Redoutable jet de citron projeté sur la chair de l’huître

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Petite causerie vespérale relative au redoutable jet de citron projeté sur la chair de l’huître.

Boby Lapointe le faisait remarquer, si la maman des poissons est bien gentille, elle est cependant meilleure avec du citron.

Et pourtant c’est une malheureuse pratique que celle consistant à administrer le jet d’un agrume aussi acide sur un mollusque, qui n’a rien demandé. Car on n’a jamais entendu une huître demander quoi que ce soit. Ni se plaindre de ses conditions de travail, protester de la pénibilité de sa tâche, revendiquer la semaine de 35 heures ou même réclamer la retraite à 60 ans. Sous prétexte qu’elle a bon caractère et ne récrimine pas, on lui inflige cette torture. Comme s’il ne lui suffisait pas de se faire croquer par les amateurs, voire gober par les béotiens.

Au-delà de cette maltraitance animale évidente, il y a l’inutilité actuelle du geste. Pourquoi gâcher le goût salin et iodé d’une huître — certains prétendent y trouver parfois celui de la noisette, mais ce sont évidemment des imaginatifs — par cette acidité ? Il fut un temps où les conditions de conservation du bivalve nécessitaient de tester la vitalité de l’animal par cet acte, mais sa réaction à un simple coup de couteau dans le manteau suffit à renseigner le consommateur. Et puis, n’auriez-vous pas confiance en votre ostréiculteur ?

Bref, il s’agit d’une erreur qui se pare des atours d’une tradition… n’ayant pas grand-chose de traditionnelle puisque dans les temps anciens on ne procédait pas de la sorte. Pour la bonne raison qu’on ne disposait pas de citron. En effet, cet agrume ne connut véritablement son essor en France qu’à partir des XVIIe et XVIIIe siècles à Menton. Et on n’en exporta à Arcachon que bien plus tard (et pas forcément de Menton). C’est ainsi que lorsque l’ostréiculture se développa au Bassin sous la haute autorité de Napoléon le troisième, on assaisonnait probablement les huîtres, comme on le faisait jadis, de vinaigre, éventuellement aux échalotes, tout comme le premier Charentais ou Parisien venu. C’était certes une habitude néfaste pour le goût de l’huître (mais cela lui en donne un autre que certains apprécient), mais qui permettait de faire réagir celles qui étaient vivantes ou de dissimuler la présence des spécimens « passées ».

Que dire de plus, sinon qu’on aime les huîtres ou qu’on apprécie plutôt le citron (ou le vinaigre). Un tour de moulin à poivre (celui-ci garni par exemples de baies de Sichuan) sera un excellent exhausteur de goût et suffira à relever celui des huîtres du bassin d’Arcachon. Elles sont délicieuses — mais néanmoins souvent maigrichonnes, c’est pourquoi, à l’occasion, on leur préférera les Marennes, les galiciennes, les bretonnes et surtout les normandes.

Thierry PERREAUD

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