Chronique n° 038 – Un corsaire jette l’ancre

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Lorsqu’en septembre 1809, la “Joséphine”, en provenance de l’île Maurice, fait escale à Arcachon, en débarque un jeune normand de vingt ans, nommé François Legallais. Le hasard, ou plutôt le destin, le mènent ici, venant d’un bâtiment dont l’équipage compte cinquante corsaires de quatre nationalités et qui n’a pu pénétrer dans la Gironde à cause de vents mauvais. Legallais, qui est allé jusqu’en Inde, navigue depuis l’âge de 16 ans, comme aide-timonier, sur dix bâtiments de commerce, dont le dernier, armé en course, depuis plus de deux ans Il éprouve, on le comprend, le besoin de poser un peu son sac.

Il en profite pour épouser une Testerine, le 20 mars 1811. Elle s’appelle Marie-Angélique Dehilotte Philis et apporte en dot une belle pièce de pins située à Eyrac. Lui, devant le notaire Baleste-Marichon, se déclare “Officier marin”. Huit mois plus tard, le même notaire en fait un “maître de barque” et en 1824, un autre notaire le déclare “capitaine de navire”. Sa légende commence ainsi à se former car, en fait, il n’est officiellement diplômé “maître de cabotage” que depuis le 2 décembre 1812. Ce qui lui permet de commander le chasse-marée “Jean-Placide”, un petit caboteur rapide. Pas de chance : il sombre et avec lui son capitaine. Mais Legallais échappe au naufrage et revient à La Teste. le 21 janvier 1813 et commande à nouveau un chasse-marée, “Les Deux Frères”, à partir du 21 avril 1813.

Il gagne assez d’argent pour que, le 15 août 1823, jour de l’anniversaire de son épouse, il puisse ouvrir un hôtel-restaurant sur sa propriété d’Eyrac, entre des bouquets de pins et juste au bord de la plage, à l’emplacement de l’actuelle résidence “Les Pêcheries”. Il se compose, après son agrandissement de 1827, d’un rez-de-chaussée, avec salons, cabinet de lecture et de billard et d’une spacieuse cuisine. Un péristyle à quinze colonnes, de style indien, souvenir de voyage, rejoint deux ailes latérales. Les chambres des baigneurs « d’une propreté remarquable », affirment les clients, offrent un ou deux lits excellents. Quant aux chambres du haut, dit Jacques Aragot, « elles forment un belvédère élevé d’où l’œil admire le superbe Bassin d’Arcachon ». Le tout pour une pension de six francs par jour.

Hélas ! En 1843 François Legallais fait faillite ; il reprend courageusement son établissement mais en 1850, avant de mourir en 1864, il abandonne son établissement à son fils aîné, Jean. Lequel y réussit fort bien jusqu’en 1871.

La tombe de François Legallais, au cimetière d’Arcachon, porte une plaque. On y lit : « François Legallais, capitaine au long cours, corsaire, chevalier de la Légion d’honneur ». Rien n’y est vrai. Tant mieux, parce que cette jolie légende convient très bien à la ville. Elle se flatte ainsi d’être née à sa vocation balnéaire à partir des idées et de la volonté d’un marin qui y apporté tous les souffles des mers du Monde. Rome a eu Romus. Nous, nous avons Legallais. On en a fait un corsaire. Tant mieux encore, car cela a de l’allure, que la station naisse sous l’auréole de l’aventure. Mais vivait-on chez Legallais comme sur un navire de la Royale ? C’est une autre histoire.

A suivre…

Jean Dubroca

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Aimé

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