Chronique n° 133 – Un apprenti dans la tempête

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Durant ces quatre ans d’Occupation, il y a aussi tous ceux qui sont pris dans la tourmente de l’occupation, dont la vie peut changer d’un instant à l’autre et qui sont soumis à d’incessantes vexations de toutes sortes. Guy Audebert, longtemps coiffeur à Arcachon, se souvient des Allemands pénétrant dans le salon de son père Paul, sur le boulevard de la Plage où il est apprenti. “Ils entrent en faisant tous le salut nazi et en parlant très fort. Un soir, quand la boutique est fermée, un sous-officier exige de se faire couper les cheveux. On lui explique que le magasin est fermé. Il part en vociférant. Une heure après : nouveaux coups sur la porte. L’Allemand revient avec un soldat armé et un bon de réquisition de la Kommandantur. Il faut s’exécuter, car ils ont tous les droits. Avec leur mark qui vaut vingt francs, les Allemands achètent tout et comme on ne trouve plus rien à manger, il faut “aller aux haricots” dans les Landes. En espérant qu’au retour, des gendarmes, allemands et même français, ne nous volent pas notre ravitaillement. Et si nous rouspétons, ils nous font un procès-verbal pour “marché noir”, ce qui peut avoir des suites graves, selon les jours et les circonstances”.

Mais des Arcachonnais ne se laissent pas intimider puisque le 27 avril 1941, la mairie doit afficher, “que les vrais Français doivent garder une attitude correcte vis à vis des membres de l’armée d’occupation car les autres exposent au danger tous leurs concitoyens, du fait de leurs manifestations déplacés”. Et Guy Audebert d’observer : “En tous cas, quand les Allemands défilent en ville, personne ne les regarde”. Pour parfaire son apprentissage, Guy part pour Paris, où il passe son CAP chez un coiffeur célèbre. Mais, raconte-t-il, “Vivre à Paris, ça veut dire des contrôles d’identité incessants, des rafles qui surviennent n’importe quand, des bombardements et la faim permanente, encore plus terrible qu’à Arcachon”.

Retour donc dans la ville natale. Mais, bientôt, Guy est “Requis”. C’est à dire que, comme tous les jeunes de son âge, il doit accomplir des travaux agricoles. “Alors, je me retrouve à Saint-Seurin-de-Bourg pour faire les vendanges. Là, au moins, on a à manger”. Puis, arrive la loi de 1943 qui instaure le Service du travail obligatoire. Elle oblige les jeunes à travailler pour l’Allemagne et, même, dans des usines de ce pays. “Chaque entreprise, se souvient Guy, doit fournir un travailleur sur trois. Je suis obligé de partir mais, par chance, je suis affecté sur un chantier forestier local, à Lacanau-de-Mios. On y taille des poteaux de mine pour le compte de la scierie Delest. C’est très dur car il faut les équarrir. Et pas moyen de tricher parce que les contremaîtres nous imposent un cubage quotidien. Et, en plus, la nourriture à base de rutabagas est infecte ! Et voilà que, le 6 juin au matin, on apprend la nouvelle du débarquement en Normandie. On s’est tous échappés du chantier. En faisant très attention aux contrôles et aux patrouilles, je reviens à pied à Arcachon. J’y arrive juste au moment où Goupil, le policier de la Gestapo, organise des arrestations d’Arcachonnais. Et comme mon père, dans son salon, lui a fait une réflexion désagréable, pendant plusieurs semaines, toute la famille a craint le pire”. Finalement, conclut Guy Audebert, “J’ai eu beaucoup de chance”.

Beaucoup plus de chance que les treize lycéens de Michel-Montaigne qui ont formé un maquis à la ferme de Richemont, à Saucats et qui sont tous massacrés, après trois ou quatre heures de combat contre la Milice et les Allemands. C’est le 14 juillet 1944. Ils ont été dénoncés par un Arcachonnais. Un peu plus d’un mois plus tard, la situation change complètement. C’est une autre histoire.

À suivre…

Jean Dubroca

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