Avec les nombreux impôts à payer, un autre des grands soucis de nos ancêtres arcachonnais, les Bougès, c’est la défense de la frontière, une action dans laquelle ils ont montré de la détermination. Certes, pas pour la lointaine ligne bleue des Vosges, comme on le dira bien plus tard. Notre frontière à nous, c’est, depuis toujours, la côte maritime, la petite mer de Buch ayant en permanence attiré des convoitises militaires, du fait de sa situation géographique. Car, pour réussir un débarquement, le meilleur moyen, c’est encore de disposer d’un port. Churchill le savait bien… Le port d’Arcachon, très sûr, ouvrirait tout droit le chemin de Bordeaux pour quelque malfaisant qui voudrait s’en emparer. Fort heureusement, les passes, mal connues des amiraux chamarrés, constituent un solide rempart naturel.
Le danger d’invasion de Bordeaux par la mer ne peut donc venir, dans un premier temps, que de la côte océane, la plus proche de la capitale de l’Aquitaine et du havre d’Arcachon : c’est à dire, entre Moulleau et Pilat. De là, quelque corps franc audacieux tomberait sur La Teste et convaincrait, au besoin à grands coups de pied dans le derrière, des marins qui connaissent bien les passes afin d’y guider les bateaux ennemis. D’où d’infinies précautions prises très tôt puisque André Rebsomen rappelle qu’en 802, déjà, Charlemagne créé le guet de mer et que l’embouchure de l’Eyre n’y échappe pas. Au XIIIe siècle, à Lège et à Certes, on a dressé des postes de défense, sans compter la forteresse testerine déjà évoquée. Car les invasions n’ont pas manqué durant le moyen âge. Mais elles menacent toujours aux temps modernes. Si bien que de 1635 à 1643, le duc d’Épernon, gouverneur de Guyenne, installe des postes de guet dans les dunes pilataises. En 1653, les partisans de la frondeuse princesse de Condé -le prince méditant sur les risques de l’ambition dans les prisons de Mazarin- s’emparent du château de La Teste. De 200 à 500 mercenaires irlandais, au service des Espagnols, alliés des frondeurs, contrôlent le port d’Arcachon, sans coup férir et y débarquent. Mais, faute d’un bon guide, ils s’embourbent dans les marécages qui entourent La Teste et, contrairement à la cavalerie US, ils arrivent trop tard sous les murailles du château testerin. Si tard que le sieur de Ruat, capitaine du roi, appuyé par des milices paroissiales, a déjà égorgé toute la garnison.
En 1666, des vaisseaux anglais forcent les passes du Bassin, Louis XIV étant en guerre avec eux depuis le début de l’année. Mais que faisaient donc les garde-côtes recrutés d’office parmi la population depuis 1616 ? Et que vouliez-vous donc qu’ils fissent, les malheureux ? Ils s’époumonaient à courir sur la terre sableuse tandis que les navires de guerre les narguaient en pleine eau. D’où, en 1721, la décision royale de tenter de remettre un peu d’ordre dans les rangs en créant une compagnie de deux cents hommes. On a beau être en pleines amours franco-anglo-espagnole, le Régent n’a guère confiance.
En 1758, on y ajoute six compagnies de cinquante dragons à cheval. Il les faut bien car c’est la pleine guerre de Sept ans et les Anglais ont déjà fait plusieurs tentatives de débarquement en divers lieux. Et le 15 décembre 1778, une ordonnance royale lève cent cinquante canonniers. La guerre franco-anglaise a repris depuis le 17 juin. C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca