Chronique n° 029 – Quarante mille Anglais en vue !

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Les Bougès doivent défendre la côte testerine, leur frontière. Une première batterie se poste en 1754, au fort Cantin, au sud du Moulleau. Elle ne doit pas être très efficace puisqu’en 1778, des corsaires anglais ont l’impudence de couler vingt-trois bateaux arcachonnais et de repartir, vent arrière et pavillon haut, avant de recevoir ne serait-ce un seul boulet vengeur. En 1792, au plus fort de notre Révolution, l’Anglais, ennemi héréditaire s’il en est un, se montre de plus en plus menaçant. M de Gestas, commandant la 11eme division à Bordeaux, ordonne alors que cent cinquante hommes servent des batteries côtières.

Aussitôt, on construit le fortin de la Roquette, à l’entrée sud du Bassin, aujourd’hui sous les eaux, au large de la Grande dune. Quinze volontaires servent les six canons et, un an plus tard, on en implante dix autres avec une garnison de deux cents hommes. Ce n’est pas trop car un jour, on attend l’assaut de 40 000 Anglais, à en juger par le nombre de voiles qui se gonflent au large. Tout le pays de Buch se mobilise, prêt à en découdre. C’est une fausse alerte.

L’Anglais et ses vilenies s’éloignant, la Roquette ne comptera plus que vingt-trois servants à partir de 1803. Mais, voyez la perfidie d’Albion : profitant de la nuit du 3 au 4 janvier 1807, cent dix fusiliers marins britanniques s’approchent de la côte, sur trois péniches. Dans ce petit matin d’hiver brumeux, les sentinelles de la Roquette prennent les envahisseurs pour des pêcheurs. Ils sortent du fort, très aimables, pour leur marchander du poisson frais. Fatale erreur : ils s’en aperçoivent lorsque les Anglais les accueillent à coups de fusils. Ils s’enfuient. Sous les salves, ils ne peuvent regagner le fortin. Leurs quelques compagnons s’en sont déjà échappés. Les Anglais incendient le fort, enclouent les canons et, dans leur foulée dévastatrice, ils réservent le même sort aux sept pièces de la batterie du sud. C’est un camouflet pour le pouvoir napoléonien qui contrôle alors toute l’Europe et qui se voit bafoué par une petite escouade anglaise. En hâte, on remonte donc trois batteries de défense côtière. Et celle du Moulleau, forte de quatorze bouches et de trente-trois hommes, sauvera plusieurs navires pourchassés par des croiseurs anglais.

Mais le cœur patriotique national n’y est plus. Déjà, depuis sept ou huit ans, des Bougès refusent de prendre leur tour de garde et les deux tiers des conscrits appelés désertent. La guerre à outrance menée par Napoléon Ier entraîne l’insoumission. Que voulez-vous ! La frontière des Bougès ne se trouve pas sur le Niemem mais plutôt et depuis toujours, au bord de leurs dunes de Bernet. Désespoir : le 14 mars 1814, les Anglais prennent La Teste, malgré le courage d’un navire testerin se sabordant devant Moulleau. Mais le peuple n’a plus en lui le souffle de l’épopée, étouffé par beaucoup trop de son sang.

La paix revenue, en 1830, l’autorité militaire veut entreposer, dans la forteresse de Blaye, les canons du Pays de Buch, devenus inutiles. Mais, tels les blockhaus nazis plus tard, le Bassin les engloutit avant que l’opération de récupération ne commence. Il ne nous en reste plus que le canon du Moulleau, sur lequel se perchent les enfants et où picorent les mouettes. Mais il faut bien reconnaître que les Bougès, dans l’ensemble, ont bien payé de leurs personnes pour défendre au mieux leur frontière et aussi, au fil des siècles qui ont suivi, bien souffert pour mériter cette paix.

À suivre…

Jean Dubroca

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