Chronique n° 111 – Un maire surprenant

Imprimer cet article Imprimer cet article

Arcachon entre dans une ère nouvelle avec l’élection de son maire, James Veyrier-Montagnères. On sait beaucoup de détails sur son mandat, grâce à la biographie, fort admirative, dressée par M. Canton, conseiller municipal et son chef de cabinet bénévole. Et d’abord, qu’il est chaque fois réélu triomphalement, jusqu’à sa démission en 1922, après vingt-cinq ans d’activité, alors qu’il atteint les soixante-dix ans et qu’il a dû juger qu’il ne fallait pas effectuer ce fameux “mandat de trop”, celui qui a terni la réputation de beaucoup d’élus. Ce républicain est assez convaincu des vertus du système pour fonder à Arcachon une section de l’Association républicaine de la Gironde ou pour présider une réunion de la très laïque Ligue de l’Enseignement.

Enfin, il a toujours manifesté un souci réel d’associer le développement économique de sa ville, à une défense des intérêts de la communauté locale, associant au paternalisme et à l’opportunisme, un sens certain de la justice sociale qui lui fait déclarer : “Je suis de ceux qui croient que ceux qui possèdent doivent se servir de leur fortune pour être utiles à leurs concitoyens”. Et il ajoute : “Il est très beau de savoir gagner beaucoup d’argent sur les populations des pays qu’elles habitent mais il faudrait aussi faire un peu de participation avec ces populations”. Transmis, post-mortem, aux gérants des fonds de pensions ou aux parachutistes dorés.

Quoi qu’il en soit, il s’intéresse de près à l’éducation, Arcachon possédant depuis le 1er janvier 1874, l’enseignement gratuit dans ses écoles primaires. Veyrier-Montagnères favorise la création d’une école régionale de pêche et de navigation, prélude à l’actuel lycée des métiers de la mer ; il offre des soirées récréatives aux écoliers, il encourage l’Œuvre postscolaire municipale, ancêtre du Centre de formation des adultes ; il s’intéresse aux colonies scolaires de vacances en 1906 et à la Société de patronage des écoles. En 1908, il fait construire une pouponnière, boulevard Deganne. Il favorise le développement des sports mais, par contre, il échoue dans le projet de fusion des deux sociétés de gymnastique, “Les Enfants d’Arcachon”, qu’il préside et “Tout pour la Patrie”, fondée par le docteur Festal, chef de file de son opposition.

Veyrier-Montagnères intervient aussi dans le domaine social. Il défend les pêcheurs de crevettes auxquels on refuse le droit de les pêcher en les draguant dans les chenaux, ce qui ferait aujourd’hui hurler d’horreur les défenseurs de l’environnement. En septembre 1900, éclate une dure grève des marins des quatre Compagnies de pêche d’Arcachon. Veyrier-Montagnères, désigné comme médiateur et bien qu’administrateur des Pêcheries de l’Océan, réussit à obtenir des avantages pour les deux cents grévistes. Le soir même, il les convie à l’apéritif ! Ce qui révèle d’un grand art politicien mais aussi d’un intérêt pour une justice sociale, encore très fragile à l’époque. En février 1901, le maire fait distribuer des vivres à des ouvriers, au chômage à cause d’une forte vague de froid. En décembre 1903, après avoir présidé le banquet de la fête des facteurs des PTT, il pousse à la création d’un syndicat local des marins et des pêcheurs ainsi qu’à la naissance de l’Union syndicale des ostréiculteurs. On le voit aussi monter au créneau pour lutter contre la vie chère. En février 1908, il taxe le prix du pain et fait contrôler le poids des “miches”. En janvier 1911, devant la faillite des “Pêcheries du Golfe de Gascogne”, aggravée par le mauvais temps qui perturbe la pêche, la mairie assure le paiement des salaires et distribue vingt mille soupes en deux mois et demi, pour quatre cents familles. Début août 1921, la population se plaint vivement d’une hausse exorbitante des denrées alimentaires, notamment de la viande, qui s’explique par l’arrivée des “ estrangeys ” que l’on compte bien exploiter un petit peu. Une technique encore très au point de nos jours. Veyrier-Montagnères taxe le prix de la viande. Les bouchers refusent. Le maire organise un ravitaillement direct. Les bouchers ferment leurs boutiques mais capitulent au bout de deux jours et appliquent les prix fixés par la mairie. Même phénomène avec les tarifs du poisson. Le maire, bien placé pour le faire, organise donc avec les représentants des trois pêcheries d’Arcachon, le 24 août, une vente directe au détail de leurs produits. Devinant un danger imminent pour leurs étals, le 25 août, les marchands de poissons acceptent de se conformer aux prix affichés par les soins de l’autorité municipale, à l’entrée du marché.

Quant à l’épouse du maire, Mathilde, elle est nommée Chevalier de la Légion d’honneur, en janvier 1922, pour avoir, pendant vingt ans, dit sa citation, “Soulagé toutes les misères avec générosité (…) dans une lutte incessante contre les fléaux sociaux”. A son décès, le 2 février 1925, son époux lègue un grand immeuble de la rue du Casino à la Croix-Rouge, où elle se trouve toujours installée. Reste maintenant à évoquer les grands travaux menés par Veyrier-Montagnères. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

Images liées:

Aimé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *