Journal d’Arcachon à partir du N° 45 du 16 juin 1945 au 30 mars 1946
Avec l’aimable autorisation de Monsieur Pierre Lataillade, Maire honoraire d’Arcachon, propriétaire du Journal d’Arcachon.
En quittant pour la deuxième fois le camp de Ravensbrück, je me trouve absolument séparée du groupe formé à Bordeaux le 9 août. ce groupe est du reste disloqué, une quarantaine de mes compagnes étant à Obersprée et une vingtaine à Ravensbrück. Cette séparation m’est pénible, j’ai noué des amitiés, il faut partir seule au milieu d’étrangères dont je ne comprends pas les langues, il faut se résigner à ne plus rien savoir de toutes celles que je connaissais.
Nous embarquons dans la nuit du 12 octobre, pour direction inconnue comme toujours. Notre wagon est occupé par cinquante prisonnières polonaises, russes, yougoslaves et deux françaises. Heureusement, j’ai trouvé une jeune femme de Paris au cours des formalités qui précédaient tous les départs. Nos noms se ressemblent et nos matricules se suivent, cette coïncidence nous vaudra d’éviter l’une et l’autre l’isolement total, et nous ne nous quitterons plus qu’en France, pour rejoindre, elle Paris, et moi Arcachon.
En regardant le paysage, je reconnais des choses déjà vues, je constate que nous faisons le parcours que j’ai fait déjà de Dachau à Ravensbrück. On parle de Munich dans le wagon et c’est en effet exact, car après trois jours de voyage, nous arrivons à une petite gare d’un faubourg de la capitale de la Bavière. C’est la nuit, nous ne voyons rien et cheminons vers notre nouveau camp, affamées comme d’habitude, car nous avons touché à peu près un jour de vivres pour trois jours de voyage.
Je constate que les sous-officiers de S.S., commandant et commandant en second du camp sont seuls, c’est-à-dire sans chiens. L’absence de ces bêtes féroces nous fait un certain plaisir. Nous entrons dans une baraque de bois qui est une cantine, c’est à dire un réfectoire où on nous sert du café et du pain, et où, sur de la paille, nous passerons la nuit.
En face de nous, nous voyons de grands bâtiments, et apprenons qu’il y a déjà trois cents Polonaises qui, depuis un mois, travaillent ici. Nous demandons s’il y a des Françaises, on nous répond qu’il y en une qui, docteur en médecine, dirige l’infirmerie. Nous arrivons environ deux cent cinquante, car notre convoi comprend en plus des nationalités que j’ai citées, cent soixante Hollandaises. Nous serons cinq cent cinquante, soit trois cent cinquante Polonaises, cent soixante Hollandaise, vingt Yougoslaves, treize Russes, quatre belges et quatre Françaises.
Le lendemain de notre arrivé, nous sommes conduites dans les grands bâtiments qui vont nous servir de logement. C’est un immeuble énorme qui ne s’apparente, dans notre pays, qu’à nos casernes. A Munich, c’est une cité ouvrière et il y en a des quantités dans le quartier où nous sommes. Cet immeuble de trois étages est en fer à cheval et comporte plus de quarante fenêtres de façade sur sa partie la plus large et vingt sur les côtés. Mais il n’y a qu’un côté, l’autre s’est effondré par la déflagration provoquée par la chute d’une bombe tout près, un immense entonnoir en donne l’explication très claire. Pour cette raison sans doute, le bâtiment a été évacué par les ouvriers et pris par les S.S. pour nous. Nous n’en occuperons qu’une partie formant quatre maisons dont trois pour nous et une pour les Allemands. ces maisons sont composées d’appartements de trois ou quatre pièces blanchies à la chaux, une pièce ayant un évier d’émail et un robinet d’eau qui devait être la cuisine. C’est d’une monotonie sinistre pour des logements ouvriers. Pour nous, prisonnières, c’était beaucoup mieux et beaucoup plus propre que les baraques en planches de Ravensbrück, mais je n’imagine pas des ouvriers français vivant dans de pareilles casernes, par centaines de familles, sous le même toit, et sous le signe absolu de l’uniformité.
Nous occupons ces appartements qui deviennent nos chambres, dans lesquelles nous sommes six ou huit au plus avec les châlits à un seul étage.
Nous sommes avec les Hollandaises dans la troisième maison de l’énorme immeuble. Il y a un lit pour chacune ce qui constitue un grand avantage sur les autres camps.
À peine fixées sur notre gîte, car n’ayant point de bagages, nous sommes de suite installées, nous sommes recensées pour le travail à l’usine Agfa où nous nous rendrons le lendemain.
Quelques privilégiées resteront au camp pour l’infirmerie, la cuisine et la surveillance des maisons, que l’on appelle toujours les blocks.
Avant de nous envoyer à l’usine, on nous donne des manteaux, car nous n’avions sur des robes légères, que des sweaters ou des pull-overs. J’hérite d’un pardessus d’homme usé jusqu’à la corde et en triste état. Il est cependant assez chaud, je m’habituerai vite à lui et j’aurai mal au cœur à Avignon en l’abandonnant dans un coin de la gare. On nous fera ajouter plus tard sur ces manteaux, les croix en tissu de nuances opposées. Mais à ce moment-là, ils portent dans le dos en peinture les lettres K.L. (Koncentration Lager), le signe du camp de Dachau, dont nous dépendons.
Le grand immeuble qui nous sert de camp avec deux petites cours entourées de barbelés et gardées nuit et jour par des soldats, se trouve dans la campagne à une demi-heure de marche de l’usine Agfa, située elle-même dans la banlieue est de Munich. Deux fois par jour, le matin à 6 heures et le soir à 5 h. 30, nous parcourons des chemins de campagne et une rue de cités ouvrières dans le genre de notre immeuble. Pendant les mois d’hiver, c’est dans la nuit que nous faisons ce trajet, pataugeant dans la boue, enfonçant dans la neige, ou glissant sur la glace.
À l’usine, nous sommes réparties dans trois salles. On me donne un travail facile, mécanique, sur une chaîne. je vais apprendre ce que représente ce fameux travail à la chaîne dont on a beaucoup parlé. C’est incontestablement une splendide école d’abrutissement. Notre journée de travail est de 10 heures et demie, car nous sommes encadrées par des ouvrières allemandes et les contremaîtres sont allemands. L’activité moyenne de production est pour notre salle, 3.500 à 4.000 rondelles qui formeront le haut des bombes de D.C.A. Nous faisons donc 3.500 à 4.000 fois par jour le même geste. La surveillance la plus stricte s’exerce et tout sabotage est impossible.
Cette vie monotone et très fatigante à cause de la sous-alimentation à laquelle nous sommes soumises, connaîtra cependant un peu d’imprévu et de repos par les bombardements qui seront très fréquents de jour et de nuit. La nuit, nous ne les goûtons pas du tout, car il faut se lever et descendre dans des caves très froides, mais le jour nous les accueillons avec enthousiasme, car ils interrompent le travail et nous descendons au sous-sol où nous causons par petits groupes. Les risques ne sont pas une illusion, mais l’immense majorité n’en a cure. Très rares sont celles, Polonaises ou Hollandaises, qui ont peur. Les sirènes, annonçant les alertes, provoquent chez nous un mouvement de joie, car les Allemands sont inquiets pour leur maison et leur famille, le travail est abandonné et nous profitons d’une ou de plusieurs heures de repos. Nous aurons même, en décembre et janvier, quinze jours de vacances, car des bombardements de nuit ont causé des dégâts qui nécessitent de grosses réparations. Nous serons au mois de décembre, plusieurs jours sans électricité et une quinzaine sans eau. Des camions-citernes nous en porteront tous les jours.
C’est le plus fort bombardement que nous ayons eu dans la nuit du 16 au 17 décembre. En sortant des caves pour remonter dans nos chambres, nous avons vu devant nous Munich entièrement en feu. Bien souvent, nous avons vu des incendies dans trois ou quatre points de la ville, mais ce soir-là, les flammes se tenaient, une immense lueur rouge couvrait Munich et le spectacle était grandiose et dantesque.
Nous ne pensions pas au froid, et regardions de nos fenêtres dont les fausses vitres étaient du reste arrachées, ce coup d’œil splendide, et inaccessibles à la pitié, nous nous réjouissions du résultat obtenu par les pilotes de la R.A.F.
Dans cette vie de travail, les journées sont moins longues qu’elles ne l’étaient sur les paillasses si sales de Ravensbrück. les semaines et les mois passent dans la monotonie des départs pour l’usine et des retours le soir et dans la blancheur immuable de la neige. En janvier, la température évolue entre –15 et –25 degrés. Nous sommes très peu couvertes, cependant il n’y aura pas de congestion et les cas de tuberculose ne seront point causés par le froid.
Les fêtes de Noël très importantes en Allemagne seront célébrées dans notre camp par une soupe meilleure et un goûter l’après-midi. Pendant des jours, on a travaillé pour nettoyer et décorer la cantine, il y a partout et dans toutes les chambres des branches de sapins et des décorations avec du papier de soie orange. les Hollandaises se sont emparées de ce papier, ont fait des nœuds pour leurs cheveux ou leur robe et ont eu ainsi le plaisir d’arborer la couleur de leur maison royale.
Mais Noël, c’est avant tout la fête de la famille, le moment par excellence où l’on aime se trouver chez soi parmi les êtres chers. Aussi la matinée fut bien triste et les larmes coulèrent avec abondance. Nous avions espéré, en arrivant en Allemagne, être libres pour Noël, nous seulement nous ne l’étions pas, mais les communiqués allemands claironnaient des victoires et nous sentions bien que plusieurs mois devaient encore passer avant notre délivrance.
Ce qui marque cet hiver dans ma mémoire, ce n’est pas le souvenir du froid, qui était cependant ce que je craignais le plus, c’est la faim. La faim torturante, obsédante, que les repas semblaient plutôt stimuler qu’assouvir, qui en nous laissait point de répit hors le sommeil et qui même, quelquefois, nous empêchait de dormir si la fatigue ne l’emportait pas sur elle.
Toutes les conversations évoquent des questions alimentaires, nous échangeons des recettes culinaires ou composons des menus magnifiques que nous dégustons en imagination.
Nous serons cependant plusieurs qui sauront faire l’effort nécessaire pour nous évader de ces questions matérielles et parler voyages ou littérature. Je chercherai dans le fond de ma mémoire en travaillant à l’usine, pour reconstituer des poèmes, des sonnets, puis les écrire et les faire circuler parmi les Polonaises et les Hollandaises qui parlent bien le français. Certaines le connaissent parfaitement puisqu’elles aimeront et admireront José-Maria de Heredia. Des Polonaises s’extasieront et recopieront à beaucoup d’exemplaires des fragments des stances « À Villequier », de Victor Hugo, que malheureusement je n’ai pas pu reconstituer entièrement.
Je cite ce petit fait qui peut paraître sans importance à ceux qui ne réalisent pas, et pour cause, ce qu’était notre vie. Cela prouve que notre moral a toujours été parfaitement bon et que la faim, la vermine, la fatigue et le froid étaient des inconvénients sérieux, certes oui, mais nous ne nous laissions pas écraser par ces inconvénients et les dominions au contraire en les considérant comme provisoires. ceux ou celles qui n’ont pas su faire cela, ouvraient eux-mêmes la porte à la neurasthénie et aux maladies auxquelles on ne peut plus résister.
De temps en temps, le dimanche après-midi, il y avait à la cantine ce que l’on appelait, je ne sais pourquoi : « Cabaret ». Naturellement il n’y avait rien à boire ni à manger, mais c’était, lancé par les Hollandaises et suivi ensuite par les Polonaises des séances récréatives de chants soit en chœur, soit en soli et de monologues. Il y eut même des petites pièces de théâtre très bien montées, ce qui, dans le dénuement où nous étions, était une preuve de remarquable ingéniosité.
A ces « cabarets », une jeune femme des environs de Lille, qui a une fort jolie voix, un courage magnifique et un entrain endiablé, avait un très grand succès et faisait applaudir la chanson française.
Vers le 15 janvier, la soupe qui nous est servie à l’usine, devient de plus en plus claire. les quelques morceaux de pommes de terre qui en faisaient la base ont disparu, des feuilles de choux flottent dans une grande quantité d’eau. Les Hollandaises frémissent d’impatience et de mauvaise humeur. Le 21 janvier, la soupe est encore plus mauvaise que d’habitude et une grande effervescence règne au moment de la reprise du travail. je vis en sourde-muette, étant toujours à l’usine, entourée de voisines qui ne parlent pas français, mais je remarque l’agitation ce jour-là. Que se passe-t-il au juste ? Je n’en sais rien. mais des consignes ont dû courir le long des tables de l’immense salle où nous sommes deux cent cinquante prisonnières. A peine repris, le travail s’arrête et tout le monde s’immobilise. Les contrôleuses allemandes essaient sans conviction de donner un petit élan, elles n’insistent pas, car elles nous approuvent d’une façon presque manifeste. Je vois défiler avec amusement les « ausferins » qui tentent de la persuasion, « l’obermaster », le chef de la salle, qui se fâche, le directeur de l’usine qui nous menace et enfin notre commandant que l’on a appelé à la rescousse et qui crie comme un possédé.
Mais la grève a duré l’après-midi entière, tout ce qui travaille à la chaîne a été frappé de paralysie. les Hollandaises qui ne sont que cent cinquante environ, sont rendues responsables et seront en pénitence pendant une quinzaine de jours, mais plus jamais, nous ne reverrons d’aussi mauvaises soupes. La présence à nos côtés du personnel allemand, empêche les S.S. de nous maltraiter. Les ouvrières de Munich qui travaillent avec nous, nous témoignent de la sympathie et des amitiés se nouent qui rapportent bien des avantages aux prisonnières qui parlent allemand et sont placées près de leur contrôleuse. Il est bien évident que tous les Allemands ne sont pas des brutes et la Bavière qui a toujours très peu aimé la Prusse, ne devait pas être très enthousiaste du régime nazi. Il est cependant indispensable de redouter toujours l’extraordinaire docilité de ce peuple.
Les camps de concentration et les commandos de travail nous ont appris à connaître bien des peuples d’Europe que nous ne pouvions imaginer que par la géographie ou l’histoire. Quelquefois, des animosités assez violentes se manifestent entre les ressortissants de différentes nations. C’est le cas à Munich entre Hollandaises et Polonaises, elles se disputent souvent, se battent même quelquefois. Pour un observateur objectif, cela n’a rien de surprenant. Ces deux peuples représentent certainement les extrêmes de l’Europe et s’opposent d’une façon absolue. L’histoire des peuples explique aussi bien souvent le comportement des individus.
Filles d’un pays libre et heureux, les Hollandaises sont grandes, fortes, brusques, joyeuses. Incapables de se plier au servage, elles ruent dans tous les brancards, discutent avec les dirigeants de l’usine, se moquent ouvertement des Bavarois dont les chapeaux à fonds coniques, garnis de pompons ou de petits plumeaux ont l’air de sortir de coulisses d’opérettes. Elles s’appellent toutes par leurs prénoms, sans distinction d’âge ou de classes sociales. Comment comprendraient-elles les polonaises, filles d’un pays martyr, si souvent asservi. Celles-ci sont de taille moyenne, souples, ne résistant jamais ouvertement, cérémonieuses, susceptibles, au patriotisme ardent et ombrageux. Elles ignorent la liberté, sont respectueuses des classes et des castes, s’appellent «madame » à tous propos, et semblent souvent pousser à l’excès leurs croyances ou leurs sentiments.
Les Hollandaises chantent des marches joyeuses et entraînantes, les Polonaises des mélopées douces d’une infinie tristesse.
Entre ces deux extrêmes, notre équilibre et notre mesure de Françaises, trouvent leur place exacte. C’est pour cela sans doute que nous étions aussi bien avec les unes qu’avec les autres.
Avec le mois de février, arrive le dégel et la température s’adoucit. Puis le printemps s’approche et les bourgeons surgissent. Une immense fatigue s’appesantit sur nous. A l’usine, je regarde les visages qui m’entourent, les traits se creusent, les yeux s’enfoncent. Les stigmates de la mort commencent à se poser même sur de jeunes figures, les signes de cette mort lente et douce des camps, cette mort provoquée par la sous-alimentation et le surmenage qui aboutissent forcément à l’épuisement. Dès que le travail s’arrête quelques minutes, les têtes dodelinent doucement, les corps ploient sous le besoin de sommeil. Les contremaîtres ou les surveillantes réveillent d’un tapotement sur l’épaule celles qui s’endorment tout à fait.
Je regarde ces signes de faiblesse sans inquiétude, les nouvelles sont bonnes, je sais que nous n’aurons pas le temps de mourir.
Vers la mi-mars, nous touchons, les Françaises et les Belges, des colis de nos Croix-Rouge respectives. Quelques jours plus tard, les Polonaises en touchent de leur Croix-Rouge. Malheureusement leurs colis ne contiennent pas de cigarettes et ces fumeuses enragées troquent leur sucre et leur fromage pour satisfaire leur passion. Mes conseils de sagesse tombent dans le vide, ce qui est le sort normal des bons conseils.
A partir de ce moment-là, notre vie se transforme. Le sucre, les pâtes de fruits, les biscuits, les conserves nous apportent les éléments nutritifs nécessaires, les cigarettes, un grand plaisir. Les fêtes de Pâques seront joyeuses, car les nouvelles qui nous viennent par les journaux allemands sont magnifiquement bonnes et nous toucherons toutes, deux colis chacune. Les bombardements se multiplient de jour et de nuit. Nous manquons bien un peu de sommeil, mais le travail est interrompu bien souvent et les journées sont ainsi moins fatigantes.
Nous constatons un jour sur une carte que presque toute l’Allemagne est occupée et que nous sommes à Munich la dernière poche de la résistance allemande. Or, les Américains s’approchent, ils sont à moins de cent kilomètres. On nous annonce que notre camp sera peut-être évacué.
Entre les bombardements, je travaille à l’usine avec application et conscience. Je sais que ces bombes ne feront pas de mal à nos alliés, car on n’aura pas le temps de les finir et je fais tourner mes rondelles avec allégresse.
Le 25 avril, en effet, nous quittons définitivement l’usine. Notre vie d’ouvrières est terminée, mais nous sommes encore prisonnières, que va-t-on faire de nous ?
Tous les bruits les plus macabres circulent. On annonce que nous allons partir pour le Tyrol où nous serons avec beaucoup d’autres, exterminées. Le curieux, c’est que l’on se transmet cette information avec le ton et l’expression du visage que l’on peut avoir dans la vie normale pour annoncer que l’on ira passer une journée à la campagne. Nous en avons vu tellement que plus rien ne peut nous émouvoir. Cependant, je n’accorde pas de crédit à cette nouvelle, car je pense : 1) que nous ne sommes pas en état de faire à pieds les cent quatre-vingts kilomètres qui nous séparent du Tyrol ; 2) que les Boches ne nous ont pas, depuis plus d’un mois, remontées avec les colis, pour nous assassiner. Mais il est bien certain qu’avec eux, la logique a souvent tort et qu’on ne sait jamais.
Le 26, l’annonce officielle est faite que nous allons évacuer le camp le lendemain matin à 5 heures. Les malades les plus âgées sont autorisées à rester – cela fait une quarantaine. Nous partirons cinq cent dix. Celles qui restent nous regardent avec un peu pitié. On nous dit que nous devons faire trente kilomètres par jour pour gagner le Tyrol. Et que nous risquons, si nous allons trop loin de voir retarder notre rapatriement.
Je suis bien tranquille, je sais qu’avec nos gros souliers à semelle de bois, nos deux couvertures et nos provisions, nous ne ferons pas trente kilomètres par jour.
Nous nous affairons pour organiser notre paquetage. Nous lacérons des couvertures pour faire des courroies qui nous permettront de porter nos colis sur le dos, ce qui est moins fatigant.
La nuit passera en préparatifs et c’est presque sans avoir fermé l’œil que nous prendrons la route le 27 au matin, après avoir dit adieu ou au revoir à celles qui restent.
WOLFRATHAUSEN
Vers 5 heures et demie, le 27 avril, notre troupe de 510 prisonnières, flanquée d’aufserins et de soldats, se met en route sous la pluie qui heureusement ne durera pas. Nous sommes chargées comme des baudets, pourtant nous ne possédons pas grand-chose, mais on est toujours trop riche quand on déménage. Nous emportons nos deux couvertures et plusieurs jours de vivres, ainsi que notre gamelle qui est en général un petit saladier de porcelaine blanche très lourd. Nos gros souliers martèlent les pavés et ensuite les routes et nous marchons, assez allègrement d’abord, puis de plus en plus lourdement.
Vers neuf heures, nous nous arrêtons pour un casse-croûte et un peu de repos. Vers midi également, il fait alors une chaleur orageuse extrêmement pénible, lorsque nous reprenons la route les pieds commencent à traîner et nous sommes déjà très fatiguées. Nous marcherons cependant plus de trois heures encore, mais nous ferons les derniers kilomètres en automates, sans parler ni chanter, ni rire. Enfin nous atteignons une ferme où nous passerons la nuit dans la grange, après avoir pu nous laver et dîner de nos provisions. Nous avons fait à peu près vingt kilomètres, nous sommes épuisées et bien des pieds commencent à être meurtris. Il est évident que nous n’irons pas dans le Tyrol.
Nous avons pour nous convoyer quatre nouvelles aufserins venues de Ravensbrück tout récemment, pour renforcer nos petites Munichoises qui n’étaient pas bien méchantes. Ces dragons crient, tempêtent et menacent de nous pendre si nous ne marchons pas assez vite. Nous savons que les armées américaines marchent sur Munich et commençons à manquer de patience.
Le 28, nous sommes réveillées bien avant l’aurore et devons déjeuner et nous préparer au départ. Il se met à pleuvoir lorsque nous nous mettons en rangs, mais cette fois ce ne sera pas comme la veille et la pluie ne cessera pas de tomber une minute de toute la matinée.
Cette marche d’un troupeau fatigué se fait sans enthousiasme et sans aucune bonne volonté. Au bout de deux ou trois heures, au lieu d’être groupées comme nous étions la veille, nous sommes échelonnées sur beaucoup plus d’un kilomètre. Nous cheminons sur une route bordée des deux côtés par une forêt de petits sapins. L’évasion serait chose bien facile, mais que faire dans cette forêt où tout ruisselle sous la pluie incessante ? Nous avons cependant l’impression que la surveillance se relâche, car nous sommes un petit groupe de quatre ou cinq et nous ne voyons personneni devant ni derrière nous.
Nous croisons un soldat allemand qui conduit un chariot, il s’arrête et nous interroge : « D’où venez-vous ? Où allez-vous ? ». Une Hollandaise qui est à nos côtés lui répond. Il parle longuement et paraît très satisfait, la Hollandaise nous traduit la conversation. Les Américains sont à Munich, un gouvernement bavarois s’est constitué pour capituler et demande l’armistice qui sera signé le soir même. Comme nous sommes en Bavière, le soldat nous indique que la guerre est finie. Ces nouvelles ont été annoncées par la radio le matin de bonne heure, mais elles sont fausses, nous le saurons le lendemain, car la révolte bavaroise a été vaincue par les SS à Munich. Il n’y aura donc pas de capitulation, mais cette information, lancée le matin du 28 avril, a disloqué toutes les forces militaires et civiles qui tenaient encore.
Nous accueillons cette nouvelle avec enthousiasme, nous ne sommes plus fatiguées et pensons plus à la pluie, nous annonçons la victoire et comme une traînée de poudre, l’information se répand parmi les groupes dispersés.
Dans un petit village, on nous fait arrêter afin de nous rassembler. Des Polonaises se mettent à l’abri près d’une maison dont la toiture forme auvent. Elles ne font rien de mal et ne dérangent personne, mais une aufserin leur ordonne de sortir et de se mettre sous la pluie. La révolte gronde, elles refusent, une bagarre s’ensuit, une Polonaise est giflée, mais l’aufserin récolte une égratignure qui lui laboure la joue et elle pleure à chaudes larmes pour notre plus grand plaisir.
Nous sommes trois sous un arbre qui regardons ce spectacle avec intérêt et aussi celui que nous donne la mine consternée d’habitants du village qui causent entre eux, près de nous. Une autre aufserin veut nous faire sortir et prend un ton de commandement qui n’est plus de circonstance. Je l’envoie promener avec violence : « Vous êtes vaincus, nom d’un chien, f…-nous la paix ! »
Elle ne comprend point le français, mais me regarde avec des yeux ronds et bat en retraite vivement. Cela va mieux, cela commence même à aller très bien pour nous.
Nous marchons encore et nous arrivons à une jolie petite ville, Wolfrathausen, nous lisons le nom sur un poteau, nous sommes à trente kilomètres de Munich.
Nous décidons à trois de ne pas aller plus loin et personne ne fait obstacle à notre décision. Nous reprenons ouvertement notre liberté et le commandant nous indique simplement que nous avons intérêt à rester avec le groupe. « Où irez-vous ? In n’y a plus de trains. Où mangerez-vous ? ». Nous avons avec nous plusieurs jours de provisions et pouvons dans une grange attendre l’arrivée des Américains. Nous tournons le dos à nos camarades et pensons les avoir quittées, lorsque nous voyons leur colonne s’arrêter, puis tourner et revenir vers nous. Alors nous les attendons et c’est avec tout le groupe que nous nous dirigeons vers une grande ferme où nous nous installons dans le foin et la paille. Nous sommes mouillées entièrement ainsi que nos couvertures, heureusement nos provisions ont été préservées.
La grande ferme dont nous occupons la grange est située à trois cents mètres environ de la petite ville de Wolfrathausen. Elle est entourée de prairies et l’une de celles-ci est traversée par l’Isar, la jolie rivière qui arrose Munich. Ces bords de l’Isar nous servent de cabinet de toilette, mais lorsque la neige recouvrira de nouveau la région, nous utiliserons les robinets des étables et des écuries.
Le lendemain de notre arrivée, le dimanche 29 avril, nous sortons à deux pour examiner notre nouveau domaine. Plus de soldats en faction pour nous garder, plus d’ausferins. Je marche à travers les prairies vers la route par laquelle nous sommes arrivées la veille.
– Où vas-tu ? demande ma jeune compagne.
Je réponds :
– Viens…
Car je n’ai point de but précis, peu importe les lieux, je cherche la liberté. Une fois sur la route, je prends le bras de la jeune femme et je lui dis :
– Nous sommes libres ! libres ! Comprends-tu ? Pour la première fois, après de bien longs mois, nous pouvons marcher pour notre seul plaisir et selon notre volonté.
Nous n’allons cependant pas très loin et lorsque nous revenons vers la ferme, nous croisons nos ausferins qui s’enfuient à bicyclette. Les brutes de Ravensbrück détournent la tête et s’aplatissent sur leur guidon ; nous les regardons d’un air narquois, en revanche, Frau Richter qui, à Munich, était chargée du vestiaire, nous dit « au revoir » avec un sourire fendu jusqu’aux oreilles.
Des voitures militaires passent en emportant des officiers allemands, certains avec des bagages et leur famille. Cela rappelle 1940 en France, l’heure de la revanche commence à sonner !
L’après-midi, notre exemple est suivi et beaucoup d’ex-prisonnières vont se promener au village. Les Yougoslaves qui sont une vingtaine, décident de partir vers leur pays.
J’essaie de leur expliquer qu’il est imprudent de s’en aller sur des routes où déferlent des armées en guerre, mais elles sont très décidées et s’en vont par petits groupes sans rien dire.
Le lundi 30, ce ne sont plus les autos d’officiers qui passent sur la route, ce sont les camions de soldats. Nous voyons ainsi un petit aspect de la déroute de la « Wermacht ». Les soldats sont épuisés et dorment assis sur le bord des trottoirs, ils sont sales et lamentables. Nous n’avons point de pitié, mais la plus belle satisfaction qu’il soit possible d’éprouver. Evoquer l’invasion de la France en 1940 par la « Wermacht » triomphante, se souvenir de sa puissance arrogante et voir, cinq ans après, ces pitoyables débris, c’est bien la preuve que nous avions eu raison de croire en la Justice. L’après-midi, des avions américains viennent bombarder la région. Notre grange surpeuplée, avec ses murs de planches qui ne se joignent pas, n’est pas précisément un abri. Aussi nous sortons et agitons serviettes, mouchoirs ou chemises, tout ce qui nous tombe sous la main et peut figurer le pacifique drapeau blanc. Les aviateurs comprennent de suite et s’éloignent de notre secteur.
Vers le soir, quatre fortes explosions nous secouent violemment à quelques minutes d’intervalles, ce sont le quatre ponts de la région que les Boches en reculant viennent de faire sauter.
Moins d’une heure après, le fermier nous annonce qu’il vient de hisser sur la ferme le drapeau blanc, car les Américains sont entrés à Wolfrathausen.
Notre commandant s’en va habillé en civil. Peu après, le commandant en second part aussi, mais en uniforme, avec une femme qui a joué parmi nous un vilain rôle. Nous les huons tous les deux, ils seront du reste arrêtés peu de jours après, par les Américains.
Toute la soirée, la grange va retentir des hymnes nationaux et des chants d’allégresse. Cette fois, c’est bien vrai, nous sommes libres !
Le 1er mai, de bonne heure, je me rends au village, j’ai hâte de voir l’armée victorieuse. Le pont sur l’Isar, qui a sauté la veille, est déjà réparé et peut être franchi. La grande rue fourmille de soldats américains et presque toutes les boutiques ont été pillées par des Russes évacués du camp de Dachau qui viennent d’être libérés comme nous. Des tanks de toutes dimensions, des chenillettes, des autos passent sans arrêt, d’autres sont arrêtés dans tous les coins. Une impression de puissance formidable se dégage de tout ce matériel de guerre et après le spectacle des deux derniers jours, il est très clair que la guerre ne va pas durer longtemps.
Dans notre grange, la situation devient très inconfortable, car la neige tombe dans la soirée de ce premier mai et le lendemain le joli paysage aux collines boisées avec, dans le fond, les hautes montagnes du Tyrol, a pris un aspect hivernal et la neige est gelée. Dans la grange mal close, nous gelons tout à fait et souhaitons que l’on nous trouve un autre gîte. Heureusement la nourriture s’est améliorée et nous avons une fois par jour une très bonne soupe avec de la viande et du macaroni. Le pain manque pendant deux ou trois jours, mais nos colis de la Croix-Rouge ont des biscuits. Les mauvais jours sont finis pour nous, nous ne souffrons que du froid et c’est bien peu de chose à côté de ce que nous imaginions quelques jours avant à Munich, en envisageant notre libération. Nous pensions payer plus cher la liberté !
Les troupes de choc de l’armée américaine ne pouvaient rien faire pour nous, ce sont les troupes d’occupation qui, arrivées deux jours après les premières, nous permirent de quitter notre grange pour aller nous installer au camp de Fohrenwald.
Ce camp est un véritable village avec des rues et des maisons aux toits en pente dans le style de la région et de très grands bâtiments, cantines, salle des fêtes, salles de douches, infirmerie, etc., créé pour les ouvriers de toutes nationalités volontaires ou requis, hommes et femmes, venus travailler pour le Reich dans une usine voisine.
Les Polonaises sont logées dans une rue, les hollandaises dans une autre. Nous nous mettons avec les Hollandaises, car nous serons évidemment rapatriées ensemble. Nous nous installons joyeusement dans une petite maison de la Weiner-Strasse et sommes ravies du confort que nous trouvons à côté de ce que nous avons eu jusque là.
Ces petites maisons sont faites pour quatorze personnes, avec chauffage central.
Pour les repas, on se rend à la cantine, vaste pièce aux murs couverts de peintures allégoriques, glorifiant le travail et le régime nazi.
Ce camp a été certainement créé dans un but de propagande. Les journaux nazis ont dû le célébrer dans toutes les langues européennes pour inviter les ouvriers à venir travailler en Allemagne. Ce qui est certain, c’est que les ouvriers du camp de Fohrenwald n’ont point connu de mauvais jours. Plusieurs en ont très volontiers convenu devant moi et surtout ils ont eu la chance, dans ce coin de campagne, de ne pas connaître les bombardements qui ont dévasté les villes.
Deux jours après notre installation, nous avons eu la joie de voir arriver quatre jeunes soldats de la Division Leclerc, dont la chenillette était en panne dans la région. Apprenant que des Françaises se trouvaient dans les parages, ils vinrent bien vite nous voir. Nous les avons accueillis avec enthousiasme, puisqu’ils représentaient l’épopée la plus magnifique et la plus glorieuse de la France combattante. Ils nous mirent au courant des événements militaires que nous ignorions et prirent l’habitude de venir tous les soirs dîner avec nous en nous ravitaillant de leur mieux. Grâce à eux, nous avons fait de très bons repas à la française. Le 7 mai, après avoir très bien dîné, nous buvions du vin du Rhin, venant de la cave de Hitler, lorsque, avec leur poste de TSF, qu’ils nous avaient prêté, nous avons appris la capitulation de l’Allemagne.
Grandes et belles heures de joie, pendant lesquelles s’estompaient les heures grises et noires que nous avions vécues.
CONCLUSIONS
Au terme de ces notes que l’exiguïté de notre journal a fait traîner en longueur, je ne veux pas m’attarder sur notre rapatriement, qui, s’il n’a point été sans fatigue, a été quand même le joyeux retour en France tant attendu et tant espéré.
Ce que je veux simplement sans acrimonie, sans haine, sans rancune personnelle, c’est dire ce que je pense de l’Allemagne.
Je sais qu’aujourd’hui il y a déjà dans le monde et en France bien des gens qui séparent les SS et les Nationaux-Socialistes, du peuple allemand. De là à nous reparler de la bonne Allemagne laborieuse, courageuse, etc., il n’y a qu’un pas, que certaine gens ont déjà franchi.
En réalité, ce peuple auquel on prête de si grandes qualités, est d’une invraisemblable veulerie, a un goût morbide de la servitude et sait jouer magnifiquement la comédie de l’innocence.
La veille de la fermeture de l’Usine Agfa à Munich, trente Polonaises qui y travaillaient comme nous, furent emmenées en camion dans le centre le la ville. Là, dans une grande salle, où il y avait un énorme four, dont elles n’ont pas pu comprendre quelle pouvait être l’utilité normale, on les employa pendant cinq ou six heures, à brûler des portraits de Hitler, Goering et de tous les chefs nazis, des drapeaux hitlériens et des brochures de propagande.
Ceci fait, on pouvait quelques jours plus tard, accueillir les Américains en leur disant comme presque partout ailleurs : « Oh ! ici, messieurs, nous n’avons jamais été nazis ! »
Il paraît que lorsqu’on parle aujourd’hui en Allemagne des horreurs des camps de concentration, les Allemands répondent que ces choses-là sont inventées de toutes pièces, que c’est invraisemblable car si c’était vrai, ils l’auraient su, alors qu’ils ne savent rien du tout.
Ces grossières comédies font malheureusement des dupes. Cela ne résiste pas pourtant, à cinq minutes de réflexion. Les Allemands ont connu l’histoire de Dachau et de quelques autres camps dès l’arrivée d’Hitler au pouvoir, car c’était pour le parti nazi un moyen de terroriser ses adversaires. Et il y a toujours eu, depuis 1933, énormément d’Allemands dans tous les camps. A Dachau, l’année dernière, certains s’y trouvaient depuis dix ans. Je n’ai pas besoin de dire qu’ils n’étaient pas nombreux et je m’empresse d’ajouter qu’ils devaient avour une solide constitution.
Les allées et venues des esclaves que nous étions, à travers toute l’Allemagne, ne pouvaient pas passer inaperçues non plus. Et les villages, et les petites villes situées près des camps, et dont le pavé, presque toutes les nuits, était martelé par nos gros souliers de bois, ne pouvaient pas nous ignorer.
Les Allemands savaient parfaitement tout se qui se passais chez eux. La jeunesse formée « à l’hitlérienne » approuvait, les gens les plus âgés devaient blâmer dans leur for intérieur, mais se gardaient bien, par prudence, de manifester quoi que ce soit.
C’est vraiment trop simple de rejeter sur quelques hommes seuls, une responsabilité qui revient à la nation entière. Les peuples sont responsables des gouvernements qu’ils se donnent ou qu’ils tolèrent. Les agissements en France du gouvernement de Vichy et des collaborateurs, nous ont dressés dans la grande révolte de la Résistance. Les Allemands ont vu pire chez eux, ils ont accepté sans bouger, lâchement, le déshonneur et la honte, ils doivent subir aujourd’hui collectivement, le mépris du monde civilisé.
Et le mépris ne suffit pas. Il reste le danger d’une jeunesse corrompue par un catéchisme infâme. Il reste une quantité considérable d’enfants dont les petits de cinq à six ans, à Munich, faisaient le geste de nous jeter des pierres, dont les plus grands nous regardaient avec insolence et mépris et les jeunes gens avec haine. On pourra peut-être rééduquer les petits, mais je ne crois pas qu’on sorte jamais de la cervelle d’un gosse de douze ans qu’il appartient à la race supérieure qui doit commander le monde.
Hitler est mort, mort aussi le National-Socialisme qui a conduit l’Allemagne aux abîmes. Mais le premier aventurier qui demain élèvera la voix, rassemblera de nouveau ce peuple sans courage, sans bon sens et sans conscience.
Je n’excite pas aux représailles qui n’auraient qu’un résultat, celui de nous abaisser à leur niveau. Personnellement, je le répète, je suis sans haine, je dirai presque sans rancune, mais j’ai un immense mépris, car je ne peux pas oublier ce que j’ai vu de souffrances et de morts provoquées par une indifférence sadique.
Au nom de tous ceux qui sont revenus malades et ont devant eux une vie brisée, pour tous ces témoignages de la brutalité et de la barbarie allemande, je demande la stricte Justice, c’est à dire le mépris et la méfiance la plus vigilante à l’égard de l’Allemagne.
FIN
Marie BARTETTE