Un mot d’ici, inconnu ailleurs : le « craquoï »

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Petite causerie vespérale relative à un mot d’ici, inconnu ailleurs : le « craquoï ». C’est du patois du Bassin.

Tout comme les mastouns, qui firent l’objet d’une précédente causerie, le terme est spécifique au bassin d’Arcachon et le lecteur aussi HTBoïate que numérique ne le trouvera nulle part ailleurs. Nous sommes là également en présence d’un mot provenant typiquement du patois local.

J’imagine que certains beaux esprits s’insurgent, me vilipendent, me traitent de joculateur (possiblement précoce), voire me promettent le sort funeste des suppliciés sur les escaliers romains des Gémonies pour oser parler de patois en cette occurrence.
« Voyez donc ce mironton qui confond le patois et le gascon » se rengorgent-ils probablement. L’origine certifiée gasconne du craquoï est d’ailleurs dûment attestée dans diverses publications visibles notamment sur la toile numérique.
J’en suis bien marri.

François Lafaye, dans son ouvrage fort sympathique et intéressant « Le Parler du Bassin » (vendu au prix de 10 €, autant dire presque gratuit et il serait conséquemment dommage de se priver de cette lecture aussi roborative que jubilatoire), ne tombe pas dans le panneau et explique très justement qu’il s’agit d’un « petit coquillage parasite se déposant sur les tuiles de collectage, les pignots et les huîtres ». Il cite la patelle (ou bernique) qu’on appelle souvent ici le « chapeau chinois ». J’ajouterai que la chose est en réalité un terme générique associant plusieurs crustacés, plutôt formée des agglomérats de balanes, et que ces coquillages se collent (véritablement) sur les carènes de nos bateaux et en affaiblissent les performances.

Pour ma part, si l’on me demandait d’exprimer en quelques mots ce qu’est le craquoï, je dirai simplement que c’est une belle saloperie.

Mais revenons aux thuriféraires du gascon, ceux qui en voient partout et quelquefois là où il n’est pas, y compris dans les mastouns et les craquoïs. On ne trouve aucune trace de ces mots (avec les différentes orthographes possibles) dans le pourtant très complet dictionnaire gascon en ligne Lexilogos. Quant aux excellents ouvrages que sont le Dictionnaire Gascon-Français de Pierre Méaule et le Lexic Francés-Gascon du biscarrossais Philippe Lartigues, ils en ignorent tout également l’existence.

Essayons de voir plus loin que le bout de notre nez, même s’il rivalise avec celui de Cyrano (la longueur de cet organe est parait-il proportionnelle à celle d’un autre et ça m’arrange).
Tout d’abord l’orthographe est évidemment approximative. Oublions les lamentables « crakoy » et « crakoï » — Mais quelle est cette manie de mettre des « k » partout (cette lettre n’existe pas dans l’alphabet gascon, pas plus que le « y »), comme dans l’inénarrable « Kayok » ? — et remarquons l’existence de « cracoï, craquoï, cracoy et craquoy ». Aucune de ces graphies ne reflètent cependant parfaitement l’ascendance gasconne du terme.

Car, il ne faut pas le dissimuler plus longtemps, si le mot n’est pas gascon, il en est certainement issu. A ce sujet, pour faire vraiment local, il faudrait donc plutôt écrire « cracòi », comme on écrivait « chicòi », le « petit » dont de nombreux HTBoïates connaissent la cabane, dite du chicoy. Hélas nous ne sommes pas de farouches Basques ayant su imposer nos mots correctement orthographiés.

Mon hypothèse est la suivante : le gascon possédant le verbe « cracar », signifiant craquer ou encore crépiter, le patois local en dériva le terme « cracòi » pour désigner ces brimborions de coquillage qui craquent, crépitent, mais ne se décollent pas, lorsqu’on appuie dessus. Bref des trucs qui font « crac », qui craquettent ou craquottent. Des sortes de Krisprolls gascons qui cependant ne se mangent pas.

Que le grand Cric me croque si je me trompe.

Thierry PERREAUD

 

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Aimé

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