Croquis du Bassin – Une histoire saignante (1).

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Aujourd’hui, nous commençons le croquis d’un vaste terrain vague qui intrigue beaucoup de ceux qui circulent sur la route longeant les prés salés ouest de La Teste. Ou ceux, très nombreux, qui viennent chercher leur ration d’eau pure au puits artésien qui jaillit là, près de la “Craste douce”, la rivière testerine. Un terrain vide mais pourtant chargé d’histoire. Là s’élevaient jusqu’en 1990 des abattoirs dont l’histoire pittoresque et agitée renseigne beaucoup sur les difficiles relations qui ont existé pendant longtemps entre La Teste et Arcachon.

En 1888, l’État exige que les bouchers et charcutiers tuent les bêtes dans des abattoirs dûment contrôlés. Aussitôt la municipalité testerine fait construire, pour 200 000 francs, deux bâtiments sur le terrain en question et confie la gestion du nouvel abattoir à une entreprise bordelaise. Une taxe d’utilisation ajoutée aux frais d’octroi fait hurler les bouchers arcachonnais. Ils refusent tout en bloc et, au moindre prétexte, entament des procès… qu’ils perdent régulièrement. Ils luttent cependant dans une véritable guérilla. En 1910 : nouvelle loi. Elle interdit l’abattage des animaux chez les particuliers. Colère des habitants qui se verraient ainsi interdire la fameuse ‘tuaille du cochon”, celle qui fait pourtant alors partie de la chanson de geste de l’année campagnarde. Ceux qui habitent au Cap Ferret, demandent suavement au Préfet s’ils vont devoir charger leurs bestiaux sur le “Courrier du Cap” pour les immoler à La Teste.

En 1911, les tripiers arcachonnais refusent de travailler dans les abattoirs testerins qu’ils jugent insalubres. Une commission municipale, après inspection, déclare que les lieux sont fort corrects. En 1921, alors qu’on traite 500 000 kilos de viande, les Arcachonnais déclarent tout de go : “la taxe, décidée uniquement par le conseil municipal de La Teste, ne peut s’appliquer aux Arcachonnais”. Galéjade, rétorque tout aussitôt le conseil testerin. Mais les arcachonnais ne manquent pas d’arguments : “Ouais ! C’est un gendarme retraité, totalement incompétent, qui vérifie l’état sanitaire de la viande : nous ne paierons pas !” Et l’affaire monte jusqu’au Conseil d’État. Ce qui ne règle rien, d’autant plus que la population des deux villes atteint 35 000 habitants en ces années 30 et que les abattoirs s’avèrent très insuffisants.

Et d’autant plus encore que l’ingénieur Émile Cauchois, inspecte les lieux et suffoque : “C’est l’horreur !” écrit-il dans son rapport apocalyptique. Il y ajoute : “On glisse dans un enchevêtrement de cordages, comme sur un grand voilier. On patauge dans un sol sans pente où le sang croupit, où la vermine rampe, où les rats mordent dans les quartiers de viande. Faute d’évacuation des buées, alors qu’on échaude les carcasses de porcs dans un seul baquet rempli par des seaux, je distingue à peine les tripiers obligés de travailler dans un brouillard répugnant où flotte une odeur cadavérique. Mais que font donc les services d’hygiène communaux et l’inspection du travail devant cette situation ?” conclut l’ingénieur Cauchois, donnant ainsi un grand coup de pied dans cette dantesque situation. Bref : il faut agir ! A demain.

Jean Dubroca

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Aimé

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