Le pèlerinage vers Saint Jacques de Compostelle va amener du XIe au XVIIIe siècle, des cohortes nombreuses de pèlerins et c’est au Moyen Âge que cette chaussée trouve ses lettres de noblesse. Ainsi dans le « Liber Sancti Jacobi » ou « Codex Calixtinus », (livre rédigé dans la première moitié du XIIe siècle pour servir la gloire de Saint Jacques et de l’Église de Compostelle) et plus précisément dans la cinquième partie de l’ouvrage appelée « guide du pèlerin de Saint Jacques de Compostelle, on apprend que l’une des voies les plus fréquentées par les pèlerins allant en Galice (la via turonensis) traverse notre pays.
Les landes, à la fois désert aride poudré de sable blanc et zone humide marécageuse et hostile, représentent alors une grande épreuve pour les pèlerins. Pour les traverser, il faut trois jours de grandes fatigues. Cette terre est dépourvue de toutes bonnes choses ; on n’y trouve ni pain, ni vin, ni viande, ni poisson, ni fontaines ; les habitations sont rares ; c est une plaine de sable. Cependant, elle produit en abondance du miel, du millet, du panis et des porcs à bois. Si vous traversez ce pays en été, protégez soigneusement votre visage contre les mauvaises mouches, les guêpes et les taons qui abondent dans la contrée. Il faut prendre garde aussi à bien poser son pied sur le sable marin qui couvre le sol, pour ne pas enfoncer jusqu’au genou.
C’est le pays le plus ennuyeux du monde, dit un pèlerin picard en 1726, où se fait près de trente lieues sans trouver autre que deux ou trois maisons de distance à autre.
Le 4eme couplet de la Grande chanson des pèlerins de Saint Jacques s’exprime ainsi :
« Quand nous fûmes dans les Landes
Bien étonnés
Nous avions de l’eau jusqu’à mi jambes
De tous cotés
Compagnons nous faut cheminer
En grandes journées
Pour nous tirer de ce pays
De si grandes rosées »
La voie du Vieux Lugo abandonnée, le Camin Roumiou (le chemin des roumieux) se dirige alors vers le lieu-dit Graoux à Béliet ; on signale les restes d’un hospice pour pèlerins de Saint-Jacques au lieu-dit l’Hospitalet, fondé au XIIe siècle, que l’on situe à l’emplacement de l’actuel terrain de tennis.
À une portée de fusil, au lieu-dit Bertos, quartier de Rétis (commune d’Hostens), la légende veut qu’une jeune fille, faisant partie d’un groupe de pèlerins en route vers Compostelle, y meure et fut enterrée. La statue de Sainte-Catherine, enterrée avec la défunte fut redécouverte longtemps après par un vacher en soulevant la pierre tombale. L’eau se mit à sourdre et c’est à cette fontaine consacrée à Sainte-Catherine que se rendront bien des femmes relevant de couches pour avoir du lait ; sa chapelle Sainte-Catherine vaut le détour.
Les termes du « Guide du pèlerin de St Jacques » sont particulièrement précis : « de même dans les Landes de Bordeaux, dans une petite ville appelée Belin, on doit rendre visite – peut-être à la chapelle de Mons – aux corps des saint martyrs Oliver, Gondebaud roi de Frise, Ogier roi de Dacie, Arastain roi de Bretagne, Garin duc de Lorraine et de bien d’autres compagnons d’armes de Charlemagne qui, après avoir vaincu les armées païennes, furent massacrés en Espagne pour la foi du Christ. Leurs compagnons rapportèrent leurs corps précieux jusqu’à Belin et les y ensevelirent avec beaucoup d’égards ; c’est là qu’ils gisent tous ensemble dans un même tombeau. Les pèlerins se dirigent vers le « Passage » à Belin : l’hospice et le prieuré de Saint-Pierre-de-Mons, sont séparés par un pont de pierre dont subsiste des ruines sur la rive droite de la Leyre. Les registres paroissiaux attestent le passage de pèlerins se rendant ou revenant de Saint-Jacques-de-Compostelle : actes de baptêmes d’enfants (1666 et 1738), inhumations de pèlerins (1663 et 1725). Mentionné par les Rôles Gascons en 1293, le prieuré sert de refuge aux pèlerins qui vénèrent le tombeau des chevaliers et la statue de saint Clair ; la chapelle, construite en garluche, possède une abside romane datée du XIe siècle avec une série de six chapiteaux sculptés, une nef doublée au sud d’un collatéral et enfin une importante tour barlongue de la fin du XVe siècle répondant aux préoccupations défensives comme en atteste l’organisation de son niveau supérieur. Aux alentours de cet édifice, une croix ancienne en pierre dans le cimetière et la croix des pèlerins, monument imposant, haut de près de 4,50 mètres, édifié au XVe ou XVIe siècle. Apparentée à un obélisque, elle est perchée sur une colonne élevée, elle-même fixée sur un imposant socle constitué de sept marches ; la croix des pèlerins est inscrite à l’inventaire des Monuments Historiques depuis le 9 janvier 1990. En contrebas, la fontaine de Saint-Clair donne lieu à un pèlerinage le 1er dimanche de juin, le curé du village bénissant l’eau et son Saint avant que les participants mouillent leur mouchoir et s’en frottent les yeux : cette eau améliorerait la vue !
Et pour les cinéphiles, c’est dans cette église qu’a été tournée la scène de l’enterrement dans le film « Les Petits Mouchoirs » de Guillaume Canet.
On trouve ensuite mention du camin romieu (1) passant aux tènements de Muret, Caplane, Pontet, etc. ou encore au midi de Labouheyre (2) et aux environs de Belloc. On le mentionne dans la commune d’Herm au quartier du Fomg, dans la commune de Magescq au lieu dit Pas de Caunegre, quartier de Labeyriei.
Voir départs de Bordeaux y compris le camin roumieu
Vient ensuite le lieu-dit La Tricherie (3), nom seulement conservé par une métairie située le long de la route. L’entrée dans l‘actuel département des landes se fait au Muret – Le Meret. La chapelle du Muret, vouée à Saint-Roch (saint protecteur de la nature et du bétail), est un bel exemple de chapelle jacquaire. Implantée dans un magnifique airial planté de chênes centenaires (un site naturel inscrit depuis 1975), elle présente une architecture typique de la région avec un clocher mur orné d’un abat-son, campanile sommé d’une croix, dont la cloche date de 1654, un porche et une maçonnerie en « garluche ». À l’intérieur, un retable en bois sculpté et présentant des motifs de coquilles et une statue de Saint-Roch en pèlerin. À gauche de la chapelle et en contrebas, se trouve la fontaine Saint-Eutrope qui a la vertu de guérir les maladies de peau et les infections.
(1) – En occitan, on désigne par camin romieu le chemin vers Rome et par extension tout pèlerinage ; en occitan gascon, l’arromiu signifie le pèlerin.
(2) – Labouheyre anciennement et successivement appelée Erba Faveria, Herba Faveria, Herba Falberia, Herbe Faverie, Bohaniram, Bahoneyre, puis Labo Heyra ne figure pas sur l’Itinéraire d’Antonin, mais il est vraisemblable que la voie romaine traversait ce lieu.
(3) – Pour Cassini, La Tricherie est située à Mons, rive gauche de la Leyre, le prieuré étant rive droite.