Chronique n° 039 – Un “Club-Med” en 1823.

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Albert de Ricaudy, historien local, a fait de François Legallais, en dressant sa biographie, le père d’Arcachon. C’est donner la primauté à l’économique sur le politique mais il est vrai que l’hôtel du corsaire normand, ouvert en 1823, fait beaucoup pour la réputation naissante d’Arcachon. Un client anonyme, cité par Charles Daney, écrit : “l’établissement réunit tout ce qui peut rendre la vie aimable et douce : on y est logé fort élégamment, du linge de grande beauté, beaucoup d’argenterie et une table aussi délicatement que copieusement fournie où les royans et les soles tombent du filet sur le gril”.

De plus, on ne s’ennuie pas chez Legallais. On y trouve des salons de billard et de lecture et l’hôte organise des sorties en bateau sur le Bassin, des parties de pêche, des visites dans les cabanes des pêcheurs et Legallais conduit même des excursions aventureuses au Ferret, vers l’océan, qui épatent le bourgeois. Il a déjà compris les deux règles d’or du tourisme le plus moderne, style club de vacances : un accueil de qualité et des animations variées. Au centre desquelles, figurent les bains. Chauds et froids. Pour ces derniers, des cabanes fixes ou à roulettes attendent les baigneurs auxquels Legallais fournit la tenue idoine. “Chemises pour les dames, caleçons et gilets – de laine – pour les hommes”.

Mais Legallais, en plus de ses qualités de bon commerçant novateur, doit afficher un optimisme extrême pour imposer les bains arcachonnais face à ceux de Royan auxquels on arrive commodément par bateau confortable depuis Bordeaux. Car le voyage pour parvenir à Arcachon relève d’une expédition. Il faut partir vers dix-sept heures de Bordeaux, faire étape à Croix d’Hins dans une mauvaise auberge, en repartir à trois heures du matin pour arriver vers neuf heures trente à La Teste. De là, il faut encore compter une bonne heure pour parvenir à la plage d’Eyrac, à travers une plaine coupée de marais. Sans compter, comme le raconte encore un voyageur, “qu’il a versé deux fois dans le fossé et franchi l’Eyre à gué”.

Les choses s’améliorent lorsqu’en 1830 la route départementale, retracée, atteint enfin La Teste mais elle n’est pas empierrée avant 1837. Autre difficulté : en 1828, les entrepôts testerins de Legallais brûlent. Mais ils sont assurés. Par contre, Legallais ne l’est pas contre les critiques décourageantes dont l’assaillent ses amis, ses parents et même sa propre femme. Ce qui ne l’empêche pas d’offrir un établissement dont Oscar Déjean dit, en 1845 “qu’il réunit chaque année une société nombreuse et surtout très bien choisie car M. Legallais n’admet pas chez lui les personnes de mœurs, même douteuses”.

En 1858, l’hôtel Legallais compte quatre-vingt-dix-sept chambres dont vingt-et-une avec feux. On déjeune à dix heures et on dîne à dix-sept heures, à la table d’hôte. Il en coûte de sept à dix francs, tout compris et cinq francs par domestique. Mais les prix ont augmenté depuis 1830 où chaque domestique ne revenait qu’à deux francs, comme les enfants. Malgré cela, on est donc parfaitement bien chez M. Legallais car son hôtel distille autant de bonheur tranquille que le Bassin qui rutile à ses pieds. Si bien que d’autres établissements se créent. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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