Croquis du Bassin – Les bacs à voile dans le vent

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Ils s’appellent “Argos”, “Umbria”, ou “Les Copains à bord ”. Désormais, en 2008, on en compte neuf et ce sont les bacs à voile du Bassin. Pourtant, ils avaient complètement disparu jusqu’en 1991 et leur renaissance constitue une étonnante histoire. Écoutez plutôt. C’est en l’année 1990 que la Fédération aquitaine pour le patrimoine maritime et l’association des Usagers du port testerin, Auport, présidée par Christian Raba, ont voulu que le Bassin retrouve ses bacs à voile, déjà bien oubliés, et dans un élan qui aurait semblé inconscient, leurs membres ont même décidé que le bateau participerait au prochain rassemblement de 1991 à Brest !

Car, quels sacrés bateaux, ces bacs ! Leur création est attribuée par le journal “Le Yacht”, paru en 1902, au constructeur naval arcachonnais, Auguste Bert. 1902 : c’est l’époque où l’ostréiculture parvient dans une phase considérable de son développement. Il lui faut donc une embarcation commode et ce sera ce fameux bac, dont le rédacteur du Yacht écrit, toujours en 1902 : “ Ce navire idéal devait porter une forte charge sous un tirant d’eau très réduit, être rapide, bien défendu et d’un prix d’achat modéré ”. Ajoutons, que, véritable mulet du Bassin, le bac pouvait transporter de fortes quantités de bois. Forts de ces principes, les chantiers Bert s’inspirent des gabares en usage sur les étangs ou sur la Garonne ou encore des grands Sharpies, déjà utilisés sur le Bassin. Ils réalisent donc un bac qui, aussitôt a beaucoup de succès auprès des parqueurs. Il est comme l’ancêtre des “plates” ostréicoles actuelles mais le bac traditionnel, lui, a une élégance rare, des lignes racées et des réactions marines si parfaites de dériveur intégral, qu’il a pu devenir un bon bateau de régates, propulsé par cent mètres carrés de voilures.

Il a donc fallu retrouver les plans du bac. MM. Dubourdieu et Raba, deux des meilleurs artisans navals du Bassin, ont ensuite dessiné l’embarcation : 12 mètres 50 de long, 3 mètres 50 de large, la possibilité d’embarquer quinze passagers, des bordées de franc-bord en bois de pin, une étrave en iroko : voilà l’engin. Mais, malgré l’enthousiasme des bénévoles, tout cela coûte beaucoup de sous et l’entreprise aurait pu sembler farfelue. Pourtant, c’est dans un enthousiasme populaire étonnant que la subvention lancée trouve rapidement quatre cents souscripteurs qui donnent chacun en moyenne 125 francs. Le Crédit agricole met 40 000 francs au pot, Nanni-Diésel offre le moteur auxiliaire, anachronique mais indispensable et le magazine “Chasse-Marée” fait don de la toile à voile qu’une Testerine coudra.

Tant et si bien que, sous un petit soleil d’automne qui bleuit le port, en ce 7 octobre 1990, plus de deux cent cinquante personnes où l’on ne remarque d’ailleurs aucun élu testerin ni autres, se retrouvent sur le port de La Teste. On apprend alors que ce bac à voiles s’appellera “Président-Pierre-Mallet”, du nom de celui qui fonda la Fédération pour le patrimoine maritime et qui fit beaucoup, avec l’Association pour la plaisance traditionnelle, pour que revivent les navires en bois du Bassin.

Noël Gruet, au nom des organisateurs, rappelle alors le riche passé maritime de ce Bassin qui a vu naviguer en 1840 le premier chalutier à vapeur du monde, tout comme en 1866, Nathaniel Johnston a lancé les deux premiers chalutiers à vapeur de la planète dotés d’hélices. Sans compter, construits par des créateurs inspirés, d’innombrables types d’embarcations géniales imaginées ici. Et le bac à voile des chantiers Bert est de cet acabit. On lit un poème de Pierre Denjean, à la mémoire de Pierre Mallet où le vieux maître d’école évoque “Le passé et le futur, éclairés par l’étoile de l’amitié” et il ne reste plus qu’à poser la première de ces chevilles qui rivent les pièces de l’étrave. Quand on la dresse, Mme Mallet y plante la première pointe, avec un marteau tout neuf, assurant dans ce geste, la renaissance du bac à voile. Mais c’est encore, par la suite, une belle histoire qui nous attend encore demain.

Jean Dubroca

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Aimé

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