Chronique n° 066 – Les maires valsent

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Les cent soixante-quatre pages de diatribes de Lamarque contre Deganne lui valent cinquante-sept pages de réponses. Tout y passe. Par exemple et en substance : Lamarque est satanique car il se réjouit de la mise en prison du journaliste Jean Lacou. Lamarque ne s’est intéressé au boulevard de ceinture Est que quand il n’a plus rien eu à améliorer à l’ouest, où il habite. Lamarque n’a que deux conseillers de sa municipalité sur dix qui habitent à Arcachon, toute l’année. Et, suprême attaque : Lamarque n’a pas eu l’idée du rachat des droits d’usage.

Cette superbe polémique aurait pu durer très longtemps. Mais voilà que l’abbé Mouls, fidèle allié jusque-là de Lamarque, l’abandonne, le critique et, sans doute sensible au grand orgue que lui offre Deganne, alors qu’il s’échine à quêter dans toutes les bonnes maisons, pour payer l’instrument. De plus, Mouls estime que Lamarque manque d’ambition pour sa ville. L’abbé lui trouve vite un successeur : le vicomte Héricart de Thury. Il l’appâte en lui expliquant que, devenu maire d’Arcachon, il pourra plus facilement poursuivre ses recherches sur l’ostréiculture. Durant toutes ces tractations, la tension reste si vive qu’en 1864, le château Deganne est pillé. Finalement, Héricart, homme nouveau, appuyé par Mouls, l’emporte aux élections de septembre 1865. Deganne, enfin triomphant, entre au conseil municipal et avec lui, l’obédience Pereire, cause principale de toutes ces disputes.

Mais ne fait que débuter une longue période de vie municipale troublée, liée à une situation politique nationale très instable et à une économie locale en expansion, donc toujours pleine de rivalités intéressées, auxquelles s’ajoute, formant le premier détonateur, le désir de revanche du clan Lamarque contre le clan Pereire. Dans cette atmosphère, quatre ans suffisent à Héricart pour apprécier tous les charmes de sa fonction. Mauriac le remplace mais, en 1870, à la chute de l’Empire, le gouvernement provisoire le démet et installe dans son fauteuil … Deganne.

Son bonheur, tant attendu, ne dure qu’une petite année puisque Mauriac revient pour trois ans. Et voilà qu’après l’intermède Lafon qui s’étend sur à peine neuf mois, Lamarque retrouve son fauteuil jusqu’au 7 octobre 1876. Puis, retour de situation, Deganne le bat. Mais il rencontre très vite une vive opposition si bien que, le 25 juillet 1880, il démissionne.

Six mois plus tard, son vieil adversaire, Lamarque décède. Visiblement inspiré par Deganne, son journal “L’avenir d’Arcachon” écrit : “M. Lamarque de Plaisance était un esprit supérieur doué de grandes qualités administratives et que nous avons regretté de ne pas compter parmi nos amis politiques”. Il est inhumé dans le cimetière d’Arcachon où sa tombe indique qu’il reste, pour l’éternité, le père de la cité. Deganne, lui, meurt le 10 octobre 1886. Sur son lit de parade, exposé dans son château, il porte sa croix de la Légion d’Honneur. Sa citation déclare “qu’il a puissamment contribué à la création et à l’embellissement d’Arcachon dont il a fait une des plus importantes stations balnéaires”. Deganne est inhumé à Vertus dans la Marne.

On ne saurait mieux, ici, lier l’histoire commune d’Arcachon et de La Teste. Hélas ! Onze ans après, le cimetière testerin est désaffecté et l’on ne trouve plus aucune nouvelle concession au nom de Deganne, ni à Arcachon, ni à La Teste. Et pour cause : les cendres d’Adalbert Deganne reposent dans son village natal, alors qu’il aurait bien fallu qu’elles restent mêlées au sable de cette cité, qu’autant que Lamarque, il a beaucoup aimée. En admettant que cela ait de l’importance, la postérité a-t-elle désigné ainsi, par une tombe, le père d’Arcachon ? Ce n’est pas sûr du tout puisque Deganne avait prévu l’essentiel dans sa devise : “Virtus post funera vivit”, le mérite dure après la mort. À bientôt …

À suivre…

Jean Dubroca

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