Excursions au Pilat ou au cap Ferret, chasse à l’île des Oiseaux ne cachent pas l’essentiel de l’activité du visiteur d’Arcachon : tout pour les bains. A l’eau de mer, on les pratique froids ou chauds. Pour ce qui est des bains froids, on se trempe dans une eau de mer à la température de vingt à vingt-cinq degrés centigrades, de juin à octobre. Parole de docteur Lalesque, « l’eau est d’une température un peu moins élevée au Moulleau et au Pilat ». Ce même bon docteur Lalesque note que les algues peuvent fortifier les poitrines délicates mais en prenant un grand luxe de précautions : « Ne vous baignez pas quand vous avez trop chaud, attendez quatre heures après avoir mangé, coiffez-vous d’un chapeau de paille à larges bords, renoncez à l’usage du bonnet de taffetas qui cause des névralgies, mouillez-vous la tête avant d’entrer dans l’eau et surtout n’y restez pas immobile ».
Le non nageur doit agiter simultanément les jambes et les bras, le torse étant sur la grève. Il faut absolument sortir de l’eau avant le second frisson. Quant aux bains chauds, on doit les employer toutes les fois qu’on veut faire pénétrer dans le corps une grande quantité des diverses substances dont l’eau de mer est composée. En 1857, les bains chauds se pratiquent dans deux établissements et dans les principaux hôtels. Et puis, il y a aussi tout le charme des bains de sable que les médecins appellent « l’arénation ». Cette pratique, qui doit se faire sur un avis médical, combat les douleurs rhumatismales, aide les tempéraments lymphatiques et les organisations étiolées. Oscar Dejean l’explique : « Quand le soleil a fortement chauffé l’arène, le malade se fait recouvrir tout le corps ou seulement une partie si le siège du mal est peu étendu, de cinq à six centimètres de sable brûlant. Il reste ainsi exposé à l’ardeur du soleil autant que ses forces le lui permettent en ayant soin de tenir sa tête à l’abri d’un parasol ou d’un berceau de feuillage. Lorsque sa figure est ruisselante, on enveloppe le malade dans une couverture et on le met au lit, en lui faisant prendre au besoin un consommé et même un verre de vin ».
Froids ou chauds, de sable ou d’eau, les bains connaissent le succès puisqu’on compte 6 308 baigneurs en 1858 et qu’on en verra 11 000 en 1864, dont plus de mille étrangers.
Mais, devant tant de débordements physiques, il faut sauvegarder la morale publique. Déjà, le 15 juillet 1847, le maire de La Teste, Jean Hameau, a pris un arrêté, cité par Robert Aufan :
« Les hommes se baignant seront vêtus d’un pantalon long et ils se tiendront éloignés du lieu où sont les dames. Ils devront se déshabiller et s’habiller dans les cabanes disposées le long de la plage et si quelque motif nécessitait qu’ils se déshabillassent dans leurs appartements, ils devront se couvrir le corps d’une chemise de laine (…) pour arriver aux dites cabanes. Les dames, pour aller au bain ou pour se baigner, devront être vêtues d’un grand peignoir tombant jusqu’aux talons ». Quant à l’article sept, il précise bien : « il est défendu à tout baigneur de l’un et l’autre sexe de proférer des paroles et de faire des gestes indécents dans le bain et sur la plage ».
Arcachon indépendant reste très à cheval sur les bonnes mœurs. Dès le 24 juillet 1857, Lamarque de Plaisance arrête : « il est défendu de se baigner sans être revêtu, à savoir, les hommes d’un costume entier couvrant le corps depuis le cou jusqu’aux talons (…) les femmes d’une robe descendant jusqu’aux talons ou bien d’une robe courte mais avec pantalon. Les étoffes des costumes de bain (…) devront être de couleur foncée ». Vers 1860, on invente des cabines hippomobiles confortables pour amener les baigneurs au ras de l’eau, par marée basse… Tout est prévu pour le confort du baigneur tout au long de l’été. Mais, bientôt, les mois d’hiver auront aussi leur industrie de l’étranger. C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca