Petite causerie vespérale où il sera question d’arrêter de bassiner son prochain avec le Bassin d’Arcachon.
« Arrête de nous bassiner avec ton Bassin ! », je ne suis certainement pas le seul à avoir entendu ces mots. Aussi je propose au lecteur aussi HTBoïate que numérique de tirer au clair cette affaire de bassin et de bassine.
Tout d’abord parlons un peu du bassin, celui d’Arcachon. Lorsque, environ un millénaire avant aujourd’hui, l’embouchure de la Leyre sur l’Atlantique se modifia et prit à peu de chose près la configuration que nous connaissons aujourd’hui, ses premiers habitants ne l’appelaient évidemment pas ainsi. Quant à ceux qui passaient devant, sur les bateaux qui parcouraient l’Atlantique, ils ne l’appelaient pas du tout et même l’ignoraient, car si le site d’Arcachon (ou du moins ses anciens noms et variantes orthographiques Arcavo, Archixe, Archaxon, Archassiom, Arcason, Archasson, Arcaxom, Arcasson, j’en oublie probablement) était identifié sur les portulans du Moyen-âge, ces derniers ne mentionnaient pas le bassin qu’il y avait derrière.
Il faudra attendre 1590 pour voir figurer pour la première fois sur une carte la forme et le nom du « havre d’Arcachon ». C’était sur la « Carte du Bovrdelois. Pais de Medoc et la Prevoste de Born ». Cette dénomination de havre perdura un siècle, avec la variante baie (« La Baye d’Arcachon » vers 1693, carte de Romain de Hooghe) et ce n’est qu’en 1695 que le terme de Bassin d’Arcachon apparut sur les cartes du « Neptune François » et devint l’appellation définitive — Claude Masse note cependant encore en 1708 « Mer ou Havre d’Arcachon ».
On remarquera que l’appellation « Baie d’Arcachon » connaitra une nouvelle vogue à l’orée du XXe siècle, quand Arcachon chercha à se hausser du col. La dénomination bassin faisait un peu trop populo et je le comprends bien, moi dont les grands-parents andernosiens habitaient le fond de la bassine — presque le fond du chaudron comme on le dit aujourd’hui pour désigner des personnes considérées comme bas du front. Même le néologisme moderne « bassineyre » ne parvient pas à nous rendre une pourtant légitime fierté car, hélas, le bassin nous renvoie irrémédiablement aux bains de sièges préconisés par Rika Zaraï et aptes à soigner presque tous les maux.
Bref, le Bassin, appellation ancienne de plus de trois-cent ans évoquant un monde un peu riquiqui dont on sort difficilement, correspond à une réalité.
Evoquons ensuite le verbe bassiner. Celui-ci n’a rien à voir avec notre Bassin. Il s’agit d’une altération orthographique du moyen français « baciner », action de frapper sur un bassin ou tout autre instrument de cuivre pour faire quelque annonce. Frédéric Godefroy le mentionne dans son Dictionnaire de l’ancienne langue française et de tous ses dialectes du IXe au XVe siècle (édition de F. Vieweg, Paris, 1881–1902). Avec un exemple datant de 1414 (Journal d’un bourg. De Paris, Michaud.) : « Et soudainement, environ huit heures de nuyt, commencerent les bonnes gens de Paris, sans commandement, a faire feus et a baciner le plus grandement qu’on eust veu passé cent ans devant.
Résumons-nous, on a tout intérêt à bassiner l’HTBoïate. Il apprécie la chose.
Thierry PERREAUD