Lopo Homem est né (bien) avant 1497, et mort après 1572 : une lettre de Manuel Ier de Portugal, datée du 31 mars 1497, contient la première référence à sa personne. Il se voit accorder l’administration d’une chapelle dans le village de Punhete[1], qui appartiendrait, semble-t-il, à son beau-père, João Álvares ; le document nous dit aussi que sa femme s’appellerait Isabel Álvares. Par licence du 16 février 1517, le roi Manuel Ier accorde à Lopo Homem le privilège de fabriquer et de corriger toutes les boussoles, c’est-à-dire qu’il est responsable de l’élaboration des instruments nécessaires à la navigation, des cartes pour les marines à voile royales et, en plus, a la responsabilité d’examiner les instruments produits par d’autres. Cette charte est renouvelée en 1524 par Jean III de Portugal. À chaque fois qu’une autre personne effectue une de ces tâches, elle doit payer vingt cruzados au cartographe. D’autres documents indiquent que Lopo Homem est très actif dans la politique expansionniste de la couronne, notamment dans les campagnes militaires en Afrique du Nord, étant même nommé chevalier de la maison royale. En 1524, il participe du côté portugais à la conférence de Badajoz-Elvas entre l’Espagne et le Portugal au sujet des Moluques ; une de ses lettres qui fait allusion aux disputes de la commission sur les revendications des deux rois à leurs droits d’exploration existe encore à Torre do Tombo[2].
En 1531, Lopo Homem est récompensé d’une pension à vie de 20 000 reais, augmentée de 5 000 en 1532. Il est le père de Diego Homem, également cartographe.
Lopo Homem commence ce qu’Armando Cortesão a appelé la « troisième période ou école » de la cartographie portugaise, qui correspond à la disparition des conceptions ptolémaïques : on remarque une telle influence dans le tracé de plusieurs régions, comme, par exemple, l’Orient (entre autres), qui parait plus allongé qu’il ne l’est en réalité. Sa plus ancienne réalisation connue est une carte du monde découverte en 1930 à Londres.
En 1519, Lopo Homem participe à la réalisation de l’atlas connu sous le nom d’atlas Lopo Homem-Reinés ou atlas Miller ; établi à Lisbonne depuis 1517, il aurait reçu l’aide de son ancien maître, Pedro Reinel, assisté de son fils Jorge. L’enluminure est l’œuvre d’un autre artiste, le peintre Gregorio Lopes et le miniaturiste António de Holanda. Considérés comme les meilleurs cartographes de leur temps, l’empereur Charles Quint les voulait à son service.
Nommé « maître de cartes marines », Lopo Hommem dessine donc l’Atlas nommé Miller suite à son acquisition par Emmanuel Miller qui l’achètera en 1855 chez un libraire de Santarém, au Portugal. La veuve Miller le vend à la Bibliothèque nationale de France en 1897.
Chef-d’œuvre de la cartographie portugaise du début du XVIe siècle, cet Atlas représente le monde connu des Européens juste avant l’expédition de Magellan (1519-1522) ; il contient huit cartes sur six feuillets volants, peints des deux côtés. Il s’appuie sur une documentation très à jour concernant les dernières conquêtes portugaises en Asie et les découvertes espagnoles en Amérique du Sud ; si l’on dénombre les pavillons aux couleurs des puissances européennes, l’influence portugaise semble prédominante. L’océan Indien est dessiné à partir des informations recueillies après les expéditions de Vasco de Gama en Inde (1498) et les actions militaires d’Afonso de Albuquerque, qui établit les fondations de l’empire portugais d’Orient, de la mer Rouge au détroit de Malacca, en Asie du Sud-Est. La carte du Brésil rend compte des explorations entreprises par Pedro Àlvares Cabral en 1500. Sur la carte de l’Atlantique, les archipels de la mer des Caraïbes sont déjà très bien situés, la Floride espagnole (découverte en 1513) et Terre-Neuve, reconnue par Jean Cabot dès 1497, sont représentées sous la forme de tableaux paysagers, peuplés d’ours et de cervidés dans des forêts et des montagnes sauvages.
La carte du monde : Entourée par les quatre vents avec relativement peu de toponymes (en latin) : en Afrique ne sont identifiés que la Libye, l’Éthiopie et la Guinée ; l’Amérique est nommée « Mundus Novus Brazil » et rattachée au continent asiatique par un continent imaginaire nommé Mondus Novus.
Atlas nautique du monde, Mer Méditerranée
Atlas nautique du monde, Mer Méditerranée, arcaxam
Atlas nautique du monde, Mer Méditerranée
Cette carte (au recto du feuillet 6 de l’atlas) montre la côte européenne de la Hollande à Malaga et la côte africaine de Melilla (enclave espagnole située dans le nord du Maroc) au cap des Palmes (sud-est de l’actuel Liberia), ainsi que les îles Britanniques, les Açores, les îles Canaries et les îles du Cap-Vert. Les côtes des Amériques sont représentées en trois parties : du Labrador à l’Acadie (actuel sud–est du Maine), avec une nomenclature pour Terre–Neuve seulement (Terra Corte Regalis), de la Virginie au golfe du Mexique (Terra Bimenes, nom indigène de l’époque désignant la Floride), sans nomenclature, et du Yucatan et Cuba (Ante Ylläs) au Nouveau Monde (Mundus Novus), l’Amérique du Sud. La carte ne possède pas de loxodromies, mais seulement un quadrillage correspondant aux rhumbs nord-sud et est-ouest. Elle n’inclut pas non plus de rose des vents. La carte constitue une riche nomenclature pour la côte de la Guyane et des Antilles. La nomenclature est en cursives noires et rouges le long des côtes et en capitales noires dans les mers. En haut, un large cartouche en forme de banderole est vide, tandis que celui à sa droite contient un texte. Près de la Floride, un autre cartouche entouré d’un cadre brun à filets d’or est accompagné d’une légende. Dans l’Amérique centrale, un cartouche semblable contient la légende Antilliarz ista In Castelle Regis parte / auri Mineralia inveniuntur (Cet [endroit appelé] Antilliarz fait partie du royaume de Castille / Des minerais d’or y furent découverts). La carte est richement décorée. Les montagnes sont représentées en vue perspective. Des paysages avec animaux sont dessinés en Afrique, en Acadie et en Floride. En Amérique centrale, des Amérindiens à la peau foncée tirent de l’arc ou travaillent la terre. Les écus et pavillons espagnols sont visibles à l’ouest du pli central, séparant Terre–Neuve de la Floride et de l’Amérique centrale. Des pavillons portugais sont plantés sur Terre–Neuve, le long de la côte de l’Afrique et au Portugal. Des pavillons espagnols marquent les Canaries. Neuf des treize navires traversant l’océan portent la croix portugaise de l’ordre du Christ. La carte est bordée sur trois côtés d’un cadre rouge cerné de noir.
Carte de l’Atlantique ouest sur laquelle on peut voir carcaxo
Une autre de ses cartes du monde, datée de 1554, est conservée à Florence et la librairie nationale de Lisbonne possède une de ses cartes marines (conservée avant 1910 au Palácio das Necessidades, ayant appartenu à Charles Ier de Portugal).
http://expositions.bnf.fr/ciel/grand/t2-07.htm
http://expositions.bnf.fr/marine/albums/miller/index.htm
https://www.wdl.org/fr/item/18557/
https://www.wdl.org/fr/item/18562/#additional_subjects=Mappae+mundi
http://expositions.bnf.fr/marine/albums/miller/index.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Lopo_Homem
http://cvc.instituto-camoes.pt/navegaport/b07.html
La Cartographie et cartographes portugais des quinzième et seizième siècles d’Armando Cortesão contient une large section dévolue à Lopo Homem.
[1] – Toponymie : le nom Constância est officiellement acquis en 1836 , par l’intermédiaire de la reine Doña.Maria II , qui a adopté ce nom en raison du soutien que la population lui a apporté et de son insistance pour abandonner son ancien nom de Punhete, qui probablement renvoie à la désignation des Romains, Pugna Tagi, combat du Tage ; de plus, punhete suggère l’obscénité, car il ressemble beaucoup à un mot d’argot sexuel (branler), ce qui a conduit au mépris de la part des habitants des villes voisines.
https://pt.wikipedia.org/wiki/Const%C3%A2ncia_(Portugal)
[2] – Les Archives Torre de Tombo tirent leur nom d’une tour du château de Lisbonne où, à la fin du XVIe siècle, sont réunies et classées pour la première fois les archives de la couronne (tombo est à peu près synonyme de livre terrier). Bien que la tour ait été détruite lors du tremblement de terre de Lisbonne de 1755 et les archives transférées dans un autre bâtiment, la dénomination Torre do Tombo reste d’usage courant pour désigner les archives centrales de l’État. Le siège des Archives nationales est un bâtiment d’une capacité totale de 70 kilomètres linéaires, construit en 1990, dans la cité universitaire de Lisbonne.