– Hé, adieu, ami promeneur, passager de notre machine à mécanique ondulatoire. Te voilà bien renseigné, puisque tu nous dis que la base aérienne de Cazaux change de chef. C’est donc l’occasion d’explorer, avec André Rebsomen, une partie du passé militaire du pays de Buch. Te rends-tu compte que, déjà, les Romains ont installé des postes de vigie à Lamothe et au Bourdieu, à Mios. En 802, Charlemagne crée le “gué de mer” qui parcourt nos côtes. Au XIIIe siècle, des sites de défense existent à Lège et à Certes. Car le pays de Buch exerce une certaine convoitise et ses côtes plates, sans autres défenses naturelles que de longs espaces sableux à parcourir mais que la nuit sans lune rend très vulnérables.
C’est pourquoi, par exemple, en 1650, les partisans de la princesse de Condé, une Frondeuse s’il en est, peuvent s’emparer du port naturel d’Arcachon pour faciliter un débarquement d’une escouade de leurs alliés espagnols. En 1666, des bateaux anglais forcent l’entrée du Bassin, au grand dam des garde-côtes recrutés d’office parmi la population. Ce qui prouve que la troupe ainsi formée ne doit pas montrer beaucoup de zèle militaire. Si bien qu’en 1721, le roi réorganise cette garde en la composant d’une compagnie sûrement plus efficace car forte de deux cents hommes. Il est vrai que la menace anglaise n’est pas un leurre, exacerbée qu’elle est alors par la politique coloniale menée par la Grande Bretagne qui s’attaque aux terres françaises d’outre-mer, mal défendues.
Cette menace se précise lorsqu’éclate en 1756, la guerre franco-britannique qui durera sept ans. En 1758, six compagnies de cinquante dragons à cheval patrouillent alors pour décourager toute tentative de débarquement. Puis éclate la guerre d’indépendance des futurs États-Unis d’Amérique où la France espère bien prendre sa revanche sur la “perfide Albion”. Ce qui explique qu’en 1778, le 15 décembre exactement, une ordonnance royale installe cent cinquante canonniers garde-côtes au fort Quentin, au sud du Moulleau. Cela après que des corsaires anglais eurent coulé vingt-trois bateaux boïates.
Puis, la guerre d’Amérique cessant, le fortin du Moulleau est mis en sommeil. Mais en 1792, l’Anglais honni s’inquiétant vivement de la destitution de Louis XVI, on multiplie les vigies côtières et l’on construit le fortin de la Roquette, à l’entrée sud du Bassin. Quinze volontaires enthousiastes y serviront dix canons, tandis qu’en 1793, les effectifs de surveillance passeront à deux cents hommes. Et voilà que le 5 mai de cette année-là, l’un des guetteurs signale qu’une armada arrive du large et qu’elle doit faire déferler sur les dunes au moins quarante mille Anglais ! Ce n’est qu’une fausse mais chaude alerte. Il y en aura d’autres mais le dispositif de défense s’avère si efficace que les vaisseaux royaux britanniques ne viennent plus rôder à proximité du Bassin. En 1803, il n’y a donc plus que là que vingt artilleurs. Fatale erreur !
Le 4 janvier 1807, cent dix marins Britanniques, à la suite d’une méprise, peuvent s’approcher de la côte et incendient le fort de la Roquette. La batterie sud, avec ses sept canons, connaît le même sort malheureux, le même jour. En hâte, on restaure le fortin et on installe quatre autres batteries. Les précautions ne sont pas inutiles puisque les quatorze canons du Moulleau, servis par trente-trois hommes, sauveront plusieurs navires pourchassés par des croiseurs anglais, narguant les Testuts jusque devant leurs côtes.
Mais le cœur patriotique n’y est plus. Les hommes refusent de prendre leurs tours de garde et, dès 1800, les désertions de conscrits se multiplient devant les exigences militaires napoléoniennes. Les deux tiers des appelés prennent ici le maquis. Il faut les comprendre : leur frontière à défendre, c’est cette côte de sable et de dunes et pas du tout les lointaines limites d’un empire qui voulait s’étendre jusqu’aux glaces de Sibérie … Résultat de ces ambitions démesurées : le 14 mars 1814, La Teste est prise par les Anglais et un navire testerin se saborde devant Moulleau. Avec lui, sombre aussi une glorieuse époque.