et découvre pendant les périodes de pleines lunes et jusques où le grand flot de mars se peut étendre sur les grèves.” Vous pensez bien que les seigneurs de tous rangs crient aussitôt à l’abus de pouvoir. Et ceux du captalat de Buch ne sont pas les derniers à hurler contre ce vol de leurs côtes et de leurs plages. D’autant plus que ces rivages constituent une bonne affaire lorsque les navires viennent s’y fracasser et que le seigneur possède le droit d’épave. Il permet de récupérer facilement le solide bois des navires échoués et le plus précieux de leurs cargaisons.

Cependant, dès le moyen âge, le duc d’Aquitaine, roi d’Angleterre au XIIe siècle sous le nom d’Édouard III, s’attribue la propriété des côtes et la concède à ses vassaux. Ce qui fait qu’en 1383, le captal Jean de Grailly se trouve doté du droit de naufrage. Et voilà que près de six cents ans plus tard, en 1978, deux  tribunaux bordelais vont considérer que cet acte royal fait des prés salés ouest une propriété privée. Merveilleuse pérennité du droit à travers les siècles !

Mais si les seigneurs protestent contre l’autoritarisme de Colbert – et derrière lui, celui de Louis XIV – les manants crient aussi bruyamment qu’eux. Pourquoi ? Parce qu’une baillette de 1550 confirme l’usage des prés salés  depuis au moins cent cinquante ans comme terre de pacage pour les troupeaux et zone de récolte du jonc, celui, justement, que Jeaneton  coupe, armée de sa faucille …

De rouspétances en protestations, de résistances en oppositions sur le terrain des uns et des autres, il faut qu’en 1732 puis en 1742, les Commissaires du roi mettent définitivement les choses au point : captaux et manants n’ont absolument aucun droit sur les étendues de la mer, telles que fixées par Colbert. Rompez !

Mais les captaux de Buch ont la tête dure.  Au XVIIIe siècle, on s’entiche pour les innovations agricoles, comme aujourd’hui pour le développement durable. Si bien qu’en 1780, François de Ruat concède à un certain sieur Giers et à ses associés, le droit de mettre en culture ces prés salés où nous déambulons aujourd’hui. À condition qu’ils les isolent du Bassin par une digue  et qu’ils paient au captal une rente, à partir de  1790.

Bonne pioche, malgré la décision de l’intendant de Bordeaux qui fait cesser les travaux d’endiguement. Bonne pioche car la Révolution  étant passée par là, elle libère le citoyen Giers de sa rente. Il devient, ipso-facto, pleinement propriétaire des prés salés ouest.  1789 : une révolution  bourgeoise, avez-vous dit ? Bref, comment se fait-il que  vous puissiez  aujourd’hui marcher avec nous en plein milieu de ces prés salés ? Eh bien, à demain, pour la suite de notre promenade-feuilleton, dans la machine ondulatoire à remonter le temps.

2 – État, tais toi !

– Eh! Bonjour! Infatigable promeneur estival. Nous voilà arpentant les chemins sinueux de l’Histoire qui traversent les prés salés ouest de La Teste et qui racontent la longue et farouche lutte d’un État qui défend ses droits et aussi ceux des usagers, contre ceux de la propriété privée. Deuxième étape. Or donc, après 1790, il semble bien que tout soit réglé : les prés salés appartiennent bel et bien  au citoyen Giers. Tout se passe pour le mieux, d’autant plus que les Testerins peuvent continuer d’y faire pacager leurs bestiaux et que Jeaneton peut toujours venir y couper ses joncs…

Mais voilà qu’un triste jour de 1832, un certain M. Sauvage, par ailleurs maire d’Andernos et l’un des “propriétaires” – à cet instant précis, vous avez entendu des guillemets – des prés salés veut établir là des réservoirs à poissons. Le conseil municipal testerin s’y oppose farouchement. Mais l’administration des Domaines gagne du temps. En politique, chacun sait qu’il faut laisser du temps au temps. C’est pourquoi, en 1833, il est décidé de … mesurer et de borner les prés salés. L’opération s’achève en 1834 et ne donne aucun autre résultat que de s’en remettre à une loi de 1807 qui déclare que les parcelles du rivage ne peuvent être privatisées que si elles sont isolées par une digue ! Les réservoirs à poisson du maire d’Andernos tombent donc à l’eau, mais dans une complète équivoque.

Cependant, découragé, M. Sauvage vend le site, en 1837, au marquis de Castéja. Lequel, pour affirmer son autorité, s’empresse de poursuivre en justice de malheureux Testerins, coupables d’avoir pris du sable sur SES prés salés. Heureusement pour le petit peuple : le Tribunal acquitte les Testuts puisque la zone n’est pas endiguée. Mais les propriétaires ne désarment pas ! En 1846, ils obtiennent le droit d’endiguer. L’État se rebiffe, arguant du fait qu’il lui faut construire une digue pour le nouveau port de La Teste. Il transige donc en 1851 avec le propriétaire, M. le comte d’Armaillé, en l’autorisant à endiguer … les prés salés Est ! Satisfait, M. le comte renonce même aux indemnités qu’il réclamait à la suite de la construction de la route d’Arcachon qui traverse les prés salés à l’ouest.

C’est alors qu’en 1854, le même d’Armaillé demande l’autorisation d’établir là des réservoirs à poissons. Refus obstiné du ministre de la Marine. Mais la souplesse du ministre des Travaux publics puis celle tout aussi remarquable du ministre des Finances conduisent en 1859 à autoriser l’endiguement. On l’entend bien : la solidarité ministérielle constitue, de tous temps, un délicat équilibre. Et bien qu’on soit passé du Second Empire, affairiste et dévoyé comme chacun le sait, à la République Une et Indivisible, en 1875, le tribunal de première instance de Bordeaux déboute les Testerins qui s’appuyaient sur leurs droits d’usage dans les prés salés ouest pour y défendre leur présence. Motif : une éventuelle digue supprimerait ces droits d’usage. De plus, réservoirs à poissons et parcs à huîtres prévus là seraient conformes aux baillettes de 1550 et de 1780.

Ainsi, quand M. Harry Scott Johnston  achète les près salés ouest en 1877, il fait donc une bonne affaire, d’autant plus que le ministre de la Marine l’a autorisé à y installer réservoirs à poissons et claires à huîtres. Mais, nonobstant  leur entregent, ni lui, ni ses successeurs, n’arrivent  à obtenir l’autorisation d’endiguement, malgré quatre tentatives échelonnées de 1877 à 1910, contrairement à ce qui s’est passé dans les prés salés Est. Cependant, forts de ce précédent à l’Est, les  propriétaires réalisent l’endiguement des prés salés ouest, entre 1930 et 1935, l’administration des Ponts et Chaussées maritimes, on se demande bien pourquoi, fermant les yeux  tandis que la municipalité testerine proteste haut et fort.

Mais voilà que tout va se compliquer – si c’est possible – lorsque trois  tempêtes, en 1944, en 1951 et en 1957,  bouleversent le bel édifice juridique sur lequel repose toute cette affaire des prés salés. Il y aura donc une nouvelle tornade, judiciaire celle-là. Notre promenade, demain, nous en dira davantage …

3 – Entre Est et Ouest

Eh ! Bonjour ! Nous voilà repartis sur la  machine à promenades dans le temps. Avec vous à bord, elle navigue toujours dans les esteys et remonte la Craste Douce, à travers la longue et tumultueuse histoire des prés salés ouest de La Teste. Tumultueuse : voilà le mot puisque cette vaste zone côtière, si disputée depuis des siècles,  se trouve aux prises avec trois tempêtes qui vont bousculer des centaines d’années de procédures. Première surprise : voilà que le 2 septembre 1944, la digue en béton qui fermait le site ouest s’écroule ! Il doit y avoir un bon dieu pour les Testerins puisque cette digue, on le sait, avait été construite en toute illégalité. Cet écroulement, on va vous le raconter, va changer bien des choses. Mais les surprises ne s’arrêtent pas là.

Le 29 décembre 1951, une violente tempête ouvre trois brèches, dont l’une de trente-cinq mètres, dans la digue des prés salés est. Une situation encore plus grave que la précédente car cette digue protège tout le quartier des Bordes. Une association à laquelle adhère la commune de La Teste se forme tout aussitôt pour toucher des subventions, afin de  reconstruire la digue.  C’est alors que de petits propriétaires, sans doute parce qu’ils ne veulent pas participer aux frais élevés de réparation, déclarent, devant le tribunal administratif de Bordeaux, que les prés salés Est se trouvent dans le domaine public maritime. L’État voit là une caisse de dynamite qui, si elle explose, va conduire à l’écroulement de tout le système patiemment mis en place depuis, souvenez-vous,  qu’un lointain compromis avait été trouvé en 1851, afin de conserver publics les prés salés ouest.

L’affaire devient d’autant plus explosive que, le 16 février 1957, la grande brèche récemment réparée, et sans doute fort mal, se creuse à nouveau devant une troisième tempête. C’est la panique un peu partout sous beaucoup de crânes car voilà des prés salés Est à nouveau sous l’eau, donc revenus ainsi en plein dans le domaine public maritime. L’État, pour sauver une  situation qui le met dans l’embarras, obtient qu’un tribunal ne puisse pas dire  qui est propriétaire d’un bien ! Ce que n’accepte pas l’un des petits propriétaires particulièrement entêté et qui ira jusqu’au Conseil d’État. Il parviendra  à savourer cette décision datant de 1967 : le syndicat des propriétaires n’est pas légal. Ce qui signifie que tout ce qui avait été décidé après 1859 était nul et non advenu. Pourquoi 1859 ?

Le Tribunal qui a de la mémoire, se souvient  alors que,  seul, reste valable un décret impérial de cette année-là. Il  intégrait alors tous les prés salés testerins dans le domaine public. Chose extraordinaire : tout le monde semblait l’avoir oublié. Peut-être parce qu’il avait été signé par l’Impératrice, alors Régente ?  Tout de même, où va se nicher  le machisme !

Aussitôt, l’administration, qui a vite compris la situation ainsi créée par le jugement, fait savoir aux propriétaires des prés salés ouest qu’ils peuvent remballer leurs  droits sur ces terrains. Nous sommes en 1968. Qui va nous dire qu’il ne s’agissait pas à cette date d’une révolution ? Mais la famille Couach, alors propriétaire de ces prés salés ouest, fait appel. Et la Cour vient à son secours. Motif : on peut, en matière de propriété, se baser sur des présomptions ou des indices. Or, ils ne manquent pas, à commencer par le testament du captal Jean de Grailly, confirmé en 1383 par le roi d’Angleterre et qui fait des prés salés ouest une propriété privée.

L’État ne baisse pas les bras et veut son rivage. Mais, de Cour de Cassation en Tribunal des conflits, tous ses recours sont rejetés. Jusqu’à ce que le Tribunal administratif de Bordeaux, à nouveau saisi, délivre en 1982, deux jugements portant sur des contraventions de voirie dans les prés salés ouest. Mais attention : notre machine à remonter le temps risque maintenant la surchauffe. Résumons donc la suite car il faudra encore bien des années de pugilat judiciaire, pour faire reconnaître, via le Conseil d’État, la domanialité des prés salés ouest.

Et voilà pourquoi, aujourd’hui, promeneur de l’été, tu peux, déambulant sur ces prés salés, écouter de très près coasser les grenouilles et distinguer les éclairs d’anguilles se faufilant dans l’eau ensoleillée. Mais pourtant, la domanialité reconnue, rien, promeneur ne t’a encore vraiment ouvert ces chemins qui conduisent à cent lieues d’un monde plein de voitures pourtant très proche. À demain, donc, pour la fin de l’épopée ….  Si, toutefois, elle se termine un jour !

4 – Une nouvelle bagarre ?

Eh, bonjour, promeneur de l’été ! Tu marches, tranquille, dans ces prés salés ouest. Tu devrais pourtant savoir que des événements d’une certaine ampleur y ont encore éclaté en avril 1994, lorsque la municipalité de l’époque a lancé un référendum sur l’aménagement de l’ouest de la commune, celui qui englobe les prés salés et  les  lieux dits “Lapin blanc” et  “Pointe de l’Aiguillon”. Elle fait un triomphe : 35 % des Testerins votent et 80 % d’entre eux veulent cet aménagement, portuaire et immobilier notamment. L’association “Pour faire vivre l’anse testerine”, bientôt forte de 1 200 adhérents et qui s’est beaucoup démenée durant la campagne électorale sous l’impulsion débonnaire mais efficace de son président, Claude Badet qui exulte : “L’État devra prendre en considération la nouvelle demande de concession de cette zone maritime que déposera la commune.”  De quoi donc s’agit-il ?

Alors que le Conseil général, lui aussi demandeur de la concession,  propose là un port à sec, dans le cadre d’un projet européen baptisé Terra. Par contre, la mairie testerine et sa courroie de transmission, l’AFVAT, veulent, en particulier un port dit écologique en eau profonde pour y amarrer environ mille bateaux, avec tout ce qui peut se construire autour. Les progrès de l’imagerie informatique permettent d’exhiber à des publics subjugués le tout nouveau paysage qui conserverait cependant ses traditionnelles cabanes rénovées.

Dans des prés salés remis entièrement en eau, on creusera des bassins de rétention, isolés par un rideau d’arbres, afin de recueillir les eaux de ruissellement qui, apportées par la Craste douce, arrivent ici en quantité. Une vaste chasse d’eau salubre nettoiera le port et sera bordée d’une plage. Au centre des prés salés, grâce aux 430 000 m3 de sable venus du creusement du port, se dressera une île des loisirs où pourraient s’installer un musée et un aquarium, tandis qu’à l’est, longeant le port, s’étendra une zone d’animations. Des pistes cyclables, des zones piétonnières, la route nationale portée à quatre voies et plusieurs giratoires desserviront un ensemble qui sera bordé de bâtiments à usage d’habitations, élevés sur des terrains privés situés au sud-ouest et pour beaucoup en friche. Le tout financé par des fonds privés, souligne l’AFVAT, pour qui “tout cet équipement donnera à la ville une image digne du XXIe siècle.”

Aussitôt, la bagarre s’enclenche. Une association, celle des “Amis du Lapin-Blanc”, se  dresse devant l’AFVAT et la mairie testerine. Son président, Gérard Marty, professeur d’université et journaliste  qui en a  vu d’autres, proteste avec véhémence : “ Mais, ces  prés salés, c’est un espace humide dont l’importance est primordiale dans l’équilibre écologique du secteur, d’ailleurs classé en zone indispensable à la protection de la flore et de la faune. De plus, une étude de l’IFREMER condamne tout port à l’est d’une ligne sud-Arcachon/Piquey. Sans doute, faut-il le nettoyer, ce Lapin-Blanc, remettre partiellement en eau les prés salés pour en faire un lieu de tourisme vert, riche et moderne mais nous voulons que s’y applique notre principe : ni béton, ni goudron mais nature à profusion.”

De leur côté, René Serrano et le Conseil général s’activent. Dans une lettre à la ministre de l’Environnement, Mme Voynet, ils soulignent : “ La baie des prés salés a une cohérence morphologique et paysagère, un site disponible au cœur d’une périphérie urbaine qui doit offrir un espace maritime diversifié ouvert à tous, alors qu’il est menacé par un acharnement clientélisme et démagogique mené par la commune testerine ”. La lutte va donc devenir serrée tant l’enjeu est d’importance, autant sur les plans financier qu’écologique. Si important que le Schéma de mise en valeur de la mer, tant attendu, se bloque sur cet épineux sujet. Que va-t-il se passer ? Ami promeneur, il va te falloir attendre lundi pour que ta juste curiosité soit enfin satisfaite. A lundi donc.

5 – Serait-ce l’épilogue ?

Hé, adieu – comme on dit à Bordeaux – hé adieu, promeneur de l’été qui a pris place dans la  machine à promenade de RCA, laquelle machine achève son premier périple avec la longue et passionnante histoire des prés salés ouest de La Teste et des lieux adjacents. Les projets d’aménagement portuaire du site soulèvent, on vous l’a raconté, de vives protestations. Par exemple, des voix s’élèvent pour rappeler que se trouvait dans ces prés salés le très ancien avant-port testerin et que, si l’on veut y faire des travaux, il faudra attendre très, très, longtemps les résultats de méticuleuses fouilles archéologiques.

Quant à AUPORT et à dix autres associations, elles souhaitent qu’un port à sec puisse exister dans cette zone mais elles exigent qu’elle reste le cœur d’un écomusée, seule façon, ajoutent des ostréiculteurs, “de la geler, afin que soit garantie la salubrité des installations ostréicoles voisines.” De leur côté, les Amis du Lapin-Blanc rappellent qu’en 1993, déjà, le ministre Michel Barnier avait déclaré qu’il ne fallait pas un seul port supplémentaire sur le Bassin. Et le président  Marty de porter le sujet sur le plan politique : “Ne pas écouter les associations écologistes, n’est-ce pas vouloir déstabiliser la Gauche plurielle dans le Sud-Bassin ?” On ne saurait mieux définir l’enjeu réel de cette nouvelle bagarre en Buch.

Elle se trouve exacerbée avec le projet de SMVM qui prévoit, avec euphémisme, “un mouillage à flot” de quatre cents places au Lapin-Blanc. Si bien qu’en cette fin de siècle,  le débat  va prendre une tournure plus aiguë du fait que les élections communales approchent et que la mairie a lancé une ZAC (Zone d’aménagement concerté) pour tout l’espace des prés salés. L’AFVAT, qui a élu un nouveau président, Alain Donval, mène le train et s’attaque au Conseil général et à son représentant socialiste, René Serrano “qui fait échouer tous les projets municipaux mais n’hésite pas à installer un port de plaisance dans le port ostréicole.” Le docteur Espied le rappelle alors, soulevant définitivement le voile sur l’enjeu de l’opération : “Un port de quatre cents places  ne serait pas assez rentable pour le promoteur privé qui devrait assurer sa construction, l’aménagement du site et celui du bâti en front de Bassin”. Bref : le projet de port devient très électoral d’autant plus que le maire, orateur habile, fait rêver les Testerins en leur promettant dans les six ans à venir “une façade maritime nord de haute qualité qui serait un lieu de vie animée, presqu’en centre-ville.”

Ce à quoi AUPORT, son président Christian Raba en tête, répond aussitôt : “En aucun cas, nous ne laisserons mettre en danger la salubrité de la zone de réserve d’eau salée et d’activité ostréicole.” Mais voilà que le 4 septembre 2000, le préfet de la Gironde transmet l’avis favorable du ministère des Transports pour l’application de ce SMVM. Le manque de précisions sur la vocation des prés salés ouest ou encore les problèmes posés par le dragage d’un port au Lapin-Blanc figurent toutefois parmi des points à régler, souligne le préfet. Ces habiles équivoques administratives, cependant,  ne rassurent pas du tout AUPORT et ses alliés. 

Nous voici en 2001, année électorale communale. Le docteur Claude Espied lance l’attaque dès le mois de janvier et, arguant de la lettre du préfet citée plus haut, il déclare, péremptoire : “Un port d’échouage et un port à sec se feront au Lapin-Blanc et le site des prés salés sera aménagé avec plage et promenade ”. Le verdict des urnes en décidera autrement ….

Lorsque paraît un nouveau projet de  SMVM en juin 2001, il contient cependant une surprise : sa légende signale qu’un port pourrait se creuser en plein milieu des vasières des prés salés.  Preuve que la longue lutte pour la défense du domaine public maritime n’est pas finie. Une bonne occasion pour l’AFVAT de relancer  son offensive avec des capacités de port revues à la baisse et un aménagement plus léger de sa partie est. Le  nouveau maire de La Teste, le docteur Jean-François Acot-Mirande, qui souhaite la sortie tant attendue du SMVM demande “que l’on mette dans ce document des clauses spécifiques pour les prés salés où, en raison de la fragilité du site, l’on ne peut faire n’importe quoi”. 

Une autre histoire a ainsi commencé. La précédente aura  été exemplaire d’une évolution qui, en la fin du XXe siècle, a opposé les conceptions de deux formes de tourisme, celle qui, bétonnage et goudronnage à l’appui, a fait florès depuis 1950, sans doute inspirée par des gens de bonne foi et celle qui veut laisser fleurir la nature maritime et mettre la richesse humaine  au centre des aménagements des rivages.

Mais l’essentiel de cette longue lutte a été dit lorsque le professeur Gérard Marty a déclaré à ses amis du Lapin-Blanc :

– “Il ne faut pas faire fi du vaste mouvement d’opposition qui se dessine contre une mondialisation basée sur le profit immédiat et sur le sacrifice de l’avenir.” 

Aujourd’hui, en pleine crise économique et sociale et alors que la planète tremble sur ses bases, on peut évaluer où se situait, déjà, la raison, le modernisme et la solidité de l’avenir … C’est pourquoi, ami promeneur, pour l’instant, tu peux marcher tranquille sur les chemins ouverts à tous dans les prés salés testerins. Voilà presque la fin de notre première promenade. Presque, parce que ces prés salés ont vu, en plus de tout, naître l’une des rares communes libres de l’histoire du Bassin. En attendant, promenez-vous bien …

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Aimé

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