Donc, la commune d’Arcachon entrera le 2 mai prochain dans sa 150e année d’existence officielle. Cent cinquante ans, pour une ville, c’est l’enfance babillarde. Mais c’est aussi un événement extraordinaire, face au chemin étonnant parcouru en si peu de temps. Car voici une belle ville complètement sortie du sable, une espèce de Las Vegas aquitain. Fort heureusement, la référence s’arrête là car les fondations du passé étaient déjà profondes. Sauf, si l’on en retient l’esprit pionnier, le côté far-west, la pousse de champignon et même le goût de l’aventure. Car il en a fallu une belle dose d’audace à tous ceux qui ont créé Arcachon. Il fallait oser y installer des établissements de bains sur des rivages perdus, à une époque où l’on considérait que se tremper dans l’eau de mer relevait encore de la folie furieuse, de la dépravation totale ou de la nécessité de soigner des enragés par des bains maritimes forcés.
Après, arrivent des visionnaires assez hardis pour poser une voie ferrée, pour bâtir des bâtiments loufoques, comme ce casino mauresque emberlificoté d’arabesques dorées et posé au milieu d’un parc entièrement artificiel, planté sur une dune remodelée. Ces mêmes, d’ailleurs qui furent assez fous pour transformer en pagode chinoise le buffet près d’ une gare, si banale qu’elle venait d’Agen. Car il fallait l’être, aventureux, pour ne vendre que du rêve et que du dépaysement, face à un horizon bleuté dans un univers peint comme un décor d’opérette, dressé face à une petite mer, romantique comme un lac italien et colorée comme un lagon tropical. « toujours de l’audace », prônaient les architectes et les financiers qui ont alors importé une station suisse dans nos dunes couvertes de pins, qui ont construit des palaces où vint le monde entier, qui ont creusé des avenues selon un plan parfait et, finalement, à travers des coups de pioches et de légers coups de pinceau sur des boiseries de dentelles, ils ont, tous, risqué leur argent contre cette monnaie de singe qu’est la mode.
Elle inventera d’ailleurs bientôt le plus futile de la vie : le tourisme. Et, malgré les caprices de cette mode, en les domptant, en les devinant, en les fabriquant aussi et en les flattant, tous ceux qui, au fil des ces 150 années, ont su durer, durer, durer, allonger des plages, les border de promenades, s’attaquer à la tuberculose, envoyer des bateaux pêcher au bout du monde, franchir les passes, ouvrir des usines, lancer des voiliers légers comme des mouettes et même inventer une société scientifique dans ce qui n’était qu’un village. Arcachon, c’est vraiment 150 ans d’ aventure, de joies, d’étonnement, de rivalités, de disputes, de douleurs et d’espérance. Plein d’histoires qui, depuis des millénaires, ont fait l’Histoire. On vous les racontera toutes, ou presque, au fil du temps, au fil des hommes, au fil de la fantaisie.
Jean DUBROCA