Or donc, nos ancêtres appartenaient à l’ethnie de Boïates, de vrais Aquitains et point à celle des Boïens, qui n’étaient que Celtes ou Gaulois. D’ailleurs, un fait prouve leur indépendance : ces Boïates restent prudemment planqués sur leurs bords ombragés de l’Eyre, lorsque les tribus gauloises se ruent sus à l’envahisseur romain, auquel résiste Vercingétorix, retranché dans Alésia et qu’il faut sortir de ce mauvais pas. Pourtant, presque toutes les tribus gauloises ont couru à sa rescousse, y compris des Boïens. César fera d’ailleurs des gorges chaudes de cette défection des Aquitains en général et, forcément, des Boïates. Pourtant ces Aquitains gardent un très mauvais souvenir de leur premier contact avec des Romains puisqu’il s’est achevé par la rouste monumentale que leur a infligée Crassus, lieutenant de César, en 48. Malgré quelques sursauts de révolte, pour prouver qu’ils ne sont justement pas de ces Gaulois qui, selon César, « restent mous devant les désastres », les Boïates affrontent plus tard Massala dans les alentours de Dax et se prennent de nouveau une raclée. Devant ces revers, il leur semble que le temps de discuter de paix est tout à fait venu.
Entre 16 et 13 avant Jésus Christ, Auguste, le premier empereur romain, vient donc faire du charme aux Aquitains. Il en profite pour les noyer dans un vaste ensemble qui s’étend jusqu’à la Loire et dont la capitale est la ville de Saintes. Mais, très habilement, à la manière antique, Auguste organise chaque peuple conquis en cités, chacune ayant son chef-lieu. Un conseil dirige cette “civitas”. Il désigne des magistrats, spécialisés dans la conduite des affaires publiques. Bref : on s’organise, dans une collaboration tranquille avec Rome et l’on entre tout doucement dans la fameuse “pax romana”, à charge pour les Romains de maintenir éloignés les Barbares qui continuent de piaffer aux frontières de l’est et qui devront patienter trois siècles avant de venir troubler la quiétude de l’Aquitaine.
Pour l’heure, nos ancêtres boïates qui sont de caractère très accommodant, ne manquent pas chaque année, avec huit autres peuples aquitains, de célébrer le culte d’Auguste en envoyant leurs pieux délégués dans le lointain Saint-Bertrand-de-Comminges. Mais en snobant les autres peuples gaulois. A tel point d’ailleurs que, plus de 250 ans après le début de ces pèlerinages pyrénéens conçus pour se prosterner devant la statue d’Auguste, des Aquitains partent pour Rome, bien décidés à demander expressément à l’empereur « d’être séparés des Gaulois ». On n’est pas du même monde, tout de même ! Ce que l’Empereur, qui a bien évidemment intérêt à diviser pour régner, accepte facilement. En tous cas, nos ancêtres n’étaient pas du tout, mais alors pas du tout, les Gaulois. Finalement, au début du quatrième siècle, Rome créé de nouvelles provinces et les cités deviennent des diocèses, le christianisme étant monté en influence. Nous aurons notre diocése : ce sera celui de Boïos. Mais c’est une autre histoire.
À suivre …
Jean Dubroca