Des concurrents pour Arcachon apparaissent quand le tourisme avance vers le sud, durant l’entre-deux-guerres. Il ne s’agit pas encore de Biscarrosse, où un guide de 1934 ne signale que deux hôtels et une seule agence immobilière mais, déjà, un syndicat d’initiative. Par contre, la concurrence vient de Pyla-sur-Mer et, bien que testerine, l’histoire de cette station fait partie de celle d’Arcachon. Déjà, en 1900, le conseil municipal testerin entend une communication sur cette une vaste zone côtière qui s’étend du Moulleau au Sabloney, autrement dit, la Grande dune. D’ailleurs, la commune étudie, par deux fois, une liaison entre sa gare et la côte par un tramway, les Testerins se montrant bien décidés à ne pas se laisser une deuxième fois dépouiller d’un trésor touristique.
Les choses changent lorsque, un peu avant la Grande guerre, Daniel Meller obtient une partie de ces terrains domaniaux, grâce à un échange avec une zone forestière lointaine. Cette permutation est autorisée par un arrêté préfectoral du 13 novembre 1913 mais ce n’est que le 20 avril 1915, qu’un acte administratif constate l’échange. Après 1918, appuyé par Pierre Dignac, le jeune maire de La Teste, Meller lance Pyla-sur-Mer, dont il invente le nom, face aux passes du Bassin et sous des pins de cinquante ans. Il en tire le nom du mot grec qui signifie “Portes”. Cela sonne bien et rejoint le mythe des Grecs antiques, explorateurs du Bassin. Ce qui reste une bonne référence pour le commerce ! Meller impose un cahier des charges si draconien qu’on parle même, pour son lotissement, de “Parc Meller”. Il souhaite imposer une unité architecturale si rigoureuse qu’il songe, pendant un temps, à demander à un jeune ingénieur, Jean Lafon, d’installer une briqueterie, afin de disposer d’un matériau de construction uniforme.
Autre idée, toute neuve : faire du Parc Meller une station sportive. Pour y parvenir, il imagine, approximativement sur la vaste place centrale de la station, celle qui porte aujourd’hui son nom, de bâtir un “Palais des Sports”. Et, au-delà, il s’agit, ni plus ni moins, que de développer “Le Cannes de la Côte d’Argent”. Une ambition qui se heurte au fait que l’accès rapide à Pyla reste difficile. Meller demande donc à la Compagnie du Midi, qui en a longtemps rêvé, d’étudier la prolongation de trois kilomètres de sa ligne depuis Arcachon pour que « Des automotrices électriques mettent Pyla à une heure de Bordeaux ». Et il voit aussi très proche « Le temps où des hydravions se poseront devant Pyla ».
Finalement, c’est l’auto qui lance l’essor de Pyla. Le rêve de boulevard Arcachon-Biarritz étant passé aux oubliettes, Meller compte sur la “Route des Grands lacs”, pour relier sa station au Pays basque. Mais la liaison s’avère bien peu commode. En revanche, toujours grâce aux efforts de Pierre Dignac, une belle route, d’un coût de 4 000 F, relie La Teste à Pyla. La route est inaugurée le dimanche 13 septembre 1931. La station peut donc prospérer, ce qui inquiète Arcachon.
C’est encore l’automobile, en 1928, qui permet à l’entrepreneur arcachonnais, Louis Gaume, un associé de Daniel Meller, de lancer, plus au sud encore, Pilat-Plage. Avec des capitaux venus notamment de la famille Rothschild, comme pour une revanche posthume sur les Pereire, Louis Gaume concrétise des idées architecturales d’une cohérence remarquable. Les terrains qu’il propose, d’une vaste ampleur, permettent de conserver une importante couverture forestière. Fournies clés en mains par une entreprise intégrée qui réalise tout, de la cave au faîtage, les constructions adoptent l’unité du style néo-basque, modulable à souhait. Il ne manque donc, ni de fantaisie ni d’une ampleur souvent soulignée par de nobles portiques d’entrée et par de larges parcs fleuris. Les maisons se distribuent le long de la belle plage où se hissent au bord d’avenues qui virevoltent, en respectant les courbes de niveau des dunes où prospère une solide forêt de pins. Trois hôtels, dont “Haïtza” , aux parfaites proportions, s’ajoutent à un paysage urbain, construit dans un respect si total de l’environnement que le grand garage, indispensable dans ce nouveau siècle de l’auto, se trouve caché dans un repli dunaire.
Aussitôt, appuyé par une habile publicité, c’est la grande vogue. Séduits par le site majestueux et tranquille de cet amphithéâtre paisible mais ouvert sur l’Atlantique, les Rothschild, les Monbrison ou les Polignac qui font bâtir des villas somptueuses de simplicité, entraînent avec eux, au hasard des étés, la couturière Jane Lanvin, la famille Dupuy, propriétaire du “Petit Parisien”, le TF1 de l’époque, ou des stars célèbres. Parmi elles, Pierre Fresnay, Yvonne Printemps viennent souvent roucouler ici et la belle Marcelle Chantal, dans sa “Bohème”, rêve aux personnages qu’elle incarne dans une vingtaine de films à succès. Et encore certaines nuits, aujourd’hui, dans les scintillements du Bassin, on voit très nettement s’allumer l’écran où dansent, en noir et blanc, les silhouettes éternellement jeunes d’Annabella que courtisent Jean Murat et Tyrone Power. C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca