En ce premier siècle de notre ère, voilà la forêt arcachonnaise entrée dans la “pax romana”. À ce moment-là, depuis quatre cents ans, le Bassin a évolué vers sa forme de petite mer et depuis 200 ans, les Boïates, peuple tout à fait aquitain, gèrent le commerce du sel tiré de la mer et celui de la poix, venu de la résine des pins. Si bien que, depuis au moins cinquante ans, le Bassin semble prospère. Ressources de la forêt, de la mer, élevage, culture, petite industrie du fer et peut-être même des relations maritimes avec l’Espagne, tout cela fait vivre un petit nombre d’habitants. Suffisamment, en tous cas, pour qu’ils fondent une cité. Elle s’appellera Boios, au lieu-dit actuel Lamothe, sur la commune du Teich. Portant le nom du groupe humain les Boïates, Boios s’est implantée entre la rive droite de l’Eyre et le ruisseau d’Arneyre, dans une île créée par le delta naissant, au début de notre ère.
Ce qui laisse les spécialistes sceptiques sur l’affirmation du docteur Peyneau qui voyait dans le second bras de l’Eyre, qui s’appelle l’Eyga, le port intérieur et l’avant-port de Boios. Ce qui est certain, ce que Boios se développe. A la fin du troisième siècle, l’itinéraire d’Antonin cite cette ville, située sur la route qui relie Bordeaux à l’Espagne. Plus tard, un nommé Paulin de Nole, et saint de surcroît, donc point menteur, écrit à Ausone à la fin du IVe siècle « qu’il peut lui parler de la poisseuse Boiï ». A la même époque, les Romains décident d’y voir un peu clair dans leur organisation administrative. Ils recensent alors toutes les cités de la Gaule. Dans la notice qui en sort, on trouve bien « Civitas boatioum », faisant partie de ce groupement dit des « Neuf peuples ». Un groupement finalement parachevé à la fin du troisième siècle, par ceux qui ont fait des pieds et des mains afin de ne pas être confondus avec les Gaulois. Ils y ont quelques raisons de prudence puisque plusieurs mouvements ont soulevé des Gaulois contre Rome, en 30 et en 60, pour une délicate question de tributs trop lourds et qui finit par des horions.
Rien de tout cela en Aquitaine où Rome étendra ses bienfaits. Gouverner l’Aquitaine devient même un poste de faveur et résider à Burdigala est un honneur. Mais fort rentable car le commerce du vin y assure déjà de juteux profits aux vignerons, aux militaires et aux politiques, tous sujets ou loyaux représentants de l’empereur. Dans les cités, on organise des élections annuelles. La romanisation se fait donc tout doucement. Par exemple, dans un domaine toujours fort délicat, celui de la religion. Ici, les dieux romains cohabitent avec les dieux gaulois. Si Mercure, dépassant Jupiter, devient la tête de liste des divinités gauloises, on continue d’adorer le vieux dieu gaulois, campé comme un bouddha, accompagné d’un serpent à tête de bélier et exhibant le torquoes, un collier métallique. De plus, au début du troisième siècle, comme en d’autres parties du sud la Gaule, des divinités égyptiennes sont vénérées un peu partout en Aquitaine. Preuve de l’ouverture d’esprit qui règne dans cette région. Les Romains, aussi fort habiles colonisateurs que bons plombiers, donc très réalistes, ne font pas une fixation sur les croyances religieuses pourvu que la paix règne et que les affaires marchent. Sauf quand le christianisme s’étalant, ils en feront une affaire d’État. C’est une autre histoire.
À suivre …
Jean Dubroca