Lagune de l’Artigon

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Du latin artiga = défrichement.

Le 23 août 1992, nous avons échantillonné des Coléoptères aquatiques dans un groupe de mares situées au lieu-dit l’Artigon. Ces mares, ou “lagunes”, en toponymie locale, forment un système de plusieurs dizaines de petites pièces d’eau naturelles en forêt de pins. Parmi les Coléoptères récoltés se trouvait un unique Hydaticus, une femelle d’aspect inhabituel, d’abord difficile à nommer, puis attribuée à H. aruspex grâce aux clés d’identification de Nilsson (1981) et de Roughley & Pengelly (1981). Une nouvelle visite de la station le 25 août permet la récolte d’autres exemplaires.

Sur nos indications, H. aruspex a été retrouvé dans la même station par David Bilton, en juin 1993. Puis, toujours en Gironde, lors d’un inventaire de la faune entomologique du site du Gat Mort, nous avons trouvé d’autres exemplaires d’H. aruspex en 1997 dans les marais du Cla, sur la commune d’Hostens.Cette belle espèce n’avait jusqu’à présent été signalée qu’une seule fois en France après sa récolte en 1880 dans le département de la Somme.

Signalons que la localité de Saint-Magne doit avoir un certain intérêt entomologique général puisque nous y avons récolté à deux reprises, au bord de lagunes, le rare Chrysomelidae Alticinae Chaetocnema (s. str.) aerosa (Letzner, 1846), porteur de sa Laboulbéniale parasite Laboulbenia temperei Balazuc, 1973. Cette récolte a été rapportée par Doguet (1994).

L’hypothèse d’une origine ancienne postglaciaire expliquant la présence d’H. aruspex dans ces lagunes, n’est vraisemblable que si elle s’accompagne d’informations fiables sur l’origine et la formation des lagunes landaises. Des découvertes d’importance sont venues éclairer récemment nos connaissances sur l’origine des lagunes. Texier & Bertran (1993) ont démontré la présence d’un pergélisol en Dordogne, en Gironde et dans les Landes lors de la dernière phase glaciaire. Texier (1996) a découvert un réseau de grands polygones dans le nord du Médoc, non loin de la localité des marais de la Perge, témoin du développement d’un pergélisol continu dans le nord de la Gironde. La présence d’un pergélisol en Aquitaine, non démontrée auparavant, est une condition nécessaire à la formation de buttes cryogènes et par conséquent, de leurs cicatrices résiduelles, les lagunes actuelles.

La présence en Aquitaine du Coléoptère boréal holarctique Hydaticus aruspex peut être considérée comme un cas d’espèce relictuelle postglaciaire, reste de la faune des Coléoptères aquatiques qui habitait les mares des plaines de la France à la fin du Pléistocène et occupe maintenant surtout le nord de l’Europe.

Pour combien de temps encore H. aruspex sera-t-il présent dans certaines lagunes du bassin landais ? La consultation des anciennes cartes montre que moins de la moitié, parfois moins du quart de l’effectif des lagunes connues au XIXe siècle subsiste de nos jours, quand elles n’ont pas totalement disparu de certaines zones. Dès le siècle dernier, leur régression était perceptible, conséquence de l’atterrissement naturel de ces mares peu profondes et de leur comblement pour servir de prairie cultivable (Lescarret, 1996). Ces zones humides ont été accusées d’être à l’origine de tous les maux qui frappaient les Landais, que nous savons maintenant avoir été principalement des maladies carentielles (Peyresblanques, 1994) et des campagnes “d’assainissement”, c’est-à-dire d’assèchement à grande échelle, ont eu raison de bien des lagunes. La plantation de la vaste forêt de pins, accompagnée du creusement de crastes, puis la pratique de la maïsiculture intensive, finissent, de nos jours, d’avoir raison des lagunes landaises (Montés, 1992).

« Redécouverte en France d’Hydaticus aruspex Clark et notes sur l’identification des Hydaticus Leach de la faune française (Coleoptera, Dytiscidae) », Franck Bameul, Bulletin de la Société entomologique de France, 1997

https://www.persee.fr/docAsPDF/bsef_0037-928x_1997_num_102_5_17367.pdf

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Raphaël

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