Champêtre. Arcachon est champêtre, durant les premières années qui suivent l’arrivée du chemin de fer dans la station. Et Saint-Riel Dupouy de lancer, dans le “Journal d’Arcachon”, l’hebdomadaire de Lamarque de Plaisance : « le charme d’Arcachon, c’est d’être, tout le jour, assis nonchalamment à l’ombre, sur le devant de votre petite maison qui baigne ses pieds dans la mer, respirant cet air tout chargé d’effluves pélagiennes et du parfum des pins que le vent vous apporte de cette immense forêt qui n’a pas moins de cinquante lieues et qui va jusqu’en Espagne , (…) cet air vif, tonique, pénétrant à la fois salé et aromatique qui, après s’être purifié dans sa course à travers l’Océan, vient, riche de l’oxygène expiré par des myriades d’infusoires, rafraîchir la plage de ses ondes vivifiantes ». Les infusoires travaillant, par myriades, à purifier l’air arcachonnais : gloire aux infusoires !
Quant à la marquise de La Grange, citée par Jean-Claude Garnung, toujours en 1857, elle succombe au romantisme des dunes d’où elle découvre « la mer argentée et verdâtre » et, au sol, elle « foule du pied le coret des sables, les phalaris, la linéaire à feuille de thym, l’épervière laineuse et le mélempire des prés* ». Puis, levant les yeux, « à travers les branches de l’arbousier et du tamarin », elle voit « le soleil couchant commencer à rougir la pointe du cap Ferret ».
Oscar Déjean, lui aussi, reste sensible aux charmes d’Arcachon. Il écrit : « Les villas, les unes se mirent avec coquetterie dans l’eau calme et limpide du Bassin, les autres délicieusement assises dans la forêt, sont entourées de pins séculaires et d’arbousiers toujours verts. Toutes, sous l’influence des évaporations salines de la mer combinées avec les émanations balsamiques de la forêt, ont chacune ses fleurs, sa verdure, son ombrage ». Le miracle c’est, qu’aujourd’hui encore, Arcachon offre tout cela …
Mais notre guide Déjean a aussi les pieds bien sur terre. Il a remarqué, qu’à l’exception de quelques-unes de celles que les propriétaires gardent exclusivement pour eux, toutes les maisons d’Arcachon ont été construites dans le but de les louer pendant la saison des bains. Il faut se souvenir que Lamarque de Plaisance, répondant à Lalesque qui estimait qu’Arcachon n’avait pas d’industrie, le premier maire de la ville lui a rétorqué, le menton en avant « qu’elle avait l’industrie de l’étranger ! ». Le monde étranger commençant exactement au-delà du quartier des Bordes, à La Teste.
Comme toute industrie, celle des étrangers a ses tarifs. Dans les maisons arcachonnaises, une seule chambre se loue dix francs par mois. Mais il faut compter jusqu’à 1 500 francs, toujours par mois, pour une belle demeure contenant salons, salle à manger, chambres à coucher, cabinets et cuisines. À la même époque, un ouvrier paie autour de 150 francs par mois pour un logement banal dans une rue du quartier de Belleville à Paris.
Retour à Arcachon. Puisqu’on est dans les détails ménagers, il faut préciser que « le linge et l’argenterie ne sont fournis qu’exceptionnellement mais que, dans toutes les maisons, grandes ou petites, simples ou luxueuses, on trouve le mobilier et les ustensiles nécessaires ». Évidemment, pendant la saison des bains, « le mois d’août est celui où les locations sont au prix le plus élevé, le mois de septembre vient après, juillet ensuite et enfin juin et octobre qui sont sur la même ligne. Pendant tout le reste de l’année, les loyers sont excessivement bon marché mais les étrangers commencent à demeurer à Arcachon durant tout l’hiver ». C’est précisément sur ce tout dernier détail que commence une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca