En 1933, les abattoirs arcachono-testerins constituent une apocalypse microbienne. Si bien que le 13 mai 1933, le Conseil municipal testerin décide de la construction d’un établissement moderne pour une dépense de 740 000 francs, couverte par neuf taxes, dont celle d’abattage qui passe de cinq à sept centimes par kilo. Deux centimes qui pèseront lourd dans la balance de la polémique à venir. D’autant plus que des dépenses imprévues s’accumulent. Le Conseil supérieur de l’hygiène exige 30 000 francs pour l’épuration des eaux envoyées dans le Bassin et qui menacent la bonne santé des huîtres. En novembre 1934, il faut ajouter 350 000 francs pour deux chambres froides et 85 000 francs de plus pour renforcer les charpentes.
Cependant qu’on établit à grand peine un règlement intérieur, le pugilat couve. Il éclate le 6 décembre 1935, lorsque se préparent les élections législatives où le maire de La Teste, Pierre Dignac, est candidat. Ce qui ne plaît pas à beaucoup d’Arcachonnais. Et “Le Phare d’Arcachon” de tonitruer “contre toutes ces taxes sur la viande que les Arcachonnais doivent payer aux Testerins”. De part et d’autre, on élude le sujet en attendant la voix des urnes. Et l’on arrive en janvier 1936 où l’on inaugure les abattoirs, en y tuant … un malheureux âne, devant au moins trois cents invités endimanchés. Chaque semaine, on abat ici soixante bœufs et cent quatre-vingts cochons, au pistolet électrique car on est pour le progrès. Trente-sept bouchers viennent quotidiennement et l’on débite une barrique et demie de vin par jour pour les désaltérer.
Comme on a lésiné sur le raccordement des abattoirs à la voie de chemin de fer pourtant très proche, les troupeaux arrivent à pied depuis la gare et l’on a parfois bien du mal à repêcher de pauvres moutons tombés dans l’eau des prés salés. Mais les élections approchent et un conseiller municipal arcachonnais, M. Bon, remet la question des taxes testerines sur le tapis. Finalement, Pierre Dignac est élu avec seulement 138 voix d’avance sur plus de 6 000 votants.
Une courte victoire qui renforce les cris du “Phare” : “Ces taxes testerines, c’est un abandon de l’autorité arcachonnaise. C’est Arcachon qui paye les abattoirs testerins. Sommes-nous astreints à la dîme au seigneur du captalat ? Allons-nous payer notre viande vingt centimes de plus par kilo pour que les Testerins geignards s’offrent leur abattoir d’un million ? La ville d’Arcachon va-t-elle édifier un hôpital tant attendu, une patinoire, un palace ? Non ! Elle offre un abattoir aux Testerins !”.
La situation serait donc devenue sanglante si, le 18 février 1938, le maire d’Arcachon Marcel Gounouilhou, n’avait démissionné, vaincu par d’obscures affaires bordelaises. Comme les attaques du Phare le visaient d’abord, le journal n’embouchera plus les trompettes des taxes iniques mais il engage une autre polémique : “Il faut rattacher Pyla à Arcachon”. Finalement, alors que dès 1947 de nombreux rapports ont mis en cause l’hygiène des abattoirs, il est décidé, en 1967, de les fermer. Mais ce n’est qu’en 1975 que leur dernier directeur, M. Carrivain, mettra la clé sous le paillasson.
Jean Dubroca