Un phénomène étrange : la marée.

Imprimer cet article Imprimer cet article

Les coefficients remontent, on va pouvoir naviguer ! Petite causerie vespérale consacrée à un phénomène étrange : la marée.

Que le lecteur aussi HTBoïate que numérique, quelquefois dans la lune, se rassure, je ne vais pas lui faire un cours d’astronomie pour expliquer le phénomène. D’ailleurs je ne l’expliquerai pas. D’une part c’est compliqué, d’autre part laissons un peu de mystère. Tout au plus, je rappellerai quelques termes et éléments notables car c’est une chose qu’on ne peut ignorer au fond de la bassine, tant elle conditionne les activités du pêcheur à pied, du baigneur, du navigateur et autrefois de l’ostréiculteur.

Tout d’abord il faut dire que le bassin d’Arcachon bénéficie de marées semi-diurnes (se répétant deux fois par jour), tandis que d’autres endroits du globe n’ont droit qu’au régime diurne (une fois par jour). Conséquemment les estivants épris d’aquatisme ont deux fois plus de chance de trouver la mer ici plutôt que dans le golfe du Mexique, à Okhotsk, en Chine méridionale, dans le nord-ouest du golfe de Thaïlande ou à Java. Ils ont donc bien raison de venir chez nous.

L’amplitude de ces marées, la différence de hauteur entre la basse-mer et la marée haute, autrement dit le marnage, parait importante dans le bassin d’Arcachon tant la marée descendante y découvre de terres. Et pourtant celle-ci est relativement faible (2,5 mètres en moyenne et autour de 3,90 m en vives-eaux). Ce n’est que la presque horizontalité du fond du bassin qui donne cette impression d’une forte amplitude de marée. Le marnage est en réalité ici tout petit en comparaison des quatorze mètres observés dans la baie du Mont-Saint-Michel (par coefficient de 120), un lieu où la mer est réputée monter à la vitesse d’un cheval au galop. Le bassin quant à lui se remplit plutôt à la vitesse d’un âne récalcitrant.

Un peu de vocabulaire basique permet de décrire les différentes phases de la marée : l’étale de basse-mer (marée basse) ; le flot (la marée monte) ; l’étale de flot ou marée haute dite aussi le « plein » ou encore le « gros » ; le jusant (la marée descend, on dit qu’elle « déchale »)… et on recommence. Si le baigneur s’intéresse surtout à la marée haute, ceux qui vont sur les flots en bateaux se préoccupent de toutes ces étapes, y compris les intermédiaires (flot et jusant) qui induisent les plus forts courants, favorables ou défavorables, surtout dans les passes — jusqu’à 5 nœuds, soit un peu plus de 9 km/h, ce qui correspond peu ou prou à la vitesse d’un petit voilier qui, s’il a le courant dans le nez, se retrouvera à régater avec les bouées et balises. On observera que les termes décrivant la marée haute sont bien plus nombreux que ceux relatifs à la marée basse — cependant Raymond Devos s’est intéressé à cette dernière et évoquait alors une « mer démontée ».

Et puis il y a les coefficients, exprimant les variations de marnage liées à la position relative de la lune par rapport au soleil. On parlera de mortes-eaux pour les coefficients inférieurs à 40, lorsque les marées « perdent ». Cette semaine nous étions dans cette période et il ne se passait pas grand-chose sur l’eau au fond du bassin en raison de la faible élévation de celle-ci ne permettant pas à beaucoup de bateaux de sortir des ports. Le pêcheur à pied ne s’en satisfait pas plus car le niveau de la mer descend alors très peu.

Au contraire lorsque les coefficients de marée grimpent au-dessus de 70, ce sont les vives-eaux qui vont produire de plus grandes hauteurs d’eau au plein, mais aussi découvrir davantage de terres à marée basse. Lorsque ces coefficients dépasse 90, on parle alors de grandes marées, les reverdies ou encore les malines. Les plus forts coefficients correspondent aux marées de syzygies (lune et soleil en conjonction ou en opposition). La marée haute des vives-eaux sera qualifiée de « vif de l’eau »ou de « gros de l’eau ».

Comme nous sommes en pays d’ostréiculture (encore un peu), il faut signaler le terme de « marée de patron ». C’est une marée déchalant beaucoup permettant au travail du parc de durer plus longtemps, chose qui fait le bonheur du patron et désespère l’employé qui « est à la marée » (qui travaille aux parcs).

Une marée c’est aussi une campagne de pêche. Au sens propre et initialement elle durait autant qu’une marée, soit environ douze heures. Puis elle prit le sens de la durée de la campagne de pêche et peut aussi bien se prolonger quinze jours. Rapporter une bonne marée signifie pour le pêcheur ramener une belle quantité de poissons. Ceux-ci sont vendus par un mareyeur au poissonnier qui vend alors la marée, c.-à-d. les poissons et crustacés du jour.

Enfin, il y a les expressions imagées. Si l’on comprend aisément le sens de « lutter contre vents et marées » ou de « rater la marée », comment deviner que « tenir la marée » désigne chez un marin sa capacité à absorber une grande quantité d’alcool sans paraitre en être incommodé ? Une qualité que possédait indéniablement Raoul de Godewarsvelde.

 

Ce champ est nécessaire.

Aimé

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *