L’abbé Mouls chassé pour péché d’orgueil en 1869, la principauté arcachonnaise n’en a pas retrouvé le calme politique pour autant. Le 4 septembre, l’Empire meurt dans le sanglant échec de la guerre contre la Prusse. La République revient, un peu chancelante. Ce qui ne l’empêche pas, le 9 septembre, de révoquer le maire bonapartiste, Jean Mauriac. Personne ne veut le remplacer et le voilà revenu, dès le 13 septembre, dans ce fauteuil arcachonnais si disputé. Il décide de mettre sur pieds la compagnie de gardes mobiles du canton, commandée par un certain capitaine Pillas. Il est vrai qu’on ne sait pas très bien où vont s’arrêter les Prussiens !
Bien que, le 15 septembre, il ait écrit au Préfet : « je suis prêt à défendre la République », le 2 novembre, Mauriac se plaint au même : « un attroupement part de Bordeaux pour me chasser et mettre le feu à des habitations ». Le Préfet n’aime pas ce genre d’insinuation qui met en cause son efficacité et l’autorité de l’État. Donc, le 30 novembre 1870, Mauriac est révoqué et, pour le remplacer, le préfet nomme … Deganne. Mais il est battu aux élections du 30 avril 1871. Mauriac redevient maire, le 7 juin 1871.
Pendant ce temps, de très graves événements se produisent à Paris qui mettent en émoi les réfugiés venus se protéger dans le calme d’Arcachon. La Commune, qui tient Paris assiégé par les Prussiens, marche sur Versailles où se sont réfugiés le gouvernement et l’assemblée. Sa marche est un échec. Un Comité de salut public est instauré. À Versailles, l’Assemblée, dominée par Adolphe Thiers – celui de notre place et de notre jetée ce qui lui fait beaucoup d’honneurs – signe le Traité de Francfort. Il met fin à la guerre et l’empire allemand est proclamé. Chez Louis XIV. Bismarck a réussi son ambition « Faire l’unité de l’Allemagne par le fer et par le sang ». Effectivement, le sang des Français n’a pas fini de couler. Le 21 mai, les Versaillais, renforcés par les prisonniers de guerre libérés par Bismarck, entrent dans Paris. Pendant les huit jours de la Semaine sanglante, l’armée fusille des Communards, les derniers étant exécutés au Mur des Fédérés. La Commune, en même temps, tue Monseigneur Darboy, ainsi que plusieurs prêtres et, le 28 mai, elle capitule. Mais elle chante que « reviendra le temps des cerises »…
Cette page tragique remet évidemment à sa petite place les polémiques arcachonnaises qui n’en continuent pas moins, tout comme le commerce qui reste florissant. Cependant, Mauriac écrit au préfet, le 2 novembre 1870 : « Les troubles que sèment constamment à Arcachon des esprits malfaisants font quitter notre localité par toutes les personnes qui ne sont pas du pays et qui vont porter à Pau tout l’argent qu’elles auraient dépensé chez nous ». Cupidité ? Cynisme ? Ignorance de la gravité des événements ? Opportunisme politique ? Qui le dira ?
Toujours est-il que Mauriac reste maire jusqu’à sa révocation du 9 février 1874. En cause : des affaires financières, sous roche depuis un moment. Elles éclatent lorsque le successeur de Mauriac, Louis-Alexandre Lafont, banquier comme lui et sans doute un peu concurrent, transmet la comptabilité de Mauriac à la Cour des Comptes. Laquelle conclut que Mauriac s’est immiscé dans le maniement des deniers communaux. Mauriac a, effectivement, utilisé pour des travaux communaux, des sommes empruntées pour la Défense nationale. S’ensuit une obscure affaire, d’où il ressort que, si Mauriac doit 127 francs à la commune, cette même commune lui doit 371 francs, en raison de travaux exécutés mais qu’il n’a pu faire approuver, à cause de sa révocation subite. Laffont fait dissoudre le conseil municipal. Mais les affaires traînent et ce n’est que le 22 novembre 1874 qu’un nouveau conseil est élu. Surprise : on y retrouve, pêle-mêle, Mauriac, Gustave Hameau, ainsi que les deux farouches adversaires, Lamarque de Plaisance et Deganne. On devine que l’avenir belliqueux s’annonce prometteur. C’est une autre histoire.
À suivre…
Jean Dubroca