Eyre landaise

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À Moustey, la Petite Leyre, calme à l’eau claire, et la Grande Leyre, impétueuse et à l’eau foncée, confluent au « Hourc d’Eyre », à l’altitude de 30 mètres, pour donner naissance à l’Eyre.

En 56 avant J.-C., Crassus, lieutenant de César, conquiert l’Aquitaine. Du côté du bassin de l’Eyre, vivent, en aval, l’antique peuplade des Boïates et plus en amont, les Vasates, voisins de la puissante tribu des Tarbelli, tous de langue aquitanique. Les Vasates sont un peuple important aquitain (proto-basque) de l’Aquitania novempopulana. Ils ont laissé leur nom à la ville de Bazas ; on pense généralement que ce peuple correspond aux Vocates (Jules César), aux Vassei ou aux Basabocates (cités simultanément par Pline) de l’Aquitaine antique. Certains auteurs corrigent Basabocates en Basaboïates, terme pouvant indiquer un peuple intermédiaire entre Vasates et Boïates[1].  Lucien Bonaparte, second frère de Napoléon Bonaparte, féru d’histoire et de littérature, s’appuyant sur les notes de Ptolémée, géographe grec (90-168), l’affirme : « Le Sigman (Σῐγµαν ou Sigmanus), aujourd’hui appelé la Leyre, se jette dans le bassin d‘Arcasson, autrefois nommé Curianus Sinus, ou Golfe de Cure ». [Lucien Bonaparte, Charlemagne ou l’église délivrée : poëme épique en 24 chants. Vol. 1, strophe 14, vers 2]. Mais cette assertion ne fait pas l’unanimité et d’aucuns remettent en question l’identification de ce mystérieux Sigman avec l’Eyre. Sigman et Eyre ne font-ils qu’un ? Faut-il dire Leyre ou Eyre? Occupée depuis le Mésolithique, le bassin versant de l’Eyre accueille des populations qui parlent une langue qui n’a rien à voir avec celles que nous connaissons aujourd’hui en Europe, à l’exception du basque. Bien antérieure au latin et à la vaste famille dite « indo-européenne » à laquelle appartient ce dernier, elle a servi tout d’abord à désigner, comme ailleurs, les éléments naturels. C’est ainsi que partout dans le monde, noms de rivières (hydronymes) et noms de montagnes (oronymes) appartiennent aux strates les plus anciennes. De ces langues primitives, qui fondent le socle de notre héritage, nous ne connaissons que des bribes ; il est donc très difficile de déterminer le sens exact des quelques vestiges qu’elles nous ont légués mais il est généralement admis que, la plupart du temps, un nom de cours d’eau ou un nom de montagne signifie tout simplement « eau » ou « montagne » avec quelques nuances que l’on arrive à déterminer en opérant par comparaison et regroupements sur des aires linguistiques assez vastes. Certains ont donc voulu rapprocher Leyre et Loire (Liger en latin) et y ont vu une évolution phonétique régulière suivant les règles de l’occitan gascon de ce même étymon Liger. Cette hypothèse serait recevable si nous n’avions de bons arguments pour dire que notre rivière s’appelle, dès les origines, Eyre (Èira) comme en témoignent le lieu-dit Hourc d’Eyre (à Moustey, entre le pont de la grande Leyre et celui de la petite Leyre, se trouve le sentier de découverte du hourc d’Eyre). Un paysage secret y titille l’imaginaire. Ce lieu de rencontre est à découvrir. « Lo Horc d’Èira », autrement dit la confluence de la Petite et de la Grande Leyre, « lo horc » ou la fourche en gascon comme on retrouve par exemple le terme en Chalosse dans Horsarrieu (Horç arriu), où se rejoignent aussi deux ruisseaux, ou Hourcgave à la confluence des gaves réunis et de l’Adour, à Sainte-Marie-de-Gosse. Abondent également dans ce sens, les toponymes landais tels Oeyregave (en occitan gascon Ueire Gave[2]) ou Oeyreluy (il faut prononcer /ue.ʁɘ.lœj/ “Ou-aireu-l’œil” ; pour Bénédicte Fénié, spécialiste de la toponymie gasconne, l’origine viendrait du nom propre “Oeyre”, et “Luy” serait venue afin de différencier “Oeyreluy” et “Oeyregave”), qui sont des redondances, et qui prouvent bien qu’il a existé un terme générique èira, prélatin – voire pré-indo-européen passé au roman, que l’on retrouve en plein Bordeaux dans le Fossé des Ayres, à Podensac (Gironde) dans le lieu-dit Les Eyres et, sous une forme diminutive, dans la Craste de l’Eyron, en Médoc. Nul besoin d’aller chercher midi à quatorze ou quinze heures pour assurer que Leyre est une forme comportant une agglutination de l’article – ou du moins une consonne euphonique – en raison de la complication à prononcer le syntagme « à Eyre (a Èira)» car, en gascon, les noms de cours d’eau ne sont pas précédés d’article ; ainsi, Pierre Perret s’en va baigner « à Garonne » lorsqu’il chante « Je suis de Castelsarrasin » (avec des passages savoureux en occitan) :

« Je suis de Castelsarrasin

Y a du tabac y a du raisin

C’est pas du Havane il s’en faut

Et le vin c’est pas du bordeaux

Mais les gens y sont accueillants

Et j’en connais de biens vaillants

Qui ne se payaient pas souvent

Le luxe d’avoir mal aux dents

Une seule fois en dix années

On est allés se promener

Durant quinze jours de beaux temps

Sur les plages de l’océan

Avec les matelas pneumatiques

La tente et les trucs à moustiques

La camionnette en pouvait plus

Mais on chantait comme des perdus

 

On plantait la toile n’importe où

Dans les dunes de sable doux

On évitait les plages de riches

Qu’on appelait pas encore les beaches

Dans les bois de pin résineux

On faisait bien attention au feu

On allait pas au restaurant

On mangeait le pâté de maman

Mon petit frère était bien mignon

Mais y piquait tous les brugnons

Au dessert pour se faire pardonner

Il chantait mes jeunes années

Au lieu de nous chasser de là

On nous offrait du ratafia

Pour remercier le proprio

Le soir je jouais du saxo

 

Je suis de Castelsarrasin

Et du patois je m’en souviens

Les paysans disaient le jeudi

“Bôou al mercat à Sarrasi” (je vais au marché à Castelsarrasin)

Et l’été quand le soleil donne

J’allais me baigner à Garonne

Mémé disait Moun diou pitchou (mon dieu petit)

Té bas nega fas attentiou (tu vas te noyer, fais attention).

Moi sur mon vélo fou de joie

J’allais voir la petite Emma

Ses petits seins en presse-boutons

Qui me faisaient grosse impression

Ces êtres au cœur si bien bâti

Qui m’ont fait regarder la vie

Qu’ils tiraient à hue et à dia

S’appellent Maurice et Claudia. »

    http://docplayer.fr/26453854-Pissos-salvien-de-marseille-moine-de-lerins-ne-a-treves-vers-390-mort-a-marseille-apres-484.html

 

Passée la confluence, la voûte végétale appelée « forêt-galerie » prend ses aises et file le long des tourbières, prairies anciennes et bras morts.  L’ambiance du cours d’eau reste paisible, loin des villages. À Moustey, sur la rive gauche de l’Eyre, réside la fontaine Saint-Yves. C’est assez compliqué pour y aller : après le grand virage dans le bourg à droite on emprunte le chemin de Marriotte, après un kilomètre sur un chemin de terre on arrive à la fontaine dédiée au second patron de la ville ; cette fontaine soigne les maux des yeux et de peau. On peut supposer que le nom a été introduit par les pèlerins bretons allant à Saint-Jacques-de-Compostelle.

http://www.alalandaise.fr/fontaines-miraculeuses-source-bien

 

Saugnac-et-Muret est la réunion non pas de deux, mais de trois bourgs : Saugnac, en bordure de l’Eyre, le plus ancien sûrement d’origine romaine ; Le Muret, à l’ouest, sur le chemin des pèlerins de St-Jacques, traversé par l’ancienne nationale 10, où se situe la chapelle du XIIIsiècle ; et Castelnau au sud-ouest, à l’habitat plus récent.

Selon Bénédicte Boyrie-Fénié, auteure de nombreux ouvrages sur la toponymie des communes de Nouvelle-Aquitaine, les noms en « ac » ont tous une origine antique. Dans le passé, ils n’avaient pas de « q ». Commensacq était la capella de Commensaco au XIVe siècle, Donzacq était Donzag au XIsiècle, Gaujacq était Gauiac en 1638, Saugnac dérive du latin, « Sabinus », désignant une modeste construction antique. « Le “Q” n’a aucun sens, il a été placé uniquement pour faire joli », affirme la géographe. Le malentendu s’est répandu dans le département pendant la Renaissance et pendant la Révolution : « Y », « H » et « Q » sont à la mode et font irruption un peu partout. Ce qui est « ridicule et totalement farfelu du point de vue de l’étymologie », selon la spécialiste.

« Landes : pourquoi Saugnac-et-Muret ne prend pas de « Q » ? », Christophe Landry, Sud Ouest, 25/08/2017

https://www.sudouest.fr/2017/08/25/pourquoi-saugnac-et-muret-ne-prend-pas-de-q-3721752-3452.php

Avec la politique de plantation de la forêt des Landes de Gascogne au milieu du XIXe siècle, Saugnac devient le bourg majeur de la commune. En effet les bois de pin et la résine partent sur des radeaux par flottaison depuis le pont de Leyre vers le Bassin d’Arcachon et des destinées plus lointaines (nord de l’Europe, États Unis d’Amérique, …)

https://www.coeurhautelande.fr/Communaute-de-communes/Coeur-Haute-Lande/Les-26-Communes/Saugnac-et-Muret

Les zones agricoles et installations agro-alimentaires prospèrent : maïs, ainsi que légumes verts, asperges, carottes (dont une grosse unité de conditionnement) ; les producteurs diversifient leurs initiatives : production de gazon exporté sur toute la France pour les stades et équipements sportifs, ainsi que des « sédums » pour réaliser des toitures végétalisées ; production et conditionnement de bulbes à fleurs pour l’exportation. Également deux apiculteurs font du miel de qualité, et une conserverie artisanale des produits régionaux.

https://www.franceinter.fr/emissions/le-jeu-des-1000-eu/le-jeu-des-1000-eu-27-aout-2015

[1] – https://fr.wikipedia.org/wiki/Vasates

[2] – https://www.locongres.org/fr/applications/top-oc/cartographie-topoc

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Raphaël

Un commentaire

  1. Raphaël bonjour, – chapelle Saint Roch du Muret – le site de la commune de Saugnac et Muret mentionne : ” Elle est mentionnée au XIIe siècle, comme étape sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle.” – [dé rite ] Chapelle romane (XIIème siècles) construite en garluche au centre d’un airial de chênes et de pins centenaires, par ailleurs. S’agit-il de la chapelle décrite supra ? ” Le Muret, à l’ouest, sur le chemin des pèlerins de St-Jacques, traversé par l’ancienne nationale 10, où se situe la chapelle du XIIIe siècle – merci de votre rémonnse – cordialemen J.-P. M.

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