Après le décès, en 1274, de Pierre Amanieu de Bordeaux, le premier captal de Buch, ses successeurs indirects font d’heureux mariages, du moins sur le plan des affaires politiques. Ainsi, en 1307, la première captale épouse Pierre II de Grailly, appartenant à une grande famille savoyarde. Leur fils se marie en 1328 avec Blanche de Foix, descendante du roi de France mais aussi arrière-petite-fille d’Aliénor d’Aquitaine, celle dont le remariage avec le roi d’Angleterre fait de l’Aquitaine un duché anglais depuis 1154. Il le restera trois siècles durant. Ce qui ne dérange d’ailleurs pas les Aquitains en général, les Bordelais non plus qui font un joli commerce de vin et les Bougès encore moins, pour autant qu’on le sache. D’autant plus que les grandes batailles de la guerre de cent ans se déroulent assez loin du pays de Buch, bien qu’en 1377 des bandes armées ravagent la région, incendiant même la première chapelle Saint Vincent.
Cependant, les captaux de Buch, restent fidèles aux rois d’Angleterre. C’est ainsi que Jean III de Grailly, dit le Grand Captal, connétable d’Aquitaine, époux de Rose d’Albret, est celui que les Français redoutent le plus « pour ses hautaines entreprises » et son compagnonnage avec le terrible Prince Noir. Pourtant et bien qu’à la tête de soudards navarrais, il se fait battre par Du Guesclin en 1364, à Cocherel, près d’Evreux. Pour se faire oublier en France, il prêtre main forte aux chevaliers teutoniques en Prusse afin de mater les Slaves. De retour en France, il massacre un grand nombre de paysans à Meaux pour libérer les épouses royales. Il y a des moments où la défense énergique du système aristocratique passe avant les subtilités politiques.
Néanmoins, Jean III de Grailly sera fait prisonnier par le roi de France en 1372 et il meurt au Temple en 1376, ayant refusé de prêter serment d’allégeance à Charles V. Bel exemple de ténacité aquitaine… C’est incontestablement une figure de légende parmi ces captaux de Buch qui ont porté des noms célèbres : Foix-Grailly, Foix-Candale (de la lignée de Gaston Phébus), Civrac ou Ruat. En 1453, les Grailly paient leur fidélité aux Anglais : Charles VII confisque leurs biens. Ils ne les retrouvent qu’en 1462, les conservant jusqu’à la première révolution, alors qu’ils vivent au château de Ruat que l’on peut toujours voir au Teich.
Le Pays de Buch sort amoindri de la guerre de cent ans et, pour attirer de la main d’œuvre, le Captal Jean-François de Candale accorde ces fameux droits d’usage dans la forêt testerine par la baillette de 1468. Mais voilà qu’un autre captal de grande lignée, Jean-Louis de Nogaret, duc d’Epernon, gouverneur de plusieurs provinces et grand amiral de France, vient à La Teste en 1587 et se met dans l’idée d’abolir la baillette de 1468. Le malheureux ne sait pas qu’il s’attaque à la fibre même de la vie des Bougès et, tout grand amiral qu’il soit, il doit baisser pavillon devant la farouche détermination des Bouges qui n’ont pas une vie bien facile et auquel la forêt, avec ses droits d’usage apporte beaucoup ! On l’a déjà raconté mais il faut insister sur cet attachement aux droits d’usage car ils joueront un rôle important lors de la fondation d’Arcachon, bien qu’au début du XIXe il se soit bien émoussé, face aux pressions sociales et politiques du moment. C’est, évidemment, une autre histoire.
À suivre.
Jean Dubroca