Chronique n° 142 – Tout le monde descend !

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2007, cent cinquante ans d’aventures arcachonnaises. Aujourd’hui, le temps de l’Histoire s’arrête. Celui des témoins commence. Mais, dans ce passé, il aurait aussi fallu évoquer d’autres moments qui ont marqué l’aventure d’Arcachon. Par exemple, les grands incendies de forêts de 1948 et de 1949 dont on a vu, depuis le front de mer, du côté de Lanton, non seulement se soulever les lourds panaches de fumée noire, mais encore éclater de hautes et puissantes flammes d’un rouge sombre et inexorable, comme celui des éruptions volcaniques. À Cestas, elles ont dévoré quatre-vingt-deux sauveteurs bénévoles et des jeunes militaires, dont on a eu très vite fait d’oublier que ceux qui les ont envoyés sans expérience aucune dans la fournaise, auraient dû rendre des comptes.

Et, apportées par l’épaisse chaleur de ces étés d’après-guerre qui brûle les murs, s’écrasent les hordes volantes des nuées de criquets qui, malgré des orchestres de tam-tams à l’africaine, dévorent les maigres pelouses bordant la plage. Au chapitre des incendies historiques, il faut aussi parler de la destruction étonnante du casino mauresque, dans la nuit du 18 janvier 1977. Pendant plusieurs jours, des lambeaux de ses énormes poutres fumeront, comme pour appeler le phœnix à renaîtra de ses cendres. Seul son immense fantôme, bienvenu, ornera par la suite le Centre administratif. Et puis, il y a aussi l’incendie de la chapelle des Marins, elle aussi détruite en janvier 1986, le 8, pendant la nuit et heureusement reconstruite à l’identique. Les pompiers sauveront des flammes la statue de la Vierge de Thomas Illyricus et le maire, Pierre Lataillade, la recevra dans ses mains.

Il aurait aussi fallu parler d’autres moments qui ont compté comme par exemple les fêtes du centenaire d’Arcachon, en 1957, où la moitié de la ville a regardé l’autre moitié défiler, dans un mouvement fleuri et joyeux, au cours de festivités qui ont duré huit jours. On n’a pas non plus parlé de l’histoire sportive d’Arcachon, de ses champions et de ses heures glorieuses, de sa piste de ski sur grépins, unique au monde et de ses deux sociétés de gymnastique rivales qui ont mis près de soixante-dix ans à se réconcilier. Bien plus longtemps qu’il n’en a fallu à la France et à l’Allemagne pour concrétiser la Paix, en jumelant Arcachon à Goslar en 1965. L’Europe faite, ce jumelage, comme ceux avec Pescara en Italie, Aveiro au Portugal ou Ciudad de Rodrigo, en Espagne, sont un peu passés dans l’oubli.

On aurait aussi dû parler de la grande époque des patronages, chaque paroisse ayant le sien et même sa fanfare et les clairons et tambours des “Bleus de Notre-Dame” ou ceux des “Jeunes de Saint-Ferdinand ” qui rivalisent d’ardeur, résonnent encore dans beaucoup de mémoires. Et pourquoi diable, avoir oublié les querelles musicales qui ont marqué les nombreuses fanfares et autres harmonies qui se sont succédé depuis que l’abbé Mouls eut créé le premier orphéon. Il aurait fallu évoquer tout cela, mais, vous le savez, comme dit Boileau : « Qui ne sut se borner, etc. etc. »

Alors, il ne reste plus qu’à méditer un peu. Quand on jette un œil dans le rétroviseur du temps, on constate que le destin d’Arcachon reste profondément attaché au plus lointain passé de ce Bassin. Un Bassin qui constitue un milieu extrêmement fragile et qu’il faut farouchement le protéger de tout ce qui peut altérer ses rivages et ses eaux. On voit aussi, dans ce même rétroviseur un peu craquelé et jauni, qu’il ne faut avoir aucune nostalgie d’un passé moins brillant qu’on ne peut l’imaginer. Les photos dont on dispose prouvent que les plages arcachonnaises de la “Belle Époque”, certes pittoresques, se trouvent bordées de cahutes disparates, que les corsos fleuris sur l’eau montrent une certaine indigence et que les plages sont étroites et surpeuplées. Quant à la géniale Ville d’hiver, des spécialistes du bâtiment certifient que ses premières villas, construites à la va-vite, n’étaient pas faites pour durer plus que le temps du rendement maximum d’un capital investi là. La rénovation de certaines a demandé courage et argent …

Pas de regrets, donc, puisque Arcachon conserve toujours cette faculté de vivre avec son temps et même un peu en avance sur lui. Et que, de toute façon, c’est une ville faite pour dispenser le bonheur. La preuve : le chef de gare a longtemps crié aux voyageurs qui arrivaient : « Arcachon, tout le monde descend ! ». Comme s’il ne fallait surtout pas passer à côté de la joie de vivre …

Jean Dubroca

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