Souvenirs d’un ado en vacances à Bisca Plage…

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Souvenirs d’un ado en vacances à Bisca Plage…

Les parties de baby-foot chez Cacagne, les crêpes chez le père Aglaë, les soirées vachettes landaises du mercredi, les séances épouvantes de minuit au ciné Atlantic, les soirées dansantes au CLJ, les 1h00 du mat sont rarement dépassées avec un goût d’inachevé, irrésistiblement la douceur de la nuit estivale attire, prolonger toujours plus loin, toujours plus tard….

Immanquablement, nos balades nocturnes de fin de soirées nous font passer devant un endroit qui nous fascine, nous aimante, non pas le 36 quai des Orfèvres mais plus modestement le 46 rue du Grand Vivier !

La lourde porte de bois s’ouvre laissant sortir quelques clients, en même temps comme dans un souffle, la voix rieuse de Mungo Jerry et son « Summertime » au rythme chaloupé envahit la rue.

Quelques jeunes se présentent à l’entrée, tous bien habillés, les filles sont maquillées et jolies, puis le groupe pénètre à l’intérieur de la discothèque et la lourde porte se referme, la musique s’estompe et disparaît ne laissant filtrer que quelques basses.

Nous restons là plantés du haut de nos 16 ans et en ce moment précis n’avons plus qu’une idée en tête, pénétrer à l’intérieur de ce temple de la nuit, l’Océana, l’Océ pour les initiés.

Quelle stratégie pour ne pas payer l’entrée bien trop chère pour nous, 25 Francs, c’est bien au-delà de nos moyens ?

Forts de nos observations, le choix se porte sur un mercredi soir, jour réservé aux soirées animées donc très fréquentées et tenter un accès vers minuit lorsque la soirée bat son plein ; dans ces moments-là, la porte d’entrée reste ouverte en permanence afin de permettre au flot incessant de clients d’entrer et sortir. L’idée, s’immiscer dans les groupes entrants puis se glisser naturellement à l’intérieur comme si nous étions sortis quelques instants auparavant.

Autre problème de taille, comment paraître 18 ans pour entrer en discothèque lorsqu’on en a que 16 ?

Rendez-vous rue des Cigales, à deux rues de là, dans la petite maison familiale pour une séance de préparation.

Après quelques essayages, chemisettes cintrées, pantalons pattes d’eph moulants à souhait, chaussés de paires de Clark, nous voilà parés pour tenter une immersion en nous invitant pour la première fois dans l’antre de l’Océ !

Afin de donner du crédit à la mise en scène, nous mouillons cheveux et chemisettes, devant, derrière pour simuler une transpiration excessive, genre « nous sommes sortis nous rafraîchir tellement il fait chaud à l’intérieur, on y retourne ! »

Bientôt minuit et demi, c’est le moment de se jeter dans la gueule du loup.

Comme prévu, un flot incessant de clients sortent se rafraîchir dans la rue alors que d’autres tentent de regagner l’intérieur, l’entrée de la boîte est encombrée par ce chasser croiser, la grosse porte de bois reste ouverte en grand ; c’est le moment de tenter notre chance, nous nous glissons dans la file, clopes à la main en poursuivant une conversation censée nous donner tout le naturel et l’assurance indispensable en la circonstance ! Éric et moi passons sans difficulté alors que Chouchou est stoppé par le portier qui lui soutient qu’il doit payer son entrée. Au terme d’interminables palabres, le physionomiste le laisse passer sans être vraiment convaincu, au bénéfice du doute, ironie du sort ou signe du destin lorsque l’on sait que le dit Chouchou sera le portier emblématique de l’Océana pendant 10 ans de 1975 à 1985 !!!

Premiers pas dans le temple, vestiaire en face de l’entrée derrière la caisse, toilettes de suite à gauche de l’entrée puis le bar à droite, long comptoir tout le long du mur où s’amassent les danseurs ruisselants et déshydratés ; les lumières se reflètent dans les bouteilles colorées suspendues têtes en bas, chauve-souris de comptoir que les barmans sollicitent pour récolter les précieux nectars qui ruissellent sur les glaçons au fond des verres ; c’est la valse des vodka orange, des whisky coca, des gins tonic, des malibus ananas, boissons les plus consommées à cette époque alors que tout au bout du bar, coincé entre le comptoir et le mur, Wally, le disk jockey, s’affaire sur ses deux platines et le puissant ampli Mac Intosh injecte ses décibels dans les enceintes.

La salle est bondée, enfumée et surchauffée, la musique tape fort dans les oreilles et pénètre dans le corps.

La musique s’arrête soudain, soirée « radio crochet » ce soir à l’Océ, Edgard fait vider la piste et asseoir les gens tout autour ; l’animateur explique les règles du concours de chant et lance le recrutement des candidats. Mes deux comparses me poussent à me présenter et je rejoins les autres vocalisateurs sous les feux des projecteurs, après tout rien à perdre, tout à gagner !

Au terme d’un massacre en règle interminable, je mets en pièce le « Here’s to you » de Joane Baez, célèbre ballade de « Sacco &Vanzetti » sortie cette année-là en 1971, certain que cette version avait peu de chance de « Rest forever here in our hearts » !!!

Une demi-heure plus tard, fin de l’audition des candidats, remise des prix aux valeureux chanteurs sous les applaudissements du public pressé de regagner la piste, très loin « d’Incroyables talents ! », très très loin !!!

Une flasque de whisky, un T shirt Eristoff, quelques mignonnettes, plutôt bien payé au vue de la qualité de la prestation et je rejoins mes deux comparses !

Sans transition, le son caractéristique de la Fender Telecaster de Keith Richard envoie l’intro de Brown Sugar dans les puissantes enceintes et la piste se remplit instantanément, c’est le top départ pour une série Rock’n Roll où vont s’enchaîner les meilleurs titres du moment, Black Night de Deep Purple, My Sweet Lord de Georges Harrison pour ne citer que ceux là. La piste de danse se remplit instantanément, les corps s’agitent, se tordent, transpirent sous les éclairages multicolores des gros spots ou se contorsionnent de manière syncopée sous les flashs facétieux des aveuglants stroboscopes.

Une soirée en discothèque dans ces années-là, débute dès 22h00, heure d’ouverture où les premiers clients arrivent ; la boîte se remplit progressivement pour atteindre un pic de remplissage aux alentours de minuit, plus de cinq à six cents personnes peuvent s’entasser les grosses soirées.

Les classiques du Rythm & Blues, de la Soul Music et du Funk bercent doucement les débuts de soirée avec des titres comme Theme from Shaft d’Isaac Hayes ou Papa Was a Rolling Stone du groupe The Undisputed Truth, prémices du disco à venir qui envahira la planète musicale dès 1973.

Les séries musicales vont s’enchaîner jusqu’à 5h00 du matin.

Au fur et à mesure que la salle se remplit, que les danseurs investissent la piste, le niveau sonore grimpe progressivement, des séries plus rythmées vont se succéder composées des titres commerciaux du moment « Hot love, Get it on » du groupe Trex, « The Witch Queen of New Orleans » des Indiens de Redbone, le fameux « In the summertime » de Mungo Jerry et même quelques morceaux du répertoire français « Je m’éclate au Sénégal » du groupe Martin Circus, même si la sensibilité du disquaire tendait résolument vers le répertoire anglo-saxon.

Petit hommage au passage à l’emblématique Wally qui marquera de son éclectisme musical durant sa longue et talentueuse carrière de disc-jockey, les folles nuits de l’Océ ; au-delà des numéros Un des hit-parades, la diversité des styles musicaux proposés avait de quoi satisfaire toutes les oreilles, pensant intelligemment la trame d’une soirée, ne négligeant aucun style musical, le Rythm’n Blues, la Funky Music, le Disco, la variété, le Rock bien sûr.

Merci Wally de nous avoir fait vibrer sur James Brown et son « Sex Machine », de nous avoir fait jerker sur le « Pop Corn » de Hot Butler, rocker sur « What a shame » des anglais de Foghat ou « Take care of bussiness » des canadiens de BTO.

Un repère au feutre noir sur l’étiquette centrale de chaque 33 tours afin de marquer le début du morceau phare du vinyle, la seconde platine prête à démarrer, tourner le switch l’écouteur du casque coincé entre l’oreille droite et l’épaule, dans un délicat glissement inverse des curseurs l’enchaînement s’achève et le morceau suivant jaillit dans les enceintes, leçon de mixage avant l’heure, du travail d’orfèvre !!! La foule de danseurs n’a pas quitté la piste et se déchaîne déjà sur la musique.

Brusquement, les lumières et la musique baissent doucement pour laisser place à une ambiance apaisée, première série de slows de la soirée, c’est le signal ! Michel Sardou attaque « La maladie d’amour », les jerkers quittent le dance floor qui se remplit à nouveau de couples déjà formés s’enlaçant langoureusement ; dans l’obscurité un défilé de mecs se met en chasse, chacun invitant celle qu’il a repérée. « J’ai un problème » clament en suivant Sylvie & Johnny, succès mémorable du hit-parade français sur lequel quantité de couples échangeront leurs premiers roulé de galoches !

Ceux restés sur le carreau par les refus successifs iront user leurs coudes sur le comptoir du bar afin d’oublier dans la boisson une histoire d’amour qui n’a jamais commencé !!!

Plus tard dans la soirée, d’autres séries de slows redonneront leur chance aux esseulés avec des morceaux d’anthologie à donner des frissons, des morceaux sur lesquels il n’est pas possible de ne pas emballer, le « Stairway to Heaven » de Led Zeppelin et la voix emblématique de Robert plant ou celle de Ian Gillan sur « Child in time » du Deep Purple.

L’essentiel de la drague à cette époque est à l’initiative des garçons et se conclue pendant les slows.

La discothèque ressemble à une bergerie, de grosses poutres en chêne traversent la salle dans sa largeur alors que sur les murs de crépis blanc sont suspendues d’authentiques mangeoires à bétail garnies de foin, détail à faire tourner de l’œil une commission de sécurité !

Des banquettes au tissu écossais rouge et noir sont réparties un peu partout dans la discothèque, sur le devant de la piste, au fond et dans la deuxième salle à gauche. Sur les petites tables de bois rustiques trônent verres, bouteilles de Black and White, pichets de jus d’orange ou de coca, cendriers Ballantines, l’atmosphère est enfumée et bruyante.

La majorité des discothèques rurales donnent dans le style rustique et ressemblent en général à des granges, étables ou bergerie alors que dans les cités elles tendent davantage vers un style formica psychédélique,

Raymond Ferris alors maître d’hôtel à l’établissement Condou, achète le dancing à Mme Dessis au début des années soixante ; l’endroit est alors constitué du bar sur l’avenue de la Côte d’Argent et de la terrasse derrière sur laquelle on danse et s’appelle déjà l’Océana.

Raymond entreprend des travaux et transforme le devant en bar restaurant alors que la discothèque est construite sur l’arrière et inclut la terrasse qui devient couverte ; l’entrée de la discothèque s’effectue alors rue du Grand Vivier.

Raymond Ferris, personnage visionnaire qui a su faire de cet endroit un temple de la nuit réputé dans toute la région et dans lequel soixante ans plus tard la jeunesse danse toujours !

Bientôt quatre heure du mat, nous quittons la discothèque et nous retrouvons tous les trois rue du Grand Vivier, transpirant pour de bon cette fois, nos fringues sentent le tabac, nos oreilles bourdonnent et nous sommes célibataires, fallait pas trop rêver non plus !

Ce baptême du feu à l’Océ nous a fait mesurer tout le potentiel de l’endroit, l’abonnement est pris pour un bout de temps et nous y ferons d’ailleurs tous les trois plusieurs saisons quelques années plus tard.

En photo, l’autocollant orange fluo de l’époque de Raymond, qui fanait rapidement sur les vitres arrières des R8 et autres Simca 1000, puis le jaune de l’époque d’Edgard et Christian.

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Aimé

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