Arcachon est né du sable et de la forêt. Mais ces deux richesses, auraient-elles toute la valeur du minéral et du végétal rassemblés, ne seraient que petite monnaie si, sur le Bassin, elles ne se conjuguaient parfaitement avec la mer, « qu’elles semblent appeler », disait Mauriac. Ah ! Ce Bassin ! Tout le monde en parle, les savants, les touristes ou même les journalistes. Mais surtout les poètes, inspirés, comme écrivit Jules Michelet, par cette « antichambre de l’Océan », décorée avec le luxe incroyable de toutes les couleurs du ciel.
Écoutez-donc André Armandy : « Au coucher, les dunes incendiées passent du blanc éblouissant au rose, du rose au pourpre, du pourpre au mauve et du mauve à l’outremer. A cette heure-là, le bleu du Bassin décline en turquoise mourante et chaque vaguelette enferme en son repli une pincée de ciel. Bleu serti d’or, dans son écrin de forêt toujours vert, le Bassin a la quiétude d’un beau lac italien ». Armand Got voit dans le Bassin « une anse d’or où s’endort l’Océan apaisé » et François Mauriac, au Moulleau, observe, à marée montante « une mer d’un vert pâle, là où ont disparu les dos fauves des dieux « .
Joseph de Pesquidoux navigue, le soir venu, devant Arcachon, il raconte : « le soleil descendant couvait la ville de rayons obliques, de longs faisceaux qui allaient chercher tout ce qui pouvait reluire et s’allumer : les pierres polies par la vague ou lavées par la pluie, les bandes métalliques des toitures, les troncs blancs des platanes perdus parmi les pins si bien qu’Arcachon paraissait flamber, prise d’incendie et de longs cordons de feu couraient partout. Je croyais longer quelque autre Corne d’or, surgie là comme dans un Conte des Mille et une Nuits ».
Pour Gilbert Ganne, les lueurs caniculaires du Bassin ouvrent de lointains horizons : « sur le flanc de la dune, sur cette enclume chauffée à blanc, le soleil abattait son marteau silencieux. L’on eut dit que le fleuve de feu endigué par les échoppes de la ville lointaine débouchait dans cet estuaire avec volupté. L’eau était verte, vivante, ornée de flocons blancs. Un chalutier aux flancs luisants tentait une sortie, étoile filante à queue de mouette ».
Quant à Claude Vincent, pour lequel les lueurs du Bassin « ont une lumière qui est celle même de Claude Lorrain », elles le charment quand il s’apprête à l’automne. « C’est d’abord la lumière qui change, amorçant une évolution vers des ciels moins vifs, des aurores que le brume atténue, des soleils couchants qui se déroulent avec moins de feu mais davantage de langueur, le jeu complexe des rouges, des mauves, des roses, organisant comme chaque soir depuis la nuit des temps depuis le commencement du monde la sombre victoire de la nuit ». Décidément, ce Bassin qu’ils imaginent éternel, il en fait voir de toutes les couleurs aux écrivains. Et pourtant, il est presque tout neuf. Mais c’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca