Chronique n° 138 – Un tiers de siècle au pouvoir

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Il y a eu dans l’histoire d’Arcachon, les vingt-cinq années de l’ère Veyrier-Montagnères. Au lendemain de la Libération, commencent les trente-deux ans de mandat de Lucien de Gracia. Un tiers de siècle qui va profondément marquer l’aventure de la ville. Il y naît en 1896, dans une modeste famille du centre-ville. Instituteur, titulaire de deux titres universitaires, dont un certificat de licence de psychologie, il se tourne vers une carrière commerciale. Elu conseiller municipal en 1938, lorsqu’André de Fels est maire, il est comme lui, révoqué de cette institution par le gouvernement de Vichy.

Il participe à la Résistance. Pour le journal “La Résistance de Bordeaux et du Sud-Ouest”, qui le soutiendra politiquement, cet adjoint au chef de la Résistance du secteur du Bassin « crée un célèbre groupe de parachutage, fait effectuer des sabotages, fait passer des jeunes en Afrique du Nord et dans le maquis et à deux reprises différentes, échappe de justesse à l’arrestation par la Gestapo ». Robert Duchez, au cœur de cette résistance arcachonnaise et cité par Jacques Ragot, écrit plus simplement : « De Gracia, qui a eu un contact avec un service de renseignements, à son tour, forme un groupe ». Deux versions ! Toutefois, il faut noter que Gracia est titulaire de la Médaille de la Résistance mais qu’il s’est montré publiquement très discret sur cette période.

Nommé délégué politique dans le groupe de FFI, chargé en 1944 d’administrer la commune dans la Délégation spéciale, il est élu maire sur une liste socialiste SFIO, par vingt-cinq voix sur vingt-six votants, le 18 mars 1945. En septembre 1945, toujours sous la même étiquette, il est élu conseiller général avec 2 436 voix, devant … Marie Bartette, revenue de déportation, qui en obtient 1 082. Dès lors, sa carrière politique est lancée. En 1948, sous la bannière du RPF, le Rassemblement du peuple français, créé par le général de Gaulle, il est élu au Conseil de la République, le nouveau nom du Sénat. Il y reste jusqu’en 1951 et siège dans trois commissions intéressantes pour Arcachon : celles de la pêche, des transports et du tourisme et celle des autorisations pour les jeux, la généreuse manne des stations balnéaires. Le 17 juin 1951, il figure en troisième position sur la liste RPF pour les élections législatives, conduite par Jacques Chaban-Delmas qui, avec 38 % des voix, obtient trois sièges. Voilà de Gracia député de la Gironde.

À l’Assemblée nationale, il retrouve ses spécialités : la marine, les autorisations des jeux, les transports et, notamment, les PTT où il demande l’augmentation des effectifs et des moyens. Il est vrai qu’en 1954, en plein été, il faut souvent plus d’une heure pour obtenir une communication entre Arcachon et Paris. À la Marine, de Gracia protège le régime fiscal des ostréiculteurs et la taxation des produits ostréicoles. Lors des grosses tempêtes locales de 1951 et 1952, il obtient des secours importants pour les sinistrés de Gironde. Autant dire, qu’il s’occupe de très près d’un Bassin où il règne en maître politique, sachant avec habileté flatter, honorer, neutraliser et aider les maires des communes riveraines. Gaulliste des plus convaincus, il se montre régulièrement opposé à l’Europe. Il vote contre la Communauté européenne du charbon et de l’acier, en 1951 et contre la Communauté européenne de défense, en 1954. En 1955, il refuse la confiance à Pierre Mendès-France et il vote l’état d’urgence en Algérie.

Alors qu’Arcachon, en cette année 1956 est recouvert pendant huit jours sous un mémorable mètre de neige, des élections législatives ont lieu en janvier 1956. De Gracia, toujours troisième sur la liste de Chaban-Delmas, y perd son siège. Il lui manque les 30 000 voix obtenues par le mouvement de Pierre Poujade, l’actif démagogue, chef d’un mouvement défenseur contre le fisc des petits commerçants et particulièrement vigoureux sur le Bassin. Mais, le 23 novembre 1958, le général de Gaulle étant revenu au pouvoir, Lucien de Gracia est de nouveau élu député. Il le reste jusqu’en 1962, date où il est battu par Franck Cazenave, maire de Belin-Béliet. Le voilà victime, entre autres causes, de la rivalité larvée mais bien profonde entre centristes et gaullistes. Victime aussi de la méfiance plus ou moins affirmée que les communes de la septième circonscription manifestent contre l’hégémonie arcachonnaise, la ville pesant du poids de sa réputation, de son poids fiscal et de ses 16 000 habitants.

D’ailleurs, il faut attendre le 19 mars 1978, pour qu’à nouveau, un maire d’Arcachon, Pierre Lataillade, gaulliste, soit élu député, Franck Cazenave étant décédé en cours de mandat en 1974. Mais après le passage du socialiste Kléber Haye, élu dans l’élan de François Mitterrand, de 1981 à 1986, c’est encore un centriste, Robert Cazalet, maire UDF de Lège-Cap Ferret qui reste “L’empereur du Bassin” jusqu’en 1997. Quant au bilan local de Lucien de Gracia, c’est encore une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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