Chasse au renard

La chasse au renard, si chère aux anglais, vient d’être ouverte à Arcachon

Voici, sur ce sport national de nos voisins d’outre-Manche, quelques détails particuliers feront mieux connaître ce qu’est cet amusement dont on a beaucoup parlé, mais qu’on n n’a pas décrit topiquement.

Voici comment cela se passe. D’abord, les chiens n’appartiennent pas à un seul propriétaire. La meute est entretenue par le Comité ou la province, comme on voudra.

La passion du fox-hunting est plus violente dans certaines régions que dans d’autres. La contrée où elle est la plus vivace est le centre du royaume, le Leicestershire.

On trouve sur place des renards, de beaux renards rouges. Seulement il faut dire qu’on en garde la race avec une attention jalouse et des soins véritablement maternels. Chaque propriétaire qui veut s’offrir le plaisir de donner le rendez-vous chez lui, possède non loin de son château un cover, c’est-à-dire un couvert, où l’on arrive à centraliser les renards et à leur faire établir leur terrier. Là, ils sont les maîtres. Ils peuvent en sortir pour dévaster tous les poulaillers, toute la volaille qui leur plaira de détruire. On indemnise tous les paysans. L’animal au museau pointu est devenu tellement sûr de l’impunité, qu’on l’a vu s’attaquer jusqu’aux moutons. Il les mange ma foi de fort bon appétit. De temps en temps même, lorsqu’il est fatigué et mal disposé, on chasse de son côté quelques poules, quelques canards, afin qu’il puisse les attraper sans trop se déranger. C’est une existence charmante tant qu’on ne le chasse pas.

Le renard est, les trois quarts de l’année, aussi sacré pour les Anglais que l’était le chat pour les Égyptiens. Lui faire le moindre mal est un crime pour un manant et un ridicule pour un gentleman.

En somme, le jour des courses d’Epsom est peu de chose, parmi les classes supérieures, auprès de celui du premier rendez-vous de la chasse au renard. Ni l’âge, ni le rang n’y font rien. Le meeting — le rendez-vous — est bien au complet vers dix heures du matin. Dans le hall de la maison qui reçoit, une immense table est dressée. Les amazones abondent, car beaucoup de dames et de demoiselles suivent la chasse à cheval. Les hommes portent ce qu’on appelle aujourd’hui le melton coat. C’est un veston sombre, taillé dans un drap spécial. Il n’y a d’obligatoire que le chapeau à haute forme les bottes à revers. Le chapeau est fabriqué exprès pour ces sortes de circonstances. Il serait beaucoup trop lourd pour être porté en temps ordinaire. Mais ici, il doit présenter une résistance peu commune, vu les renfoncements sans nombre dont il doit être l’objet. Il roule sur la grande route, il heurte la maîtresse branche d’un arbre planté juste au bord de la haie qu’on saute ; on ne sait comment il en revient. Très peu portent le costume rouge. L’habit rouge dénote une prétention, qu’il faut justifier, d’être chasseur émérite.

La chasse commence ! Depuis la veille tous les terriers du cover ont été bouchés par les piqueurs et il est traqué jusqu’à ce qu’il sorte à découvert. Il expie assez ses félicités passées. Il faut dire que la chasse va un train d’enfer. Elle se prolonge souvent pendant vingt milles anglais, et il faut songer que ce mille est d’environ dix-sept cents mètres !

La meute se compose de cent chiens, on en lâche cinquante à chaque journée. Il en arrive à la curée — pauvre curée qu’un simple renard — une vingtaine environ. Quant aux chasseurs, c’est tout au plus s’il en parvient quatre ou cinq, qui ont crevé, pour arriver à ce résultat, des chevaux d’un grand prix. Tous les champs, en Angleterre, sont clos de haies. On saute sans savoir ce qu’il y a derrière. Souvent c’est un large fossé, ou bien un terrain en contre-bas. On voit cela d’ici. Les chevaux sauteurs sont assez rares. Il y a bien les irlandais. Mais ceux-là ne sont habitués à franchir que les murs, et avec une certaine habileté qui ne manque pas de prudence. Ils prennent leur élan, trouvant moyen de s’accrocher des quatre fers sur la crête du mur, et prolongent le mouvement s’il y a lieu. Mais, impossible de prendre pied sur une haie : il faut y aller tête baissée.

Et tout cela finit joyeusement par un grand dîner, suivi d’un, bal avec les belles amazones.

L’avant-dernière chasse au renard a été très animée et a duré près de trois heures, c’est dire suffisamment dans quelles dispositions de vigueur, d’énergie et d’agilité se trouvait la bête chassée.

La chasse a commencé par un drague qui aboutit à la route de Mouleau. Les chiens sont partis avec beaucoup d’entrain sur le drague et ont trouvé le renard qui avait été lancé cinq minutes avant leur départ, leur animation a été alors extrême. L’animal poursuivi de près s’est fait battre, pendant près d’une heure, dans des dunes difficiles et fournies entre la route de Mouleau et la mer. Il s’est décidé alors à traverser la route, a franchi la forêt comme une flèche et se disposait à traverser la voie ferrée de La Teste, mais il a été effrayé par un train qui arrivait. Traqué, serré de près par la meute, il ne peut regagner la forêt, éperdu il se jette dans les jardins et vergers des habitants, toujours suivi par l’équipage ; enfin, épuisé, anéanti il va se blottir dans l’angle d’une maison au fond d’un jardin, où il est pris et mis en morceaux par les chiens. En somme très belle journée : 40 voitures, 50 cavaliers dont 8 amazones et une quinzaine d’habits rouges composaient le brillant équipage de cette chasse.

Le septième rendez-vous aura lieu mardi 24, à 7 heures et demie du matin, à Mouleau pour attaquer aux Quatre-Soeurs (grande forêt).

Quand on lira grande forêt, c’est que ce jour-là on chassera le renard sauvage que la meute cherchera à trouver dans les fourrés de la forêt. Tandis qu’au contraire on chassera au renard de sac, lancé au rendez-vous même sous les yeux des personnes présentes. Le Comité a installé cela de telle sorte afin que sur ceux qui ne chassent pas puissent du moins s’amuser en venant au rendez-vous. Les renards de sac sont quelquefois très vigoureux vu le régime auquel ils sont soumis pendant les 3 ou 4 jours qui précédent la chasse. Ils sont enfermés dans une écurie spéciale pour eux dans laquelle ils peuvent facilement se mouvoir, faire provision de force, et où ils sont nourris d’une certaine manière qui ne tend qu’à leur donner plus de vigueur et à les mettre dans de bonnes conditions de chasse.

 

L’Avenir d’Arcachon du 22 octobre 1882

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k54300409/f1.image.r=chasse?rk=42918;4

 

La Société des chasses aux renards, dont le précédent master était M. Thurneyssen, et que préside maintenant M. Exshaw, se signale chaque hiver par de brillants exploits. Elle a aussi succédé aux Fox-Hounds, dont les différents masters ont été MM de Courcy, de Guilhemanson, Decauville. » (extrait du guide d’Arcachon par Gabory, 1896)

 

Voir https://memoiredesequipages.fr/fiche/1491

 

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Raphaël

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