Chronique n° 076 – Quand le bâtiment va …

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Petite promenade dans l’Arcachon dans les années 1857/1858. La visite commence mal puisque qu’Henri Ribadieu, cité par Jacques Clémens, écrit en 1858 : « Là, se dresse une ville, moitié pins, moitié murs, mais qui n’en a pas moins des trottoirs, des boutiques, des bureaux de tabac et des réverbères, toutes choses assez agréables mais fort peu faites pour le style et d’une désolante vulgarité ». Ce n’est pas du tout l’avis d’Oscar Déjean qui, toujours en 1858, transforme les réverbères en candélabres. Il en compte soixante-cinq, en fonte de fer, dressés dans les rues principales et il admire leur modernité, puisqu’ils fonctionnent au gazogène. Déjean s’extasie aussi sur les neuf bornes fontaines, également en fonte de fer. Elles distillent « une eau claire, limpide et d’un goût excellent », venue d’un puits filtrant, puis d’un château d’eau de huit mètres de haut et de 15 000 litres de contenance. Ce réseau d’eau, à cause de joints qui fuient, va donner bien des soucis à la municipalité de Lamarque. Mais, pour l’heure, il produit son effet auprès des trois mille baigneurs dont les trains de plaisir triplent le nombre, les dimanches d’été.

Et Oscar Déjean de vanter encore « le nombre de maisons, chalets, hôtels, voire même châteaux – dans son enthousiasme, il en compte même plusieurs – qui, par leur variété d’architecture, de dimensions, de style, de couleurs et de position, forment ensemble le plus pittoresque effet ; leur nombre s’élève à trois cent douze ». Beaucoup de ces constructions restent encore assez légères, le plus souvent en bois ou en briques à plat, formant des murs de douze centimètres d’épaisseur. Mais Deganne démontre, avec son château, que l’on peut construire du très lourd sur le sable arcachonnais. De plus, écrit un visiteur : « Arcachon possède aujourd’hui près de cinq kilomètres de maisons bordant la plage et plusieurs d’entre elles ne le cèdent en rien pour l’élégance intérieure et extérieure, aux plus confortables habitations d’Enghien et de Montmorency ».

Toujours en 1858, Saint-Riel Dupouy lance, dans le “Journal d’Arcachon”, une image qui fait la célébrité de la station et qui, depuis, reste gravée dans la mémoire collective, sinon dans son inconscient. Il écrit : « Arcachon est une sorte d’Océanie française ; c’est Tahiti à quelques kilomètres de Bordeaux ». Et le même baigneur de jouir « du laisser aller le plus champêtre que vive à Arcachon une petite colonie d’hommes élégants et de femmes jeunes et charmantes ».

Il n’en reste pas moins que, Tahiti ou pas, il faut assurer la vie matérielle. Une promenade avec Oscar Déjean permet de découvrir qu’Arcachon, en 1857, dispose déjà de tout ce qu’il faut pour le bonheur des baigneurs. La poste aux lettres est installée au 104 du boulevard de la Plage. Elle offre, heureux temps du service public, deux distributions et deux départs de lettres par jour. Pour se soigner, l’on peut recourir à six médecins, au pharmacien ou au dentiste, tous installés boulevard de la Plage. Là encore, au 108, Jean Lacou vend des livres et des cartes marines et il ouvre son cabinet de lecture. Il concurrence ainsi Mme Vincent, installée un peu plus haut sur le boulevard. Mais, chez elle, on trouve le “Times” et “La Gazette de Madrid”. Les fumeurs s’approvisionnent dans deux débits de tabac, en sachant que celui du 44 boulevard de la Plage vend aussi de la poudre de chasse.

Les cuisinières vont au marché de la place Sainte-Anne, sous la mairie, tous les jours jusqu’à midi ou chez l’un des dix épiciers et elles disposent de six marchands de poisson, de trois dépôts d’huîtres ou de cinq vendeurs de vin. Les baigneurs, transportés par cinq voituriers, s’installent dans des maisons meublées, dans l’un des quatorze hôtels ou restaurants, ou bien dans la “pension bourgeoise” de Mme Lafon, tous situés boulevard de la Plage, ainsi que les trois cafetiers. Enfin, la florissante “industrie de l’étranger” est encore pratiquée avec beaucoup de zèle par trois bijoutiers, six bouchers ou charcutiers et par huit “lisseuses” et blanchisseuses. Et comme quand le bâtiment va, tout va, on trouve treize artisans qui prouvent qu’Arcachon est en plein essor. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

 

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Aimé

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