Petite causerie vespérale où il sera question d’Andernos-les-Bains, de Caouènes, de compatriotes ultra-marins et de gros poissons.
Andernos-les-Bains possède un grand nombre de restaurants, plus ou moins recommandables, certainement car l’occupation principale de celui qui visite cette ville consiste désormais à s’y remplir la panse. Parmi ces restaurants on trouvera, sur la place Louis David, un honnête établissement dénommé La Caouenne… Avec deux « n » et sans accent sur le « e ». Misère, mais il ne faut avoir aucune dignité pour l’orthographier de la sorte et quelle avanie que voilà !
Le Dictionnaire du patois de La Teste par Pierre Moureau, horloger de son état, édité en 1870, est pourtant formel : le vocable « caouène » s’écrit différemment (comme je viens de le faire). Le mot est une altération de l’occitan gascon cavena, dérivé du latin cavus et on ne voit pas pourquoi il faudrait le franciser plus que de raison. Amis HTBoÏates vous ne commettrez plus l’erreur et orthographierez donc correctement « caouène », contrairement au restaurateur andernosien chez qui j’ai déjeuné vendredi dernier.
Mais qu’est-ce qu’une caouène ? Là encore il me faut bouter les approximations et billevesées hors de notre communauté. La compréhension générale du terme correspond désormais aux si photogéniques rides que dessinent les courants dans le sable du Bassin. La chose est en réalité toute autre : « Grand sillon que forme l’océan dans les fonds sablonneux sur le littoral de Gascogne », telle est la définition du dictionnaire que je citais précédemment. La caouène n’est donc pas une bosse, c’est au contraire un creux ! Le terme local « s’encaouèner », signifiant se planter sur une butte de sable, doit conséquemment se comprendre comme sortir de la caouène. Du reste l’étymologie latine cavus (en bon Français « cave ») nous renseigne assez sur sa profondeur.
De l’autre côté de l’Atlantique, les Saint-Pierrais désignent par le terme caouène une très grosse morue. La relation avec nos caouènes bassineyres ne parait pas évidente à première vue. Toutefois, le Dictionnaire des régionalismes de Saint-Pierre et Miquelon nous apprend que ce vocable est dérivé de la « cavoine » des Terre-neuvas, signifiant abondance de poissons et que ce terme est lui-même à rapprocher du « cavaine » normand (endroit poissonneux), déformation du vieux françois « cavain » (Endroit creusé, abrité : Grotte, trou, fosse, ravin, chemin creux). Les caouennes de la petite mer de Buch n’étaient-elles pas également lieux propices pour y foëner soles et plies ?
Les similitudes sont décidemment suffisamment nombreuses pour penser que les rides sableuses arcachonnaises et la grosse morue de Saint-Pierre et Miquelon ont bien une origine commune, même si leur signification a divergé au fil du temps. Il faut remarquer que les Miquelonais utilisent également ce terme, probablement par analogie anatomique, pour désigner une femme plantureuse, un chaffre que les espiègles Boïates auraient certainement apprécié : « Paméla Andernos, quelle caouène ! »
Finalement il ne s’agit que d’une appréciation du relief.