Chasse maritime
On lit dans la Revue Ostréicole du 15 janvier [1896]: Plusieurs de nos confrères de la région ont reproduit un article publié par l’Avenir d’Arcachon, relatif à la chasse maritime. D’après notre confrère arcachonnais, cette chasse est absolument gratuite et tout le monde peut s’y livrer. Notre confrère a dû s’inspirer de l’arrêt de la cour d’Aix, 12 mars 1856. Mais à la suite de plaintes nombreuses, par circulaire ministérielle du 23 septembre 1864, la réglementation de cette chasse est dévolue aux préfets maritimes ; cette même circulaire interdit d’une façon formelle la chasse de nuit principalement dans le bassin d’Arcachon. À une certaine époque, quatre chasseurs vendéens marins inscrits furent pris en délit de chasse et condamnés ; ils ne payèrent pas l’amende, car le ministre de la marine demanda à son collègue de la justice de bien vouloir la leur enlever, établissant la bonne foi de ces marins, qui croyaient à la liberté de la chasse sur le domaine public. »
Plus récemment, le tribunal de Marennes (2 décembre 1895 a condamné le sieur Perron pour délit de chasse dans les marais.
À notre avis, on doit se conformer à la loi du 3 mai 1884, où il est dit que nul ne peut chasser sans être pourvu d’un permis ; et si, dans sa sagesse, l’administration de la marine accorde à ses marins, en raison des services rendus, des concessions de terrain pour prendre les canards aux filets tendus sur des perches, ce n’est pas pour que des chasseurs, braconniers pour la plupart, viennent toutes les nuits chasser sur ces concessions ou dans les esteys voisinants et empêchent le gibier de se prendre aux filets.
Tout le tour du bassin, principalement de La Teste à Ares, on ne voit que des tonnes d’où, toutes les nuits, le gibier est chassé au fusil. Il est évident que cela porte un tort considérable à nos marins, tout en violant les instructions ministérielles et préfectorales.
Nous appelons la bienveillante attention des autorités sur ces faits, au nom des concessionnaires. »
Notre bonne foi nous a fait un devoir d’insérer la rectification de notre excellent confrère M. Sépé. Notre article était erroné, et surtout incomplet. Le sien doit peut-être aussi être complété.
Donc nous ajoutons ceci : La loi de 1844, pas plus que celle de 1884, réglementant la chasse terrestre, ne sont applicables à la chasse maritime.
En matière de chasse maritime sur le bassin, le principe est celui-ci : Le jour, on peut chasser sur le bassin d’Arcachon et sur toute l’étendue du domaine maritime, c’est-à-dire sur le terrain du rivage qui est laisse de haute mer pendant les grandes marées de mars.
La circulaire du 23 septembre 1864 renvoie en termes formels la réglementation de la chasse maritime au Préfet maritime, et rappelle l’article 269 du décret-loi du 4 juillet 1853, qui défend la chasse de nuit, avec armes à feu, sur toute l’étendue du bassin d’Arcachon.
En cas d’infraction aux règlements de chasse maritime, les procès-verbaux peuvent être faits d’abord par les agents maritimes, et ensuite par la gendarmerie.
Enfin les restrictions au principe posé plus haut résident dans l’arrêté du 12 janvier 1870, et dont voici le texte :
ARRÊTÉ :
Le vice-amiral préfet maritime,
Vu la loi du 9 janvier 1852 sur la pêche côtière ;
Vu le décret du 4 juillet 1853, spécialement le titre 29, sec t. 3, réglementant la chasse ou pêche du canard sauvage dans le bassin d’Arcachon ;
Vu l’article 10 de la loi du 10 mai 1862 ;
Vu la circulaire ministérielle du 23 septembre 1864 ;
Vu l’arrêté préfectoral du 21 octobre p 1864.
Rappelle au public :
1° Que la chasse avec armes à feu pendant la nuit est interdite dans toute l’étendue du bassin d’Arcachon (art. t 260 du décret du 4 juillet 1853) ;
2° Que l’accès des crassats où sont tendus les filets à canards est interdit soit à marée basse, soit à marée haute, à toute personne chassant avec des armes à feu (art. 1 de l’arrêté préfectoral du 21 octobre 1884).
Arrête en outre :
Article premier. — La chasse avec des armes à feu ne peut être faite pendant le jour, dans le bassin d’Arcachon, qu’avec des armes chargées à plomb. Le tir à balle est absolument interdit ;
Art. 2. — Les contrevenants à l’article 269 du décret du 4 juillet 1853, à l’article 1 de l’arrêté préfectoral du 21 octobre 1864 et au présent arrêté, seront passibles des peines prévues par l’article 8 de la loi du 9 janvier 1852 (emprisonnement de deux à dix jours et amende de 5 à 100 fr).
Art. 3. — Le chef du service de la marine à Bordeaux et le Commissaire de l’Inscription maritime à La Teste sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l’exécution du présent arrêté.
Signé : MAZÈRES.
L’Avenir d’Arcachon du 19 janvier 1896
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5430135b/f1.image.r=chasse?rk=21459;2
Chasse au renard
La chasse au renard, si chère aux anglais, vient d’être ouverte à Arcachon
Voici, sur ce sport national de nos voisins d’outre-Manche, quelques détails particuliers feront mieux connaître ce qu’est cet amusement dont on a beaucoup parlé, mais qu’on n n’a pas décrit topiquement.
Voici comment cela se passe. D’abord, les chiens n’appartiennent pas à un seul propriétaire. La meute est entretenue par le Comité ou la province, comme on voudra.
La passion du fox-hunting est plus violente dans certaines régions que dans d’autres. La contrée où elle est la plus vivace est le centre du royaume, le Leicestershire.
On trouve sur place des renards, de beaux renards rouges. Seulement il faut dire qu’on en garde la race avec une attention jalouse et des soins véritablement maternels. Chaque propriétaire qui veut s’offrir le plaisir de donner le rendez-vous chez lui, possède non loin de son château un cover, c’est-à-dire un couvert, où l’on arrive à centraliser les renards et à leur faire établir leur terrier. Là, ils sont les maîtres. Ils peuvent en sortir pour dévaster tous les poulaillers, toute la volaille qui leur plaira de détruire. On indemnise tous les paysans. L’animal au museau pointu est devenu tellement sûr de l’impunité, qu’on l’a vu s’attaquer jusqu’aux moutons. Il les mange ma foi de fort bon appétit. De temps en temps même, lorsqu’il est fatigué et mal disposé, on chasse de son côté quelques poules, quelques canards, afin qu’il puisse les attraper sans trop se déranger. C’est une existence charmante tant qu’on ne le chasse pas.
Le renard est, les trois quarts de l’année, aussi sacré pour les Anglais que l’était le chat pour les Égyptiens. Lui faire le moindre mal est un crime pour un manant et un ridicule pour un gentleman.
En somme, le jour des courses d’Epsom est peu de chose, parmi les classes supérieures, auprès de celui du premier rendez-vous de la chasse au renard. Ni l’âge, ni le rang n’y font rien. Le meeting — le rendez-vous — est bien au complet vers dix heures du matin. Dans le hall de la maison qui reçoit, une immense table est dressée. Les amazones abondent, car beaucoup de dames et de demoiselles suivent la chasse à cheval. Les hommes portent ce qu’on appelle aujourd’hui le melton coat. C’est un veston sombre, taillé dans un drap spécial. Il n’y a d’obligatoire que le chapeau à haute forme les bottes à revers. Le chapeau est fabriqué exprès pour ces sortes de circonstances. Il serait beaucoup trop lourd pour être porté en temps ordinaire. Mais ici, il doit présenter une résistance peu commune, vu les renfoncements sans nombre dont il doit être l’objet. Il roule sur la grande route, il heurte la maîtresse branche d’un arbre planté juste au bord de la haie qu’on saute ; on ne sait comment il en revient. Très peu portent le costume rouge. L’habit rouge dénote une prétention, qu’il faut justifier, d’être chasseur émérite.
La chasse commence ! Depuis la veille tous les terriers du cover ont été bouchés par les piqueurs et il est traqué jusqu’à ce qu’il sorte à découvert. Il expie assez ses félicités passées. Il faut dire que la chasse va un train d’enfer. Elle se prolonge souvent pendant vingt milles anglais, et il faut songer que ce mille est d’environ dix-sept cents mètres !
La meute se compose de cent chiens, on en lâche cinquante à chaque journée. Il en arrive à la curée — pauvre curée qu’un simple renard — une vingtaine environ. Quant aux chasseurs, c’est tout au plus s’il en parvient quatre ou cinq, qui ont crevé, pour arriver à ce résultat, des chevaux d’un grand prix. Tous les champs, en Angleterre, sont clos de haies. On saute sans savoir ce qu’il y a derrière. Souvent c’est un large fossé, ou bien un terrain en contre-bas. On voit cela d’ici. Les chevaux sauteurs sont assez rares. Il y a bien les irlandais. Mais ceux-là ne sont habitués à franchir que les murs, et avec une certaine habileté qui ne manque pas de prudence. Ils prennent leur élan, trouvant moyen de s’accrocher des quatre fers sur la crête du mur, et prolongent le mouvement s’il y a lieu. Mais, impossible de prendre pied sur une haie : il faut y aller tête baissée.
Et tout cela finit joyeusement par un grand dîner, suivi d’un, bal avec les belles amazones.
L’avant-dernière chasse au renard a été très animée et a duré près de trois heures, c’est dire suffisamment dans quelles dispositions de vigueur, d’énergie et d’agilité se trouvait la bête chassée.
La chasse a commencé par un drague qui aboutit à la route de Mouleau. Les chiens sont partis avec beaucoup d’entrain sur le drague et ont trouvé le renard qui avait été lancé cinq minutes avant leur départ, leur animation a été alors extrême. L’animal poursuivi de près s’est fait battre, pendant près d’une heure, dans des dunes difficiles et fournies entre la route de Mouleau et la mer. Il s’est décidé alors à traverser la route, a franchi la forêt comme une flèche et se disposait à traverser la voie ferrée de La Teste, mais il a été effrayé par un train qui arrivait. Traqué, serré de près par la meute, il ne peut regagner la forêt, éperdu il se jette dans les jardins et vergers des habitants, toujours suivi par l’équipage ; enfin, épuisé, anéanti il va se blottir dans l’angle d’une maison au fond d’un jardin, où il est pris et mis en morceaux par les chiens. En somme très belle journée : 40 voitures, 50 cavaliers dont 8 amazones et une quinzaine d’habits rouges composaient le brillant équipage de cette chasse.
Le septième rendez-vous aura lieu mardi 24, à 7 heures et demie du matin, à Mouleau pour attaquer aux Quatre-Soeurs (grande forêt).
Quand on lira grande forêt, c’est que ce jour-là on chassera le renard sauvage que la meute cherchera à trouver dans les fourrés de la forêt. Tandis qu’au contraire on chassera au renard de sac, lancé au rendez-vous même sous les yeux des personnes présentes. Le Comité a installé cela de telle sorte afin que sur ceux qui ne chassent pas puissent du moins s’amuser en venant au rendez-vous. Les renards de sac sont quelquefois très vigoureux vu le régime auquel ils sont soumis pendant les 3 ou 4 jours qui précédent la chasse. Ils sont enfermés dans une écurie spéciale pour eux dans laquelle ils peuvent facilement se mouvoir, faire provision de force, et où ils sont nourris d’une certaine manière qui ne tend qu’à leur donner plus de vigueur et à les mettre dans de bonnes conditions de chasse.
L’Avenir d’Arcachon du 22 octobre 1882
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54300409/f1.image.r=chasse?rk=42918;4
La Société des chasses aux renards, dont le précédent master était M. Thurneyssen, et que préside maintenant M. Exshaw, se signale chaque hiver par de brillants exploits. Elle a aussi succédé aux Fox-Hounds, dont les différents masters ont été MM de Courcy, de Guilhemanson, Decauville. » (extrait du guide d’Arcachon par Gabory, 1896)
Voir https://memoiredesequipages.fr/fiche/1491
Messe solennelle
En 1927, en l’honneur de Saint-Hubert, patron des chasseurs, M. le curé de Notre-Dame célébra une messe solennelle devant une noble assemblée, avec accompagnement d’une belle musique, sans compter celle de la meute qui aboyait impatiemment au dehors. Monté en chaire s’adressant aux vaillantes chasseresses groupées à ses pieds, il s’étonna que la femme, faite pour la tendresse, se plaise aux exercices cruels de la chasse à courre qui consiste à mettre à mort une bête inoffensive. Puis il sortit de l’église pour donner aux chiens sa bénédiction.
Ce langage fut diversement apprécié : mon excellent confrère Gilabert l’a qualifié de discourtois. Au contraire, mon éminent collaborateur Guy de Pierrefeux, plein d’admiration, compara l’orateur à Bossuet et demanda pour lui un diplôme d’honneur au président de la Société protectrice des animaux.
Sans prendre parti dans cette querelle, je suis surtout frappé de ce qu’il y eut d’illogique dans la conduite de monsieur le curé. Puisqu’il blâmait le sport de la chasse â courre, le curé ne devait pas bénir les chiens destinés à jouer le principal rôle dans le meurtre – la curée – de la bête inoffensive.
Les chasseresses veulent se venger, dit-on, en envoyant à monsieur le curé un cuissot du premier chevreuil égorgé, persuadées qu’il s’en régalera après avoir versé une larme sur la cruauté féminine. C’est ainsi qu’au printemps dernier, allant déjeuner à La Teste avec une douce jeune fille, celle-ci poussa des cris d’indignation en voyant des agneaux conduits à l’abattoir. Lorsque nous arrivâmes à l’hôtel Ostréicole où nous étions attendus, elle battit joyeusement des mains en lisant sur le menu : Rôti d’agneau. « L’agneau est mon plat favori, dit-elle ; j’adore l’agneau à toutes les sauces. » Elle le prouva à belles dents, comme monsieur le curé montrera, avec des dents peut-être moins belles, qu’il aime le chevreuil, ainsi que la bécasse, le perdreau et le lièvre.
Ce que monsieur le curé devrait flétrir, du haut de la chaire, ce sont les barbares qui massacrent des milliers de petits oiseaux utiles à l’agriculture comme destructeurs d’insectes nuisibles ; notre marché est plein de leurs cadavres pitoyables, maigres, n’ayant que peau et plumes.
Il faudrait flétrir aussi les brutes qui s’amusent à tuer les mouettes et les goélands dont le vol gracieux augmente la poésie de notre bassin. N’étant pas comestibles c’est une barbarie sans excuse.
Sur la côte d’azur il est interdit de détruire les oiseaux de mer. Nous demandons à M. le maire d’Arcachon de prendre un arrêté pour assurer leur protection. En faisant cela, il aurait certainement l’approbation unanime de nos concitoyens et surtout celle de monsieur le curé de Notre-Dame dont le cœur sensible saigne à la pensée du massacre inutile d’êtres que Dieu a créés, non pour la nourriture de l’homme, mais pour l’ornement de la nature.
Albert Chiché, Ancien député de Bordeaux
L’Avenir d’Arcachon du 4 décembre 1927
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5422213f/f1.item.r=chasse.zoom
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Voir http://leonc.free.fr/moulleau/lemoulleau.htm