L’amiral ottoman-turc bien connu Piri Reis, de son vrai nom Hadji Muhiddin Piri Ibn Hadji Mehmed[1], est géographe et cartographe. Il est né entre 1465 et 1470 à Gallipoli sur la côte égéenne de la Turquie ; en 1554, âgé de près de quatre-vingt-dix ans et commandant les navires des mers rouge et arabe, Piri est victime des intrigues de la cour ottomane. Après sa défaite lors d’une bataille navale avec les Portugais, des responsables égyptiens, où Piri est récemment arrivé, déclarent au sultan qu’il s’est enfui de la bataille afin de se sauver lui et son butin accumulé de ses nombreuses décennies de piratage et de service dans la marine turque. Le sultan ordonne sa décapitation et ses trésors sont emmenés au palais de Topkapi à Constantinople (devenue Istanbul en 1930).
Avant de devenir le célèbre amiral, géographe et cartographe ottoman-turc, Piri Reis commence sa carrière maritime vers la fin du XVe siècle, sous le commandement de son oncle Kemal Reis, un marin bien connu de l’époque. Il mène de nombreuses batailles navales aux côtés de son oncle, et sert ensuite sous Khayr ad-Dîn Barbarossa (Barberousse). Il participe à de nombreux combats contre les marines espagnole, génoise et vénitienne, notamment la première bataille de Lépante (bataille de Zonchio) en 1499 et la deuxième bataille de Lépante (bataille de Modon) en 1500.
Entre ces actions militaires, et après la mort de son oncle Kemal Reis en 1511, Piri Reis revient à Gallipoli pour concevoir une première carte du monde en 1513. En 1516, Piri Reis est capitaine de navire dans la flotte ottomane. Il participe à la campagne 1516-17 contre l’Egypte, et en 1517 montre sa carte du monde au Sultan Selim I en séjour au Caire.
Piri Reis est aussi principalement connu pour son recueil de cartes contenues dans son Kitab-i Bahriye[2] (Livre de navigation), ouvrage rédigé entre 1511 et 1521. Il participe l’année suivante au siège de Rhodes contre les Chevaliers de Saint-Jean qui se terminent par la reddition de l’île aux Ottomans le 25 décembre 1522 et le départ permanent des Chevaliers de Rhodes. En 1524, il est capitaine du navire qui emmène le grand vizir ottoman Makbul Ibrahim Pacha en Égypte. Suivant les conseils du vizir, il édite son livre de navigation et peut le présenter au sultan Soliman le Magnifique en 1525. Trois ans plus tard, il présente sa deuxième carte du monde au sultan.
Le mystère entoure son long silence de 1528 jusqu’à sa réapparition en 1547 : Piri Reis a atteint le grade de Reis (amiral) et commande la flotte ottomane dans l’océan Indien et l’amiral de la flotte en Égypte, avec son siège à Suez. Le 26 février 1548, il reprend Aden aux Portugais, suivi en 1552 par la capture de Mascate, que le Portugal occupe depuis 1507, et de l’importante île de Kish. Tournant plus à l’est, Piri Reis capture l’île d’Ormuz dans le détroit éponyme. Lorsque les Portugais tournent leur attention vers le golfe Persique, Piri Reis occupe la péninsule du Qatar et l’île de Bahreïn pour priver les Portugais de bases appropriées sur la côte arabe.
Sa célèbre carte du monde compilée[3] découverte[4] en 1929, lors de la réfection du musée du palais Topkapi Sarayi[5], est la plus ancienne carte turque connue montrant le Nouveau Monde, et l’une des plus anciennes cartes d’Amérique encore en existence. Celle-ci fut réalisée à partir de cartes portugaises et de celle de Christophe Colomb[6] pour élaborer la carte du Nouveau monde et des Antilles, cela seulement une vingtaine d’années après sa découverte. Elle est signée par Piri Reis et datée de Muharram 919 (9 mars-7 avril 1513). Les documents dont s’est inspiré Piri Reis pour dresser sa carte de 1513 étaient conservés, selon toute vraisemblance, à Constantinople, dans la Bibliothèque Impériale, à laquelle l’amiral pouvait accéder librement ; y compris des cartes conçues personnellement par Christophe Colomb que son oncle Kemal Reis avait obtenues en 1501 après avoir capturé sept navires espagnols au large de Valence en Espagne avec plusieurs membres d’équipage de Colomb à bord. Nous ne possédons que le fragment d’une carte trois fois plus grande représentant le monde connu à l’époque, et dont le reste est aujourd’hui perdu.
La partie de la carte qui subsiste montre les côtes occidentales de l’Europe et de l’Afrique du Nord et la côte du Brésil avec une précision raisonnable en plus de diverses îles de l’Atlantique, y compris les Açores et les îles Canaries.
Le Havre d’Arcachon semble y figurer mais n’est pas nommé
Dans les notes Piri Reis cite continuellement les cartes des Portugais à qui il aurait été commode que la côte de l’Amérique du Sud sous le Brésil tourna brusquement vers la droite, vers l’Afrique,
de manière à s’inscrire dans les 180° attribués au Portugal par le traité de Tordesillas de 1494. Il est curieux de voir l’île de Marajó à l’embouchure de l’Amazone qui ne sera découverte qu’en 1543 ; les îles Malouines ne seront découvertes qu’en 1592 ; les Andes sont représentées, elles ne sont pas encore connues ; le Lama, mammifère typique de l’Amérique du sud, est peint sur les Andes, il a été identifié en 1598 par les Espagnols ; les grandes îles au-dessus de l’équateur, inconnues, correspondent aux haut-plateaux sous-marins des îlots Saint-Pierre et Saint-Paul, sur la Grande Dorsale Atlantique dont personne ne soupçonnait l’existence ; l’Amérique du sud est reliée à l’Antarctique par un isthme qui a disparu il y a 10 000 ans et on y voit les côtes de l’Antarctique qui ne sera découvert qu’en 1818 : la présence de la côte de la Terre de la Reine Maud constitue un véritable casse-tête dans la mesure où les données fournies par la géologie[7] confirment que la date la plus tardive à laquelle elle aurait pu être relevée et cartographiée libre de glaces est 4000 av. J.-C. En d’autres termes, la véritable énigme posée par cette carte de 1513 n’est pas tant le fait qu’elle comprenne un continent resté inconnu jusqu’en 1818, mais qu’elle décrive une partie de la côte de ce continent dans des conditions climatiques qui ont pris fin il y a six mille ans et ne se sont pas renouvelées depuis. Charles Hapgood a utilisé de nombreuses cartes d’archives, pour affirmer qu’elles montrent un vaste continent méridional à peu près similaire à l’Antarctique dans sa forme ; il propose qu’un changement de pôle de 15 degrés se soit produit il y a environ 11 600 ans, et qu’une partie de l’Antarctique fût libre de glace à cette époque. La position de Hapgood semble maintenant se rapprocher du ridicule, non seulement pour ses affirmations exubérantes et son étirement des preuves dans le domaine de la fiction, mais aussi à la lumière des travaux récents sur l’histoire de la cartographie. Les travaux volumineux récents de Harley et Woodward, de loin les meilleurs sur le sujet, montrent en détail le rôle méritoire de la cartographie musulmane et de la science nautique : des cartes, selon toute vraisemblance, ont été dressées par un peuple inconnu, puis léguées à d’autres civilisations – peut-être les Crétois de l’époque de Minos et les Phéniciens, qui furent, pendant plus de mille ans, les plus grands marins du monde antique. « Il n’existe pas d’autres cartes au monde telles que celles-ci« , affirme Piri Reis en marge de ses cartes ainsi que dans son Kitab-ı Bahriye. « Je les ai composées à partir de vingt chartes (provenant de la Bibliothèque d’Alexandrie), à partir de portulans de quatre Portugais qui montrent le Sind, le Hind et la Chine, ainsi que d’une carte dessinée par Colomb… Elles sont aussi correctes pour la navigation sur les Sept Mers que les cartes de notre pays. L’ouvrage, précise l’auteur dans son introduction, comprend toutes les côtes, les îles peuplées ou désertes, les rivières, les roches à fleur d’eau ou sous l’eau, les bancs de sables ; j’y ai marqué exactement la situation de tous les ports […] et les lieux propres à faire des descentes sur les côtes des chrétiens« . Pointillés ou croix signalent en effet les bancs et les roches immergés selon une codification qui s’imposera progressivement.
On sait, par d’autres recherches, que Piri Reis avait à son service un esclave, qui avait été le pilote de Colomb. Lorsqu’il est capturé par les Barbaresques, ce pilote a même en sa possession une des cartes qui a servi à Colomb au cours de trois voyages. On sait également que Piri Reis s’est servi, pour ses compilations, de huit chartes grecques anciennes, transmises par tradition depuis l’époque d’Alexandre le Grand.
La seconde carte, datant de 1528 à 29, seule la partie représentant l’hémisphère occidental a survecu. Il est en couleur et a des figures ornementales sur les marges avec des notes explicatives. La partie existante montre la partie nord de l’océan Atlantique et les régions récemment découvertes d’Amérique du Nord et d’Amérique centrale. Elle montre quatre roses des vents et le tropique du Cancer, qui ne figurait pas sur sa première carte du monde, apparaît sur cette carte. Les échelles utilisées dans la deuxième carte sont plus grandes que la première. Le dessin des côtes montre une grande amélioration de la technique et ressemble également beaucoup à la conception moderne de ces zones. Les sections pierreuses et rocheuses reçoivent un soin particulier.
https://www.1001inventions.com/maps
https://sens2lavie.com/piris-reis-et-le-mystere-des-cartes-antiques/
http://philippelopes.free.fr/Antarctique.htm
http://www.diegocuoghi.com/Piri_Reis/McIntosh/McIntosh_PiriReis.htm
http://secretebase.free.fr/civilisations/cartesantiques/cartesantiques.htm
http://www.diegocuoghi.com/Piri_Reis/McIntosh/McIntosh_PiriReis.htm
http://expositions.bnf.fr/islam/albums/sciences/textes.xml
https://muslimheritage.com/piri-reis-16th-c-cartographer-navigator/
http://secretebase.free.fr/civilisations/cartesantiques/cartesantiques.htm
Pour aller plus loin :
http://www.diegocuoghi.com/Piri_Reis/PiriReis.htm
Et, si vous voulez vous régaler, ne serait-ce que des yeux, feuilletez donc le Kitab-ı Bahriye dédié au sultan Soliman I (le Magnifique) ; le présent manuscrit compte quelque 240 cartes extrêmement soignées et des graphiques portulans. Parmi les cartes, on retrouve une carte du monde avec le contour des Amériques (feuillet 41a) et des cartes des côtes, avec les baies, les caps, les péninsules, les îles, les montagnes et les villes du bassin méditerranéen et de la mer Noire. L’ouvrage commence par une description de la côte d’Anatolie et des îles de la mer Égée, de la péninsule du Péloponnèse, ainsi que des côtes orientales et occidentales de la mer Adriatique. Le livre se poursuit avec une description des rives occidentales de l’Italie,
de la France (feuillet 134), de l’Espagne, de l’Afrique du Nord, de la Méditerranée orientale, de l’ouest de l’Anatolie, de diverses îles situées au nord de la Crète, de la mer de Marmara, du Bosphore et de la mer Noire. Il se termine par une carte des rives de la mer Caspienne, sur le feuillet 374a. Malheureusement, rien sur Arcachon !
https://www.wdl.org/fr/item/9210/view/1/1/
[1] – Il a été appelé Reis pour son excellence en tant que capitaine de vaisseau (de l’arabe ra’îs al-bahr, ra’îs al-markab, ra’îs ou rayis pour capitaine ) ; il a atteint le grade de Reis : amiral.
[2] – Le livre a été écrit à l’origine entre 1511 et 1521, mais il a été révisé avec des informations supplémentaires et des cartes mieux conçues entre 1524 et 1525 afin d’être présenté en cadeau au sultan ottoman Soliman le Magnifique. Piri Reis a dessiné ces cartes lors de ses voyages autour de la mer Méditerranée avec son oncle Kemal Reis. L’édition révisée de 1525 a un total de 434 pages et contient 290 cartes. Expert en matière d’hydrographie méditerranéenne, Piri Reis y fournit une description complète des côtes, ports, courants, hauts-fonds, atterrages, baies et détroits des mers Egée et Méditerranée.
[3] – La carte est basée sur une vingtaine de cartes plus anciennes, y compris des cartes conçues personnellement par Christophe Colomb que son oncle Kemal Reis avait obtenues en 1501 après avoir capturé sept navires espagnols au large de Valence en Espagne avec plusieurs des membres de l’équipage de Christophe Colomb à bord.
[4] – En 1929, lors de la réfection du musée du palais Topkapi Sarayi d’Istanbul, le directeur des musées nationaux turcs, M. Halil Edem mit la main sur la fameuse carte en peau de gazelle. La carte est datée de Muharram 919 (9 mars-7 avril 1513).
[5] – Signifie littéralement « palais de la porte des canons », d’après le nom d’une porte voisine aujourd’hui disparue.
[6] – Un texte inséré à l’intérieur de l’Amérique du Sud explique la façon dont une carte de Christophe Colomb a été utilisée.
[7] – Il faudra atteindre 1949, pour qu’une équipe scientifique anglo-suédoise effectue un revelé sismique exhaustif de la Terre de la Reine Maud, qui ressemble à s’y méprendre à la carte de Piri Reis.