1908 – Les canots et pinasses automobiles pourvus de moteurs à pétrole

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Le moteur arrive à l’aide de la pinasse à voile et opère dans l’art de la pêche à la sardine une véritable révolution. En 1902, accompagné par Auguste Bert, Albert Couach développe la première pinasse motorisée du Bassin, baptisée Libellule.

Mise à l’eau en 1903, et fonctionnant au pétrole lampant (kérosène), elle est désignée « pétroleuse ».

La pinasse en usage sur le bassin d’Arcachon, embarcation frêle, à fond plat, se comportant d’une façon merveilleuse à la mer, est toute indiquée pour recevoir le moteur à essence, vrai joujou mécanique, qui vient ouvrir dans la région une ère nouvelle de prospérité.

Les canots et pinasses automobiles pourvus de moteurs à pétrole, non seulement pour excursions ou promenades en mer, mais pour la pêche à la sardine, ont accru notablement le travail dans les ateliers de construction comme l’atelier Bert, l’atelier Bossuet, et aussi dans les ateliers de mécaniciens comme les maisons Couach, Castelnau, Lapeyre, Villenave.

Je poursuivais ces réflexions ces jours derniers en faisant, avec un ami, une promenade à la Pointe de l’Aiguillon, tout aussi intéressante dans son genre que celle de Moulleau.

Nous avons passé, dans St-Ferdinand, devant les trois grandes Pêcheries où une animation continue prouve la vie intensive d’un travail incessant.

On remarque, boulevard Chanzy, une construction toute récente, de dimensions considérables. La façade mesure 25 mètres environ, et les bâtiments s’étendent sur une profondeur de près de 70 mètres.

C’est la « Compagnie des Docks frigorifiques, fabrique de glace, entrepôts frigorifiques. » Là encore une jetée pourvue de treuils voit courir des wagonnets porte-glace que l’on décharge dans un immense bac qui, actionné par un petit remorqueur, ira approvisionner les chalutiers à vapeur.

Nous constatons avec plaisir que la Pêcherie de Gascogne a réparé son incendie de cet hiver, en se faisant reconstruire très solidement tout en pierres.

Après avoir doublé, la Pointe de l’Aiguillon, avec ses crassats, ses canaux d’arrivages creusés dans les lais et relais de la mer, nous fîmes une visite aux ateliers Bossuet.

C’est merveille de voir la quantité d’embarcations en construction sous ces vastes hangars. À côté de yachts à vapeurs, comme celui de M. Calvé, remisés là pour leur hivernage, voici des tilloles de pêche pour 5 hommes, avec ou sans rames, avec ou sans dérive, pourvues d’un moteur avec hélice fixe, ou hélice à immersion variable.

Là, un canot de 4 mètres 50 à moteur et à rames, type de création nouvelle. Un autre petit canot à voile, à dérive et à moteur ; un sloop de plaisance sur un modèle de bac. Une pinasse de 11 mètres de long appartenant à M. Gauthier, de Tours, avec moteur Dietrich de 24 H.-P. Une tillole de 12 mètres avec moteur Piller de 18 H.-P., appartenant à M. Barbet[1], conducteur des Ponts et Chaussées à Arès. Toutes ces embarcations sont munies de capots en toile qui leur permettent non seulement de braver les embruns, mais de piquer dans la crête de la lame et de la traverser sans crainte d’emplir. Toutes ces constructions navales, d’une pureté de lignes admirables, sont en chêne ou pin de choix, façonnées avec un art et une précision mathématique où la solidité se marie à l’élégance.

Ainsi se justifie de plus en plus l’appellation nouvelle, la caractéristique récente d’Arcachon, qui de jour en jour devient un port de pêche.

N’oublions pas toutefois qu’il doit rester une ville climatique !

E. G.

À une période de découragement succède une confiance profonde, et une fièvre intense d’armement s’empare du pays ; on voit partout sur le littoral du bassin, dans les chantiers de construction, des pinasses automobiles qui se préparent.

Plusieurs maisons importantes s’occupent des moteurs un peu spéciaux employés à bord de ces bateaux. Toutes rivalisent de zèle pour pouvoir livrer à leur clientèle un moteur parfait, avec peu ou pas de pannes, en raison surtout du danger que présentent souvent les passes.

Parmi celles-ci, il faut citer les maisons Couach et Castelnau, d’Arcachon, et la nouvelle maison lyonnaise « Motonaute » de Parent frères, établie à Mestras, qui s’est fait en quelques mois une si grande réputation en produisant des moteurs qui détiennent le record de la vitesse, dix nœuds à l’heure, avec une consommation de 7 litres 1/2 d’essence.

On compte actuellement sur le bassin d’Arcachon une centaine de bateaux[1] automobiles se livrant à la pêche à la sardine, et ce nombre s’accroît de jour en jour, l’écoulement de ce poisson devenant de plus en plus facile par suite de l’installation de nombreuses usines à conserves. Gujan-Mestras qui, au commencement de l’année dernière, ne comptait qu’une usine, difficilement alimentée par les pinasses à voile qui ne pouvaient pas s’éloigner suffisamment des passes, obligées qu’elles étaient d’obéir à la marée, en compte aujourd’hui quatre importantes créées par d’intelligentes maisons de Bordeaux et de Bretagne ; deux autres maisons ont acheté du terrain et vont faire commencer la construction des usines au printemps ; d’autres encore sont en pourparlers pour l’achat de terrains à bâtir ; bref, l’automobilisme a transformé complètement la vie économique de toute la région.

MM. Parent frères, les distingués ingénieurs-constructeurs de Gujan-Mestras, nous prient d’insérer la lettre suivante qui ne manquera pas d’attirer l’attention des yachtmen et des pêcheurs à la sardine de la région :

Gujan Mestras, le 20 mars 1909.

Monsieur Couach, mécanicien, Arcachon,

Par l’entremise de MM. Castaing Ariès et Maurice Ménard, de Mestras, vous nous avez adressé un défi consistant en un match avec enjeu de 200 francs à courir entre deux pinasses automobiles, de pêche, soit, la Jeanne d’Arc, moteur Couach, de 125 d’alésage et 150 de course, et l’Eclair, moteur « Motonaute », de 125 d’alésage et 140 de course.

Bien que l’Eclair, lancé le 15 août dernier (il prit part le 16 aux régates d’Arcachon), soit handicapé par l’âge, la Jeanne d’Arc étant sorti de vos ateliers ces jours derniers, nous sommes heureux, dans l’intérêt de la population maritime et de l’industrie automobile, de relever le gant.

Nous nous tenons donc à votre disposition pour courir ce match, au jour, à l’heure et aux conditions qu’il vous plaira de nous imposer, soit qu’il vous plaise de faire une course de consommation, de vitesse ou d’endurance.

Si vous n’y voyez pas d’inconvénient, nous proposons de consacrer le montant de l’enjeu, à un banquet où seront invités les deux équipages des bateaux, leurs armateurs et leurs constructeurs.

À vous lire, veuillez croire, Monsieur et cher confrère, à nos sentiments très distingués.

Parent Frères.

 

Gujan-Mestras, le 2 avril 1909,

Monsieur le Directeur,

Pour qu’aucun doute ne subsiste dans l’esprit du public au sujet du match qui nous a été proposé par M. Couach, le constructeur bien connu d’Arcachon, nous vous serions reconnaissants de vouloir bien publier dans votre prochain numéro la déclaration suivante que nous ont remise les marins cités dans notre précédente lettre.

Avec nos remerciements anticipés, veuillez agréer, Monsieur le Directeur, nos civilités empressées.

Parent Frères.

 

« Les soussignés, Ariès Castaing et Maurice Menard, marins, demeurant à Mestras, déclarent que M. Couach, demeurant à Arcachon où il exerce la profession de constructeur-mécanicien, a porté devant eux un défi-match avec enjeu de deux cents francs entre les bateaux Jeanne d’Arc (moteur Couach,) et Eclair (moteur Motonaute) ajoutant même qu’il payerait l’essence. »

(Signatures soussignées).

 

Gujan-Mestras, le 2 avril 1909,

Monsieur et cher confrère,

Nous sommes entièrement surpris de n’avoir pas eu de réponse à notre lettre du 20 mars. Nous ne savons à quoi attribuer votre silence, Craignez-vous que nous ne poursuivions une réclame d’ordre professionnel. Nous vous prions de croire qu’il n’en est rien, et que nous n’avons en vue qu’une distraction sportive.

 

Votre vieille et excellente réputation, à laquelle nous nous plaisons à rendre hommage, étant bien au-dessus d’un match de cette importance, en admettant même que la chance ne vous favorisât pas.

Cependant, il serait profondément regrettable que la population maritime du littoral du bassin, très sportive, comme vous le savez, soit privée d’un de ses spectacles favoris.

Peut-être, et cela confirmerait certains bruits qui nous sont parvenus, l’armateur de la Jeanne d’Arc (Old man of the old world) oppose-t-il un refus formel à laisser courir son bateau ? Dans ce cas il ne vous sera pas difficile de trouver dans votre nombreuse flottille, une pinasse de même puissance qui remplace avantageusement la sienne.

Néanmoins, il est inadmissible qu’après nous avoir conviés à un match qui nous a agréablement surpris, vous vous enfermiez maintenant dans un silence qui pourrait être apprécié de différentes façons.

Allons, Monsieur Couach, un bon mouvement S. V. P., et parce que l’un de nous aura offert, à d’excellents garçons, un non moins excellent déjeuner, nous n’en mourrons ni l’un ni l’autre.

À vous lire, combattant, veuillez croire, Monsieur et cher confrère, à nos sentiments très cordiaux.

Parent frères.

Tous nos lecteurs ont encore présent à la mémoire le défi lancé par M. Couach, le constructeur arcachonnais, défi immédiatement relevé par MM. Parent frères, et qui devait mettre aux prises les deux bateaux automobiles Jeanne d’Arc et Eclair. Le forfait regrettable de M. Couach nous a privés de l’intéressante émotion qui se dégage toujours d’un match nautique.

Il nous a été donné cependant, grâce à l’obligeance de M. Barat, le sympathique adjoint au maire de Gujan-Mestras, d’étudier de près le fonctionnement du merveilleux petit moteur de sa pinasse de pêche automobile Eclair, dont la construction est due aux distingués ingénieurs MM. Parent frères.

M F. Parent a eu l’extrême amabilité de bien vouloir piloter lui-même Eclair et nous faire apprécier, en même temps que les charmes d’une longue excursion dans le bassin, les mérites et les avantages de son « Motonaute ».

Et, à l’heure où la brise frissonne encore du baiser de la nuit, nous nous sommes embarqués sur Eclair au bout de la jetée de la place Thiers qui semble poser sur l’eau verte du bassin son antenne blanche de grand papillon.

Quelques tours d’hélice, et nous nous rapprochons de l’Ile aux Oiseaux, qui dresse au dessus des flots les tuiles rougeâtres de ses maisonnettes. Et un panorama unique se déroule : Arcachon et sa longue file de villas dont les vives couleurs se détachent dans le décor sombre des profondes forêts de pins. Et Eclair continue sa marche rapide, régulière, vers la mer. De chaque côté c’est maintenant la baie au sable jaune, enserrée entre les dunes d’un or blanc et délicat, et où se piquent çà et là en grappes de petits villages : à gauche Moulleau, Le Pilat ; à droite la villa Algérienne, l’Herbe, le Canon, et devant, le phare se dresse au-dessus des pins comme un blanc fantôme. Nous nous rapprochons de plus en plus de 1a mer qui crache son écume à l’entrée des passes.

Quelques lames nous éclaboussent à peine et nous les franchissons par le nord, continuant notre course rapide vers la passe sud en laissant de tous côtés les voiles blanches des pêcheurs de maquereaux qu’une légère brise enfle à peine. Et c’est le retour, le long des hautes dunes blondes, au bord de la plage dont le sable fin boit les sanglots monotones des vagues.

Mais, M. Parent, qui ne perd pas le nord, nous dit brusquement de descendre des hauteurs où nous planons pour nous entretenir de questions plus terre à terre. Il nous parle consommation et nous sommes obligés de reconnaître que son excellent petit moteur est véritablement le…. dromadaire du désert océanique. Il ne brûle, en effet, pas plus de sept litres d’essence à l’heure, quoique le loch ait constamment indiqué une vitesse de dix nœuds.

Quel plaisir n’éprouve-t-on pas, dans de longues randonnées, à être conduit par un moteur à qui la panne est inconnue ? Régularité, vitesse, économie, telle nous semble être la devise du Motonaute et nous ne pouvons que féliciter MM. Parent d’avoir trouvé le moteur idéal dans lequel le marin a confiance lorsqu’il explore la vaste mer.

Mais le soleil va se coucher et ses derniers rayons incendient les nuages qui floconnent au dessus de la forêt. Le phare s’allume, et nous reprenons nos places sur Eclair qui rapidement fend l’eau, en éparpillant autour de lui, dans sa course vers Arcachon, des pluies de paillettes phosphorescentes.

Le 6 mars 1910, route de Bordeaux à Gujan, a lieu la vente aux enchères suite à la liquidation « Parent frères »

Arcachon-journal du 24 janvier 1909, & 21 mars & & 4 avril 1909 & 23 mai 1909

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5423531q/f1.image.r=%22parent%20fr%C3%A8res%22?rk=42918;4

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5423545r/f1.image.r=%22parent%20fr%C3%A8res%22?rk=107296;4

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5423549d/f1.image.r=mestras?rk=150215;2

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k61318396/f1.image.r=%22parent%20fr%C3%A8res%22?rk=64378;0

[1] – Vous en avez un aperçu à l’adresse https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5423538m/f2.image.r=%22parent%20fr%C3%A8res%22?rk=85837;2

L’Avenir d’Arcachon du 16 mai 1908

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5431239n/f2.image.r=ar%C3%A8s?rk=9184594;4

[1] – Est-ce  Léandre Firmin Barbet, 1856-1912 ?

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Raphaël

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